State of demand for care in developing countries
Komi HEMEDZO & Edem TOKPO
Résumé: Être en bon état de santé constitue l’un des droits fondamentaux de tout être humain. Cependant, certaines données probantes démontrent que beaucoup d’individus dans le monde n’ont que très peu d’accès aux soins de santé. Ces disparités, aujourd’hui, se font de plus en plus observer dans les pays en développement. Les populations vulnérables dans ces pays, sont moins susceptibles de recevoir les soins de santé que les mieux nantis pour des raisons multiples : les barrières culturelles, la mauvaise qualité des soins, l’insuffisance de ressources, le faible revenu des ménages, l’inaccessibilité géographique, les coûts de transport, les frais d’utilisation etc. Ces éléments constituent des barrières à l’accès aux soins pour les pauvres. Ils constituent les déterminants de l’état de santé. Cet article à travers une analyse socio-économique de la santé, aborde dans un premier temps les facteurs entravant la demande de soins chez les pauvres dans les pays en développement et dans un second temps les éléments sur lesquels les acteurs pourraient agir substantiellement afin que les soins de santé soient accessibles à tous.
Mots clés: Soins, accessibilité, déterminants, santé, population vulnérable
Abstract: Better health is one of the fundamental rights of all human beings. However, there is some evidence that many people around the world have less access to health care. These disparities are growing more and more in developing countries. Vulnerable populations in these countries are less likely to receive health care than rich people for several reasons: lack of financial means, cultural barriers, poor quality of care, lack of resources, poor health Household income, geographic inaccessibility, transportation costs, user fees, etc. These indicators constitute barriers to access to healthcare for the poor. They are also the determinants of health status. This article discusses of a socio-economic analysis of health, addressing the issue of health care in order to make its access to any human being.
Keywords: Care, accessibility, determinants, health, vulnerable population
Plan
Introduction
Problématique de demande de soins : corrélations entre écart de revenu et l’accès aux soins
Méthode de collecte de données et d’analyse
Fondements théoriques de la demande des soins
Déterminants de la demande de soins
Barrières financières comme handicap à la demande de soins des pauvres
Effet du revenu sur la demande de soins
Effet du prix sur la demande de soins
Effet du coût de transport / la distance sur la demande de soins
Études empiriques
Fonds d’équité et mécanisme d’assurance maladie : études de cas
Cas du Cambodge
Cas de Madagascar
Transferts monétaires conditionnels cas de l’Amérique latine : le Mexique et le Nicaragua
Cas des pays de l’Afrique : la Tanzanie et le Malawi
Cas des pays de l’Asie : le Népal et l’inde
Conclusion
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INTRODUCTION
La demande de soin est souvent considérée comme un désir d’un individu ou d’un groupe de personnes à l’endroit de l’amélioration de la santé ou à l’utilisation d’un service. Elle s’inscrit dans la trame des discours portant sur des inégalités. Cet article pose et expose le diagnostic sur la demande de soin dans les pays en développement. Il part d’un état des lieux sur la corrélation entre pauvreté et demande de soin avant de statuer sur les fondements théoriques de la demande de soin (Brousseau, 2000). En plus de poser les questions sur la qualité des soins dans les pays en développement, il s’agit aussi de faire ressortir dans quelle mesure l’utilisation des infrastructures de soins est optimale ou non. Pour ce faire, il était opportun de consulter un certain nombre de bases de données afin de cerner le contour de la problématique. La réflexion s’est inspirée des théories de la demande afin de ressortir les obstacles qui freinent la demande de soins dans les pays en développement (Owen O’donnell, 2007). Il fallait aussi comprendre l’étendue du phénomène à travers la particularité de certains pays, d’où la nécessité de faire des études empiriques sur certains fonds d’équité et mécanismes d’assurance sans oublier les mécanismes de transfert monétaire. En tout état de cause, si l’idée directrice de cet article est fondée sur l’état de la demande de soins dans les pays en développement, structurellement, il s’articule autour de deux points centraux dont les déterminants de la demande de soins ; et des études empiriques. En s’appuyant sur des données probantes, cette étude démontre qu’il y a des barrières à la demande et à l’accès réel au soin. Ces barrières sont contournées par certains États à travers des stratégies diverses.
PROBLÉMATIQUE DE DEMANDE DE SOINS : CORRÉLATIONS ENTRE ÉCART DE REVENU ET L’ACCÈS AUX SOINS
Beaucoup d’individus dans le monde vivent sans soins de santé ou avec peu de couverture santé (OMS, 2013). Dans les pays en développement par exemple, des millions de personnes souffrent de maladies évitables, comme les maladies infectieuses, la malnutrition, les complications liées à l’accouchement etc., pour la simple raison qu’elles sont pauvres (OMS, 2016). Ces pauvres qui vivent dans les pays en développement sont moins susceptibles de recevoir les soins de santé que les mieux nantis pour plusieurs raisons.
En effet, les différences entre l’état de santé des personnes pauvres et des plus aisées sont souvent criardes même si elles pourraient être évitées ou réduites. Les écarts de revenu et l’accès aux soins reflètent les différences entre contraintes et opportunités socio-économiques plutôt que les choix individuels. La pauvreté engendre la mauvaise santé et la mauvaise santé entretient la pauvreté (Adam Wagstaff, 2002). Ainsi, le niveau et la répartition de la santé requièrent que des mesures soient prises dans le monde en développement pour remédier à ces problèmes. Bien que les gouvernements aient fait des progrès dans le domaine de la santé publique au cours des dernières décennies, plusieurs initiatives visant à améliorer l’état de santé des plus démunis se sont soldées par un échec (OMS 2016). Ainsi, l’objectif de santé pour tous est devenu primordial. Les gouvernements, les organisations internationales ont de longue date compris qu’il fallait renforcer les systèmes de santé en mettant un accent particulier sur le niveau de santé des pauvres. Cet objectif depuis l’initiative de Bamako a été introduit à travers le recouvrement des coûts (Jacques Defourny et Julie Failon, 2011). Mais, plusieurs études ont montré que ces politiques n’ont pas véritablement contribué à l’augmentation de la demande des soins des pauvres. La demande est souvent limitée par la barrière financière ou encore l’incapacité des pauvres à faire face au prix des soins. Les fonds d’équité et assurance-santé entre-temps imaginés ne parviennent pas à aider les patients les plus pauvres à se soigner convenablement. Le besoin de soins est réel mais la demande est faible. En réalité, le problème d’accès aux soins de santé peut être vu de deux côtés. Du côté de l’offre, une bonne qualité des soins et une santé efficace ne peuvent être offerts. Du côté de la demande des soins, l’on attend une utilisation véritable des services de santé (Owen O’donnell, 2007). Ces deux facteurs sont intrinsèquement liés en ce sens qu’une augmentation de la demande des soins peut induire une meilleure qualité des soins (Owen O’donnell, 2007). De même, une qualité médiocre peut entraver une baisse de la demande. Cet article met un accent particulier sur les caractéristiques de la demande des soins chez les pauvres. Il met aussi en exergue les différents déterminants de la demande des soins.
MÉTHODE DE COLLECTE DE DONNÉES ET D’ANALYSE
La méthode utilisée est basée sur une recherche documentaire et l’exploitation des bases de données. Les publications consultées en français et en anglais ont été faites entre 1972 et 2017. En effet, plusieurs sources sont consultées à savoir : Pubmed (base de revue scientifique), Journal of Heath Economics (revue scientifique), BIREME (Bibliothèque régionale de médecine de l’organisation panaméricaine de la Santé), Journal de politique économique, Sciences sociales, Google (Moteur de recherche sur internet et Scholar), OMS, Banque mondiale, UNICEF, Ministères des économies et de finances des pays d’Afrique etc.
Par ailleurs, les recherches scientifiques sur les bases de données ont abouti dans un premier temps à un total de 210 dossiers tandis que la littérature via Google en conclut à plus de 2220 dossiers. Une stratification a été faite et nous avons éliminé 1971 dossiers jugés non importants par Google (papiers commerciales, blogs). Ensuite, 173 revues identiques ont été supprimées. Du reste des 76 papiers, ont été enlevés les documents ne contenant aucune information sur la conception, ni le pilotage ou la mise en œuvre de l’augmentation de la demande des soins chez les populations vulnérables. En fin de compte, 52 documents jugés importants pour cette étude ont été retenus. Cependant, deux étapes fondamentales sont à noter :
• Dans un premier temps, une synthèse théorique de la littérature a été réalisée sur la question de la demande des soins. Cela a permis de distinguer les déterminants ou les facteurs de la demande des soins chez les pauvres. Ainsi, pour obtenir la liste de ces déterminants, il a fallu procéder à une combinaison des termes de recherches comme : demande des soins et pays pauvres, accessibilité des soins et pays à faible revenu ou pays à revenu intermédiaire etc.
• Dans un second temps, une étude empirique a été faite ; elle a permis de faire un retour sur les différents pays où l’augmentation de la demande des soins a été expérimentée. Trois continents où la demande de soins paraît faible alors ont retenu l’attention dans le but de procéder à une étude comparative non approfondie.
FONDEMENTS THÉORIQUES DE LA DEMANDE DES SOINS
De nombreux travaux sur la demande de soins et des services de santé dans les pays en développement ont vu le jour depuis les années 1960. Mais une divergence est vite apparue entre les pays développés et ceux en développement. Les premiers travaux d’ordre néoclassique qui se fondent sur la rationalité des individus, la coordination individuelle des marchés avaient construit un modèle producteur-consommateur (Brousseau, 2000). Dans ce modèle, le médecin est considéré comme le producteur qui maximise sa fonction d’utilité en arbitrant entre le travail et le loisir. Au contraire, le patient n’est qu’un simple consommateur ou un investisseur qui optimise son capital-santé dans ce modèle (Boubou Cissé, Stéphane Luchini, Jean-Paul Moatti, 2004). Selon Darbon et Letourmy (1983), cette conception reste théorique et est loin de refléter la réalité dans les deux groupes pour certaines raisons :
Primo, dans les pays développés, il faut retenir comme arguments, l’interdépendance de l’offre et de la demande, la souveraineté des patients, la déconnexion des dépenses de soins de la responsabilité financière du côté du médecin et du côté des patients surtout dans certains pays de l’Europe occidentale, l’asymétrie d’information, les problèmes de théorie d’agence, etc. (Boubou Cissé, Stéphane Luchini, Jean-Paul Moatti, 2004).
Secundo, dans les pays en développement, l’interdépendance entre les médecins et/ou les patients reste très développée, car recourir ou non aux soins de santé relève de la fonction de demande des ménages. Cette réalité démontre l’indépendance entre l’offre des soins médicaux et la demande des soins puisque la concurrence entre l’automédication, la médecine moderne et le renoncement aux soins se fait très remarquée comme le précisent les auteurs Boubou Cissé, Stéphane Luchini et Jean-Paul Moatti (2004).
Malgré ces différentes approches micro-économiques sur le bien « santé », la littérature a rapidement évolué en distinguant dans un premier temps les facteurs réels dépendants de la demande de soins mettant l’accent sur le prix et le revenu. Dans un second temps, elle intègre en plus du prix et du revenu, les variables de qualité, les variables sociodémographiques. Grossman (1972), avait appuyé très tôt cette idée en affirmant que la demande de soins dépend non seulement de l’état de santé de l’individu tel qu’il le perçoit mais également des facteurs économiques comme le prix des biens et services du marché, le revenu. Cependant, les premières études sur le comportement de la demande de soins suite à l’augmentation ou à la diminution des prix des services de soins ont révélé une inélasticité de la demande par rapport au prix et au revenu. Ces études à l’instar de Heller P. (1982) en Malaisie, Akin et al (1986) aux Philippines, n’ont montré aucune corrélation significative entre la demande des soins, le revenu des ménages et le prix des services. Toutefois, l’étude de Gertler et Gaag (1990) démontre une élasticité prix significative et négative de la demande de soins. En se focalisant sur les travaux plus ou moins récents d’Amartya Sen (2000), en particulier sur sa réflexion sur la santé et le développement, on peut comprendre qu’il est évident qu’améliorer la santé de la population doit être considéré comme l’un des principaux objectifs dans le processus de développement économique. Le développement sanitaire induit la croissance en ce sens qu’une population en bonne santé est plus productive et les retombées de cette productivité ont un impact à moyen et long terme sur la croissance économique et le bien-être social. D’autre part, le développement économique agirait sur l’état de santé de la population.
En effet, reconnaissant ce rôle joué par le bon état de santé dans le développement économique, les politiques mises en œuvre depuis la conférence internationale de Alma Ata (1978) en passant par l’initiative de Bamako (1987) et le sommet d’Abuja (2001) jusqu’alors, ne cessent d’accroitre les dépenses de santé, aujourd’hui devenues une priorité des États pour l’amélioration de la santé des populations (Hemedzo, 2017). Cependant, il est à noter que ces mesures prises en agissant sur la demande des soins ne seraient qu’au bénéfice des plus riches. Une grande partie des populations est mise à l’écart à l’accès aux soins pour plusieurs raisons. Nombreux exemples illustrent cette argumentation comme le cas du Ghana en 1994 dont la part des soins de santé reçus par les pauvres en pourcentage des dépenses publiques de santé est moins de 15%, la Côte d’Ivoire en 1995 est de 12% etc. Par ailleurs, le recouvrement des coûts prôné par l’initiative de Bamako n’a pas vraiment contribué à l’amélioration de la demande des soins. Le manque de moyen financier, les barrières socio-culturelles et géographiques, la qualité des soins, le manque d’information sur certaines maladies sont des arguments en défaveur de la demande de soins chez les populations vulnérables. Dans une étude réalisée par l’UNICEF en 2008, selon des données de l’Enquête Démographique et de Santé (EDS), les coûts financiers sont cités par 56% des femmes en Afrique de l’Ouest et du Centre comme une des raisons de la non-utilisation des services sanitaires. Ce chiffre étant plus élevé dans les zones rurales (63%) et dans certains pays.
DÉTERMINANTS DE LA DEMANDE DE SOINS
La preuve qu’une partie de la population dans le monde est toujours dépourvue de soins de santé reste une réalité. Les pauvres dans les pays en développement en sont victimes (OMS, 2013). Or, l’inaccessibilité aux soins de santé peut être traitée de deux façons. Premièrement, du côté de l’offre de soins, lorsque la qualité des soins prodigués est médiocre et que les soins de santé sont jugés inefficaces, cela entrave à la demande des soins de santé. Deuxièmement, du côté de la demande, lorsque les individus sont dans l’incapacité d’utiliser les services de santé pour des raisons spécifiques, cela engendre une abstention de la demande des soins (Owen O’donnell, 2007). Ainsi, ces deux arguments sont étroitement liés en ce sens qu’une mauvaise qualité des soins suscitera moins d’intérêt pour la population. De même, une forte demande des soins de santé à travers l’achat des soins provoquerait une livraison de soins de santé de meilleure qualité. Il s’avère important de prendre en compte l’offre et la demande de soins dans l’analyse des déterminants de la santé. Cependant, la question importante concerne l’analyse des déterminants de la demande des soins. Grossman (2000), démontre que l’analyse des déterminants de soins permet aux décideurs politiques:
o d’augmenter l’efficacité et l’efficience dans le secteur de la santé,
o de s’assurer de l’utilisation par tous des services offerts en particulier les plus vulnérables,
o de formuler des politiques et stratégies dans le domaine de la santé
o d’accroître la qualité des soins,
o de mettre en place des stratégies pour le financement des programmes de santé.
Il faut comprendre que les déterminants de la demande de soins de santé désignent l’ensemble des facteurs personnels, sociaux, économiques et environnementaux qui influencent l’état de santé des individus ou des populations sans nécessairement être la cause directe du problème ou de la maladie (IPCDC, Mikkonen, J. et D. Raphaël (2011) et MSSS (2012)). Par ailleurs, les facteurs qui influencent la demande des soins sont multiples. Ils permettent de savoir si l’individu peut reconnaître la maladie, peut souhaiter la traiter et peut être capable de se procurer des soins. Ainsi, peut-on évoquer certains indicateurs ayant une incidence sur l’accès aux soins comme le revenu des ménages, l’éducation et l’accès à l’information, les barrières liées à la distance par rapport aux structures de soins, les facteurs socio-culturels, la qualité des soins, la disponibilité des personnels de santé, l’accueil réservé aux patients pauvres, la disponibilité des médicaments, la technologie de production utilisée etc.
BARRIÈRES FINANCIÈRES COMME HANDICAP À LA DEMANDE DE SOINS DES PAUVRES
La demande de soins chez les pauvres peut être entravée par les barrières financières. Les facteurs sont le prix lié aux coûts des soins médicaux, le revenu des ménages, le coût de transport, les coûts d’opportunité etc. (Fafa Rebouha, 2007). Ces déterminants sont connus sous le vocable de facteurs économiques. Pour certains auteurs (Mathonnat, Audibert et de Roddenbeke (2003), le prix a un impact significatif sur la demande de soins. À contrario, d’autres auteurs comme (Lori Ashford et Dara Carr, 2004) soutiennent que le prix n’a aucune valeur significative sur la demande des soins mais le revenu.
EFFET DU REVENU SUR LA DEMANDE DE SOINS
Le revenu des ménages est l’un des facteurs déterminant la demande des soins chez les pauvres (Fafa Rebouha, 2007). Il existe une corrélation positive entre le niveau de vie et l’utilisation des services de santé. L’inégalité du revenu atteste que les plus démunis sont moins susceptibles d’avoir recours aux services de soins de base que les plus riches. D’après Adam Wagstaff (2002), le revenu et le patrimoine constituent un élément fondamental des ressources des ménages. Par exemple, la probabilité qu’une femme reçoive les soins prénataux et une prestation médicale assistée augmente avec le revenu. Les femmes du quintile le plus riche en moyenne, sont cinq fois plus susceptibles d’accoucher devant un professionnel de santé (médecin, infirmier) que les femmes du quintile le plus pauvre (Lori Ashford et Dara Carr, 2004). Il en est de même pour la contraception qui est beaucoup plus pratiquée par les femmes qui ont la chance d’être éduquées que les femmes pauvres sans éducation. Aussi, cet impact positif se fait sentir sur la vaccination des enfants en fonction du niveau d’éducation des mères. Cependant, la nature du financement des soins de santé dans le monde en développement avec une forte dépendance des paiements directs selon Owen O’Donnell (2007), renforce la relation entre le revenu et l’utilisation des services de santé. Pour cet auteur, la mutualisation du risque, les subventions croisées avec un système de prépaiement briserait le lien entre le revenu et la demande des soins de santé. Bref, le revenu est un élément déterminant qui peut bloquer l’utilisation des services de santé.
EFFET DU PRIX SUR LA DEMANDE DE SOINS
Le financement des soins de santé à travers les paiements directs des ménages fait que le prix devient un élément fondamental dans l’utilisation des services de santé. Ces paiements peuvent être considérables et différents selon les pays. Selon une étude de la Banque mondiale en 2001, au Vietnam, sur le quintile le plus pauvre de la population totale, le coût des visites hospitalières était de 22% des revenus nets annuels des ménages. Ces résultats confirment l’impact des coûts de soins sur la demande des pauvres. Mathonnat, Audibert et de Roddenbeke (2003), estiment que les facteurs qui bloquent, ou qui favorisent, l’utilisation des centres de santé dans les pays africains au sud du Sahara sont en premier lieu d’ordre financier, vient ensuite l’absence de qualité. La plupart des études montrent une inélasticité de la demande des soins de santé par rapport aux prix. Ce qui signifie qu’une augmentation des coûts de soins de santé entraîne une diminution moins proportionnelle de la demande chez les pauvres. Parmi les défenseurs de cet argument, nous pouvons citer les études de Heller (1982) sur la Malaisie auprès des ménages montrant une faible sensibilité au prix du nombre total des visites médicales annuelles. La demande globale représentée par le nombre de consultation interne et externe pour les services curatifs est inélastique au prix. Akin et al (1986) aux Philippines ont montré que les prix jouent très peu sur la demande des services de santé. Ils concluent que la demande de soins de santé curatifs est inélastique aux coûts monétaires et non monétaires qui n’auraient qu’un faible effet sur les probabilités de recours des individus malades. Selon les auteurs, les élasticités-prix varient entre – 0.006 et 0.000. Gertler et al (1987) ont montré à travers leurs études que si la santé est un bien normal, alors l’élasticité prix de la demande doit diminuer avec l’augmentation du revenu. Or, au Pérou, cette demande est moins élastique lorsque le prix augmente. Ce qui montre selon ces auteurs que les frais d’utilisation permettraient d’entraver l’accès aux soins chez les pauvres que chez les riches. Au Burkina-Faso, Sauerbron R, Nougtara A, Latimer E (1994), ont montré à travers une régression issue des données d’enquête, que la demande de soins apparait globalement inélastique et est de -0.79. Mais, cette inélasticité varie selon les âges et du revenu. Pour les nourrissons et les enfants, l’élasticité de la demande est comprise entre -3.6 et-1.7 et le quartile du revenu le plus faible est de -1.4 plus grande en valeur absolue que la demande globale. En chine, Mocan, Tekin et Zax (2004), ont aussi prouvé que la demande de soins médicaux est inélastique au prix et l’élasticité prix est plus grande en valeur absolue pour les ménages les plus pauvres. Dieng et al (2013) ont montré qu’au Sénégal la demande de soins est négative et inélastique au prix dans le secteur public. Cette élasticité est plus forte chez les pauvres que chez les intermédiaires et les riches. Dans le secteur privé, la demande de soins est faiblement élastique et positive. Ce qui explique qu’un grand nombre de secteurs privés à but non lucratif propose des prix accessibles et une meilleure qualité de soins ; d’où une propension élevée à payer pour ces soins. Toutes ces études en concluent que le prix n’a pas un effet significatif sur l’utilisation des services de soins.
Peu d’études iront dans le sens contraire en affirmant une demande de soins élastique à une hausse des prix. Ainsi, Abe Dunn (2016), en utilisant les prix négociés entre assureurs et fournisseurs comme variables instrumentales, a trouvé une élasticité prix de la demande des soins médicaux égale à -0.2. Son étude qui a aussi porté sur le marché de la demande des médicaments sur ordonnance et les services de soins ortho médicaux, a trouvé une élasticité prix de la demande de ces services comparable à celle des soins médicaux. Fabian Duarte (2012), dans son étude effectuée au Chili, estime l’élasticité-prix des dépenses à travers une variété de services de soins de santé. Les résultats ont montré que les élasticités se situent entre zéro pour les soins aigus et de -2,08 pour la plupart des soins spéciaux. Par ailleurs, l’étude a révélé qu’au moins un tiers de l’élasticité est expliquée par le nombre de visites. La part restante est expliquée par l’intensité de chaque visite. Enfin, les personnes à revenu élevé sont cinq fois plus sensibles aux prix que les personnes à faible revenu et les personnes âgées sont moins sensibles aux prix que les jeunes. Qian et al (2009) ont montré que le prix et la distance jouent un rôle important dans le choix de la fourniture des soins de santé. L’élasticité prix de la demande pour les patients en soins ambulatoires est plus élevée pour les groupes à faible revenu que pour les groupes à revenu élevé. Ainsi, Schneider et Gilson (1999), dans leur étude en Afrique du sud, ont montré une utilisation accrue des services prénataux existants et une augmentation des coûts des médicaments de 1% des dépenses du secteur de la santé récurrente suite à la politique de gratuité menée par le gouvernement pour les soins de santé maternels. Ce qui montre l’impact des prix sur la demande des soins. Pour aller plus loin, Chernichovsky et Meesook (1986), dans leur étude en Indonésie sur les motifs d’utilisation des services de santé traditionnels ou modernes, ont montré qu’un ménage à faible revenu est un obstacle à l’utilisation des services de santé moderne même si ces services sont fournis par le secteur public. La classe moyenne utilise les services plus chers et va chez les médecins qualifiés que la population pauvre. Ils poursuivent en disant que le revenu a un effet qualitatif entrainant le changement ou non de praticiens, de services plus coûteux et plus sophistiqués chez les pauvres plutôt que l’augmentation des dépenses sur le même type de services de santé.
EFFET DU COÛT DE TRANSPORT / LA DISTANCE SUR LA DEMANDE DE SOINS
Parlant des barrières financières liées à l’utilisation des services de santé chez les pauvres, les coûts de transport constituent aussi l’un des éléments les plus importants auxquels les patients doivent faire face. La plupart des pays du sud connaissent des difficultés de transport ; ce qui a une incidence sur la consommation de soins au bon moment et au bon endroit. Dans les milieux ruraux, le mauvais état des routes, la distance aux établissements de soins de santé montrent que l’effort, le temps et le coût de transport pour arriver au centre de santé sont substantiels. Ainsi, Qian et al (2009) ont montré que lorsque les patients sont en soins ambulatoires, ils ont des préoccupations particulières au sujet de la qualité du fournisseur, de sa réputation. La distance tend donc à avoir moins d’importance sur la demande de soins. En d’autres termes, ils sont prêts à voyager plus loin afin d’obtenir un meilleur traitement pour leur maladie. Acharya et Cleland (2000), dans leur étude sur la demande des services de soins maternels et pédiatriques au Népal, ont montré que lorsqu’un centre de santé est à proximité d’une communauté au Népal, la fréquentation est deux fois plus élevée qu’un établissement difficilement accessible. Il en est de même au Kenya où Madise et Rodrigues (2000) vont dans le même sens en démontrant que la distance a un effet sur l’utilisation des soins prénataux chez les femmes pendant la grossesse. Ils ont estimé un coefficient de corrélation intra-femme pour la fréquence des visites médicales allant de 50% à 80%. En 1996, 50% des mortalités maternelles au Zimbabwe ont été imputées à l’absence de transport et / ou du transport d’urgence (Fawcus et al 1996). La distance peut engendrer d’énormes coûts d’opportunité sur la demande de soins. Les ménages qui sont loin des centres de santé perdent plus de temps à y accéder.
ÉTUDES EMPIRIQUES
Des études de cas ou encore des études empiriques s’avèrent nécessaires pour faire ressortir la particularité de certains pays, de certaines sous-régions ou encore de certains continents où l’accès aux soins de santé présente certaines situations particulières en ce qui concerne les pauvres. Il convient de jeter un regard sur les facteurs qui peuvent influencer la demande des soins de santé chez les pauvres et aussi sur comment faire pour augmenter cette demande.
FONDS D’ÉQUITÉ ET MÉCANISME D’ASSURANCE MALADIE : ÉTUDES DE CAS
L’un des mécanismes mis en place pour améliorer l’accès aux soins des plus pauvres est les fonds d’équité (FE). Ils ont fait leur apparition pour la première fois au Cambodge au cours des années 2000. Ils ont servi de moyen qui permet d’améliorer l’accès aux soins des plus pauvres dans un contexte de participation financière des usagers. Le mécanisme des FE est basé sur l’identification des plus pauvres en vue de payer les structures sanitaires pour des soins qu’elles leur délivrent (IMT, 2005). Nombreux sont les pays africains qui ont adhéré à l’idée d’une participation financière des usagers à la suite de l’initiative de Bamako. Cette participation est venue s’ajouter aux fonds alloués au système de santé par les gouvernements et l’instauration des systèmes d’exemption du payement des soins par les plus pauvres (Tozio, 1997). La plupart des études soulignent l’échec des systèmes d’exemption pour plusieurs raisons :
• L’inadéquation du système sur le terrain comme prévu par la loi,
• Les vrais destinataires n’en profitent pas,
• Pas de compensation financière prévue,
• Les patients exemptés représentent un manque à gagner pour les structures sanitaires etc.
En réalité, les fonds d’équité ont pour objectif principal l’amélioration de l’accès aux soins des plus pauvres. Ils permettent d’éviter à ce que les ménages pauvres sombrent encore plus dans la pauvreté à cause des coûts des soins et contribuent au financement des structures sanitaires. En effet, le principe des FE est basé sur un système de tiers payeur qui garantit aux structures sanitaires un paiement pour les soins de santé offert aux plus pauvres. Ainsi, la structure sanitaire fournit des soins aux patients en échange d’un paiement mais les pauvres ne peuvent pas remplir cette fonction ou condition de paiement. Le principe du tiers payeur est divisé en deux étapes :
– identification des patients nécessitant une assistance financière,
– paiement à la structure sanitaire par un tiers des soins fournis,
L’identification des pauvres peut se faire à partir de deux approches : la pré-identification ou la méthode de ciblage et la post-identification. Concernant la pré-identification, elle consiste à identifier ou à isoler les plus pauvres parmi tous les pauvres de la communauté avant que le patient ne sente le besoin d’aller consulter (Morestin et al 2009). Elle est basée soit sur de nombreux critères soit sur des méthodes particulières comme la distribution de carte de santé qui prouve que le ménage pauvre peut bénéficier des FE en cas de maladie (Gilson, et al. 1995). La méthode d’attribution des cartes sanitaires peut conduire à plusieurs types de problèmes : la faisabilité technique du processus de pré-sélection, la mise en application etc. Plusieurs indicateurs entrent en jeux pour la sélection de ces personnes vulnérables à savoir la disponibilité de l’information fiable sur le ménage, le revenu, un système administratif très efficace pour l’élaboration et la gestion des données, et des principes pour éviter le phénomène de stigmatisation etc.
La post-identification ou la méthode auto-sélective est une approche qui a lieu au moment de la survenue de la maladie dans le centre de santé ou l’hôpital qui accueille le patient (Mathieu Noirhomme, Valéry Ridde, Florence Morestin, 2009). Elle se distingue de la pré-identification par des critères de pauvreté auto sélectifs. Cela consiste à laisser le choix aux individus afin de révéler eux-mêmes leur situation. Dans certains centres de santé, le patient riche se distingue du pauvre par le choix de l’occupation des chambres d’hospitalisation ou par les types de repas proposés. Ceux qui choisiront des chambres à occupation unique ou des repas fait par les restaurants se classent eux-mêmes dans un groupe moins pauvre que les autres qui choisissent des chambres d’hospitalisation à occupation multiple et des repas faits par les hôpitaux. Il en va de même pour certains services de soins où le patient choisit de payer des frais supplémentaires (Mathieu Noirhomme, Valéry Ridde, Florence Morestin, 2009). Tous ces mécanismes permettent d’une part de classer les différents patients (riches, moyennement riches, pauvres) et de d’obtenir des revenus redistribuables aux plus pauvres d’autre part. Cette méthode de post-identification est plus facile à mettre en œuvre et moins couteux que la méthode de pré-identification.
CAS DU CAMBODGE
Les FE ont été instaurés au Cambodge en 2000 où la population était de 14,1 millions d’habitants avec plus de 34,1% d’entre elle vivant à moins d’un dollar par jour et 77% moins de deux dollars par jour. Sur le plan sanitaire, le Cambodge est divisé en districts et provinces. La participation financière des usagers a vu le jour à partir de l’année 1997 et permet de prendre en charge 49% des primes salariales (IMT, 2005). Du côté de l’offre des soins au Cambodge, l’on note une insuffisance des primes et des salaires officiels. Ce qui entraine l’autorisation fréquente des activités parallèles dans le privé, l’extension du secteur privé non régulé. Du côté de la demande des soins, les dépenses en matière de santé par le gouvernement sont d’environ 17% (Annear PL, Bidgeli M, Eang RC, Jacobs B, 2008). Ce qui entraine le recours au secteur privé, le fardeau du coût de transport, la qualité non garantie, une généralisation des paiements non officiels etc. (Mathieu Noirhomme, Valéry Ridde, Florence Morestin, 2009). En termes de résultats, les FE introduits au Cambodge dans les années 2000 par les Médecins Sans Frontière (MSF) ont permis l’augmentation de l’utilisation des services de santé par les pauvres, l’augmentation à l’accès des soins de santé, une hausse de la protection sociale etc. (Peter Leslie Annear, Maryam Bigdeli, Ros Chhun Eang and Bart Jacobs, 2008).
CAS DE MADAGASCAR
Le Ministère de la Santé malgache a introduit en 2003, un système de protection sociale dans un programme national appelé FANOME. Ce système a été instauré au sein des formations sanitaires publiques (FoSa). Pour les FoSa du 1er et 2ème niveau, le système a débuté en 2004 dans l’ensemble du pays. Chaque FoSa dispose de son propre fonds d’équité qui est financé de manière interne par un prélèvement de 1/45 sur le bénéfice de la pharmacie qui y est rattachée. Le bilan après 4 ans est mitigé quant à la prise en charge à cause de la réticence de la population à être étiquetée comme « indigente » (Rapport Fonds d’Equité CHD II Marovoay – IMT – Avril 2004). Selon les districts, le taux d’identification varie entre 0 et 0,5% de la population induisant un nombre de bénéficiaires très limité avec une faible utilisation des fonds d’équité. Au niveau des FoSa de troisième niveau (hôpitaux), les fonds d’équité ont été mis en place en 2007 dans dix structures pilotes. Chaque fonds d’équité hospitalier (FEH) est financé par le prélèvement d’une partie des recettes de l’hôpital et un budget spécifique de l’État. Le FEH prend en charge la majeure partie des frais de soins hospitaliers. Bien que certains bénéficiaires disposent de la « carte de solidarité », c’est-à-dire qu’ils ont été identifiés de manière active, la majeure partie des bénéficiaires du FEH est identifiée passivement à l’hôpital par le médecin. Le système apparait prometteur, même si le nombre de patients pris en charge est actuellement encore limité. Ces bénéficiaires constituent entre 2 et 3,4% des admissions à l’hôpital (soit entre 0,01 et 0,04% de sa population-cible), entrainant une utilisation moyenne de 50% des ressources disponibles des fonds d’équité (Ministère de l’Economie, des Finances et du Budget, et l’Institut National de la Statistique, rapport principal Madagascar, 2006).
S’agissant de résultats, le taux d’utilisation de l’échantillon visité indique qu’environ une personne identifiée sur deux a recours aux soins des centres de santé de base (CSB) par an. Le système semble donc ne pas avoir d’impact sur le taux de consultation puisque la moyenne nationale de ce dernier est évaluée à 54% (Ministère de l’Economie, des Finances et du Budget, et l’Institut National de la Statistique, rapport principal Madagascar, 2006). Au regard des statistiques présentées sur base de l’échantillon visité, on serait tenté d’affirmer que le système de fonds d’équité et la prise en charge est relativement performant. Néanmoins, la présentation des résultats sous forme agrégée par district masque certaines disparités, notamment une grande différence entre milieu rural et urbain.
TRANSFERTS MONÉTAIRES CONDITIONNELS CAS DE L’AMÉRIQUE LATINE : LE MEXIQUE ET LE NICARAGUA
Le Mexique a connu le programme de transferts conditionnels sous l’appellation de la « Progresa ». La Progressa a été l’une des références des transferts conditionnels qui a connu d’énormes succès en Amérique Latine. Ce programme a permis une fréquentation deux fois plus régulière des centres de santé par les familles bénéficiaires que les non bénéficiaires. Sur le plan de la couverture vaccinale, les résultats ont été positifs pour les taux de vaccination de la tuberculose pour les enfants de moins de 12 mois et pour la rougeole pour les enfants de 12-23 mois. Dans le domaine de la nutrition, le programme mexicain a permis d’améliorer l’état nutritionnel et la croissance des enfants. On a remarqué une baisse du taux de prévalence dans l’obésité et de l’hypertension, la baisse de la mortalité infantile dans les milieux ruraux. Ceci dû à la demande de soins réguliers conditionnée par le programme mis en place (Meghna Ranganathan et Mylene Lagarde, 2012).
Au Nicaragua, le programme « RED de proteccion social » a permis une augmentation des fréquentations des cliniques publiques de santé par les enfants de 0 à 3 ans. Un effet positif en matière de couverture vaccinale contre la poliomyélite durant la première année du programme. S’agissant de nutrition, le programme a significativement fait baisser la proportion des personnes en surpoids (Meghna Ranganathan et Mylène Lagarde, 2012). Bref, sur le plan de la prévention, le programme a connu une grande réussite dans ce pays.
CAS DES PAYS DE L’AFRIQUE : LA TANZANIE ET LE MALAWI
Au Malawi, les résultats ont montré que le pourcentage des individus faisant le dépistage du sida a augmenté grâce aux incitations monétaires conditionnelles. Les analyses ont montré que, le nombre s’accroît proportionnellement à l’augmentation des transferts. Sur le plan comportemental, le programme a permis une prise de conscience de la part des femmes qui deviennent sensibles aux risques de relations sexuelles non protégées par rapport aux hommes. (Meghna Ranganathan et Mylene Lagarde, 2012)
En Tanzanie, le programme « REPECT » a enregistré une baisse de 25% dans les incidences des maladies sexuellement transmissibles (Meghna Ranganathan et Mylene Lagarde, 2012 ; World Bank, 2010).
Les données probantes recueillies dans ces deux pays démontrent qu’à défaut de réduire la prévalence des infections sexuellement transmissibles (IST), les différents programmes permettent de faire le dépistage de différentes maladies auprès de la population et éventuellement à en faire la prévention.
CAS DES PAYS DE L’ASIE : LE NEPAL ET L’INDE
Au Népal, le programme « Safe delivery incentive » a fait diminuer le nombre d’accouchement à domicile soit 5% et une augmentation de 24% des fréquentations des centres de santé publique. En Inde, les transferts conditionnels ont permis une augmentation significative de la proportion des femmes atteignant 3 soins prénataux et une augmentation des femmes accouchant dans les établissements de santé.
CONCLUSION
L’existence des disparités dans le domaine de la santé a été depuis longtemps évoquée par les chercheurs. Dans les pays en développement, ces inégalités s’accroissent et font l’objet d’une sous-utilisation des services de santé par les plus vulnérables. Les causes de ces problèmes sont multiples : inexistence de moyens financiers, les barrières culturelles, la mauvaise qualité des soins, l’insuffisance de ressources, le faible revenu des ménages, l’inaccessibilité géographique, les coûts de transport, les frais d’utilisation etc. Cependant, plusieurs auteurs ainsi que les organisations internationales comme la Banque Mondiale, l’Organisation Mondiale de la Santé et l’Organisation de coopération et de développement économiques ont montré que ces disparités peuvent être résolues. Ainsi, les solutions doivent répondre au niveau général à un ou plusieurs causes. La preuve en est que, dans certains des pays les plus pauvres, des programmes bien conçus ont permis aux groupes les plus vulnérables de bénéficier de services de santé avec des résultats divers. Cependant, il n’en demeure pas moins que sur le plan financier, les politiques doivent être orientées vers des programmes d’exemption ou de suppression des frais d’utilisation. Il faut dire que ces programmes développent souvent des mécanismes assurantiels, comme des fonds d’équité ou encore des mécanismes de transferts conditionnels etc. Sur le plan socio-économique, les interventions n’ont pas encore donné des priorités à l’éducation, véritable source d’acquisition de l’information et du savoir afin de briser les barrières de l’accès aux soins surtout chez les femmes.
Que l’on s’appuie sur la philosophie de l’offre ou de la demande de soins de santé, que l’on appuie sur les divers mécanismes qui réduisent les disparités ou sur les transferts monétaires, la réalité est que dans le domaine des soins de santé, certaines populations sont en marge d’une prise en charge optimale nécessaire à leur bien-être collectif.
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Pour citer cet article
Référence électronique
Komi HEMEDZO & Edem TOKPO (2019). « État des lieux sur la demande de soins dans les pays en développement ». Revue canadienne de géographie tropicale/Canadian journal of tropical geography [En ligne], Vol. (6) 1. En ligne le 15 septembre 2019, pp. 26-34. URL: http://laurentian.ca/cjtg
Auteurs
Komi HEMEDZO
Professeur associé
Département de sociologie
Université Laurentienne
Sudbury, Ontario, Canada
Email: khemedzo@laurentian.ca
Edem TOKPO
M. Sc. en Santé Publique et en Économie de la Santé
Évaluateur de programme et de politique en santé publique
Régulateur et gestionnaire des signaux à l’Agence Régionale de Santé d’Île de France /Paris
Email: edem.tokpo@ars.sante.fr