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KAMGsdsds A Osée

 

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Les thèses que défendaient les dépendantistas dans les années 1970 selon lesquelles le véritable frein au développement du Tiers Monde réside dans le déséquilibre structurel du système économique mondial, héritage de circonstances historiques, demeurent pertinentes aujourd’hui pour rendre compte du sous-développement de l’Afrique subsaharienne. Un certain nombre de travaux récents vont dans ce sens. Par exemple, Nicolas Agbohou1, qui s’est penché sur les politiques monétaires des pays africains, montre comment les principes qui articulent les rapports entre le FCFA (Franc de la Communauté Financière Africaine) et l’Euro, en l’occurrence la libre convertibilité des monnaies africaines garantie par le Trésor français, la fixité des parités, la centralisation des réserves de change et la liberté absolue des transferts favorisent le « blocage socioéconomique » des pays des zones CFA. Jean Ziegler, notamment dans deux importants ouvrages parus respectivement en 2002 et 2005 s’en prend aussi bien aux barons de la finance mondiale qu’aux sociétés capitalistes supranationales comme étant les véritables vecteurs de misère dans le Tiers Monde2. Dans un essai3 d’une haute clairvoyance sur la problématique du sous-développement, Jacques B. Gélinas classe l’endettement, les transferts massifs de technologies coûteuses et peu opportunes, les programmes d’ajustement structurel du FMI et de la Banque mondiale, ainsi que la mondialisation des capitaux parmi les principaux verrous à l’épanouissement du Tiers Monde. Ainsi, le Tiers Monde en général, mais singulièrement l’Afrique subsaharienne, souffre de sa position dans la structure de la finance et dans celle de l’économie mondiale. De quoi alimenter le pessimisme.

Pourtant, les développements qu’on observe sur le continent depuis un certain nombre d’années déjà autorisent un regard optimiste. Les économies de l’Afrique subsaharienne font preuve d’une remarquable vitalité. Des taux de croissance atteignant les 6 ou 7% et quelquefois, allant au-delà même des 8%. On a par exemple vu ces sommets dans des pays comme le Ghana, le Mozambique ou encore le Rwanda. Le rapport 2013 de la Banque mondiale soulignait la généralisation de la croissance, « avec plus d’un tiers des pays d’Afrique subsaharienne affichant des taux de croissance égaux ou supérieurs à 6 % et près de 40 % des pays de la région enregistrant une croissance entre 4 et 6 %.4» On y notait, par ailleurs, que les investissements étrangers augmentent dans la région, les conditions sociales s’améliorent et la pauvreté recule.

Comment expliquer ces développements alors que la place même de l’Afrique dans la structure de l’économie mondiale n’a pas changé ? En l’occurrence, elle demeure pourvoyeuse de matières premières dont les prix sont fixés sur un marché international qu’elle ne contrôle pas ; elle continue de subir le poids de l’endettement et les affres des programmes d’ajustement structurels dictés par les barons de la finance mondiale.

Certes, un certain nombre de pays d’Afrique subsaharienne ont récemment fait leur entrée sur le marché de l’exploitation pétrolière et les pétrodollars qu’ils engrangent boostent leur PIB et celui de l’ensemble de la région. Mais l’essentiel de l’histoire est ailleurs.

Les rapports de chasse gardée avec les anciens pays colonisateurs s’effritent alors que les Africains se forgent de nouvelles relations. Et c’est dans cette diversification de ses partenaires économiques, notamment l’intensification des relations avec les pays émergents que l’Afrique subsaharienne semble trouver son compte. Malaisie, Chine, Corée du Sud, Inde, Brésil, sans oublier l’Afrique du Sud, sont autant de pays dont l’investissement sur le continent a cru de façon exponentielle au cours de la dernière décennie. À propos de la présence indienne en Afrique, le magazine Afrique Expansion titrait : « Investissements indiens en Afrique : frénésie du secteur privé » et notait qu’en « l’espace de cinq ans, selon une étude de l’agence Bloomberg, 85 acquisitions et prises de participations ont été réalisées par les entreprises indiennes en Afrique qui ont investi un montant de 16 milliards de dollars dans des secteurs très variés allant de l’énergie aux biens de consommation, en passant par l’industrie du ciment ou du textile5.» Pour sa part, Afrique Renouveau relevait que les échanges entre l’Afrique et la Chine « connaissent une croissance effrénée. Ils sont passés de 10,5 milliards de dollars en 2000 à 40 milliards en 2005 et 166 milliards en 20116Slate Afrique dira de la Corée du Sud qu’entre 2005 et 2009 ses investissements sur le continent avaient triplé, « passant de 129,7 millions à 388,4 millions de dollars », et que ce pays souhaitait également augmenter de plus de 17% le budget de la Koica, l’agence coréenne de coopération internationale, pour les projets d’assistance en Afrique7. Dans un autre article, le même journal revenait sur ce rapport coproduit par la Banque mondiale et l’IPEA (Institut de recherche économique appliquée) qui montrait que la valeur du flux commercial entre l’Afrique et le Brésil était passée de 4,3 milliards de dollars en 2002 à 27,6 milliards de dollars en 20118.

En somme, si le système capitalo-financier mondial et même le déséquilibre structurel dans les relations Nord/Sud, atavisme de la colonisation, constituent des obstacles, des entraves même à l’épanouissement socioéconomique de l’Afrique subsaharienne, ces entraves disposent manifestement d’un talon d’Achille. Les Africains seraient-ils entrain de mettre le doigt dessus ?

 

Notes

  1. Nicolas Agbohou (1999), Le franc CFA et l’euro contre l’Afrique, Coignieres, Éditions Solidarité Mondiale
  2. Jean Ziegler, Les Nouveaux Maîtres du monde et ceux qui leur résistent, Paris, Éditions Fayard, 2002 ; L’Empire de la honte, Paris, Éditions Fayard, 2005
  3. Jacques B. Gélinas, Et si le Tiers Monde s’autofinançait De l’endettement à l’épargne, Montréal, Écosociété, 1994
  4. http://www.banquemondiale.org/fr/region/afr/overview
  5. http://www.afriqueexpansion.com/investissements-afrique/1409-investissements-indiens-en-afriquefrenesie-du-secteur-prive-.html
  6. http://www.un.org/africarenewal/fr/magazine/janvier-2013/la-chine-au-c%C5%93ur-de-lafrique
  7. http://www.slateafrique.com/36109/coree-du-sud-economie-africaine-ordinateur-samsung
  8. http://www.slateafrique.com/1947/bresil-geant-qui-emerge-en-afrique

 

Pour citer cet article

Référence électronique

Kamga Osée. «L’Afrique subsaharienne diversifie ses partenaires économiques : planche de salut pour le développement ?», Revue canadienne de géographie tropicale/Canadian journal of tropical geography [En ligne], Rubrique débat / Libre opinion, Vol.1(1), mis en ligne le 15 mai 2014, pp. 1-3. URL: https://revuecangeotrop.ca/volume1-numero1/rubrique-debat-libre-opinion/

 

Auteur

KAMGA Osée
Professeur adjoint
Département d’études journalistiques
Université de Sudbury,
935, chemin du lac Ramsey
Sudbury (Ontario) P3E 2C6