Le tourisme balnéaire et le développement en Côte d’Ivoire : le cas d’Assinie et d’Assouindé

Seaside tourism and development in Ivory Coast: Assinie and Assouindé cases

GNAMBA-YAO Jean-Baptiste


Résumé: En Côte d’Ivoire, nous avons un cas d’aménagement touristique dont la réalisation a malheureusement précédé des études écologiques et d’environnement humain. Il s’agit de l’aménagement de la zone balnéaire  d’Assinie où se trouvent aujourd’hui les deux villages de vacances : Assinie et Assouindé. On constate que du fait de la non-participation des populations au projet, la majorité des habitants ne se sent pas concernée. Voilà une démission collective face à un projet greffé. Ces derniers considèrent qu’il appartient au gouvernement et non à eux de s’occuper des touristes.

Mots clés : Aménagement touristique, études écologiques, zone balnéaire, villages de vacances, Assinie et Assouindé

 

Abstract: In Côte d’Ivoire, we are confronted with a case of tourism development which came about unfortunately before any serious ecological and human environment survey was conducted; the Assinie seaside resort where two touristic villages have now been built, namely Assinie and Assouindé. It was noticed in the long run that due to the non-involvement of the people in the project, many still feel unconcerned. To call a spade one can say that it is nothing but a general indifference to, a complete lack of interest in a thing conceived as totally alien to the inhabitants. To these people, it is entirely the government’s responsibility to take care of tourists and handle tourism activities in the area.

Keywords : Tourism development, ecological environment, seaside, touristic villages, Assinie and Assouindé

 

Plan


Introduction

Problématique

Le tourisme balnéaire en côte d’ivoire

L’incapacité des promoteurs ivoiriens du tourisme balnéaire à l’intégrer au développement régional

Le développement comme facteur du développement touristique

La valorisation et les perspectives du tourisme balnéaire

Conclusion

 

Texte intégral                                                                                  Format PDF


INTRODUCTION

Situées à une heure d’Abidjan, la capitale économique de la Côte d’Ivoire, Assinie et Assouindé sont des stations balnéaires très bien équipées, aux multiples installations  touristiques. Le club Méditerranée y a élu domicile sur une plage paradisiaque. Assinie est aussi réputée pour ses fameux cocotiers ombrageant une magnifique étendue de sable blanc, mais également pour la bonne ambiance de son village de pêcheurs. Assinie campe sur la frontière de la Côte d’Ivoire avec le Ghana voisin. Assinie se situe à la pointe d’une immense flèche littorale qui s’étire entre Abidjan et Grand-Bassam. D’Assinie à Mafia, ce sont 20 km de plages avec du sable fin et propre à perte de vue. Depuis une fosse au large d’Abidjan, les fonds remontent en pente de plus en plus douce en allant vers Assinie. Avec son sable blanc, fin et doux au toucher, ses cocotiers qui se laissent amoureusement bercer par le vent, Assinie a tout l’air d’un paradis sur terre. Cet endroit accueille depuis 1960, des villages de vacances, et des centres de loisirs de renommée internationale. En cours de route, un arrêt à la ferme de crocodiles, unique en son genre, enchantera le touriste à Assouindé. Et depuis, chaque fin de semaine, les touristes occidentaux et autres excursionnistes ivoiriens d’une certaine classe n’hésitent pas à rallier les 80 km depuis Abidjan pour se prélasser et découvrir ses merveilles.

PROBLÉMATIQUE

L’évolution économique et humaine du XXIème siècle est fortement marquée par le développement extrêmement rapide du tourisme. De par sa nature, le tourisme touche à tous les secteurs de l’économie. Son développement entraîne à coup sûr la croissance d’un groupe, d’une région ou d’un pays. Le tourisme se présente comme un puissant instrument de promotion pour ses attributions politiques, économiques et sociales. Et c’est fort de ce constat que la Côte d’Ivoire dès le début des années 1970 a inscrit le tourisme parmi les priorités de son développement, car elle considère qu’il est à la fois un important outil d’échange et de valorisation culturelle en parfaite symbiose avec la politique de paix et de dialogue d’une part et un catalyseur de promotion économique efficace d’autre part.  Son rôle dans l’économie ou de façon plus large dans le développement semble incontestable. Enfin, le tourisme, pour l’économiste, influence le développement régional.

LE TOURISME BALNÉAIRE EN CÔTE D’IVOIRE

Pour ce qui concerne cette activité, il est à noter qu’elle se rencontre le long de la côte lagunaire et sur les côtes du golfe de Guinée. L’aménagement du littoral a favorisé le tourisme balnéaire. Les plans d’eau lagunaires en Côte d’Ivoire sont parmi les plus beaux du monde avec 500 km de littoral. La côte Sud-ouest constitue un véritable domaine balnéaire nécessaire au tourisme international. Aux grands complexes hôteliers d’Assinie, s’ajoutent ceux d’Assouindé, Grand-Bassam, Grand Lahou, San Pedro, Grand Béréby propices à de multiples activités de loisirs : pêche sportive en mer au large d’Abidjan, San Pedro de marlin bleu, pêche de thons, de requins, etc. En arrière du littoral sableux qui s’étend de Fresco à l’Ouest à la frontière ghanéenne à l’Est, se développe sur environ 300 kilomètres un réseau de lagunes au sud du pays séparées de la mer par un cordon littoral dont la largeur varie de 800 mètres à quelques kilomètres. Ces lagunes, voie de communication économique et pratique protégée de la barre qui se déferle continuellement sur la côte, offrent 12000 km² exploitables à des fins multiples. Jadis, pôle d’attraction pour le commerce extérieur ivoirien, elles constituent aujourd’hui un pôle d’attraction touristique certain dont les Autorités de la Côte d’Ivoire veulent tirer profit par des aménagements touristiques de type balnéaire. Quoique l’on puisse dire, le tourisme prend de plus en plus d’ampleur dans l’activité économique moderne. Considéré à tort ou à raison comme facteur de développement et de croissance des économies nationales, le tourisme est également perçu comme un élément déterminant dans le concept de développement régional. L’aménagement qui est un effort de développement planifié et appliqué avec rationalité à différents secteurs de l’économie régionale, tient compte de facteurs très divers autant positifs que négatifs. Il est sous-tendu par une attitude d’esprit et une volonté orientée vers une grande prospérité régionale. Cette volonté a été clairement exprimée par les Pouvoirs publics dans le cas de l’aménagement touristique du cordon littoral. Selon Hauhouot (1976), « Dans la perspective d’intégration du tourisme au développement régional, il a été envisagé d’incorporer le village d’Assinie à l’aménagement des voies d’accès, de transport de l’eau potable et de l’énergie. La couverture de la zone par le téléphone a été en outre inscrite au programme…». L’ensemble de cette opération devra, ajoute l’auteur, « Concourir non seulement à désenclaver la partie méridionale de la sous-préfecture d’Adiaké, mais aussi à vivifier l’ensemble de l’économie régionale en offrant du travail salarié et en suscitant la demande des denrées alimentaires…».

L’explication de la théorie du pôle de développement du tourisme par les Autorités ivoiriennes est d’autant plus évidente que celui-ci est conçu comme un élément générateur d’activités qui appelle d’autres activités par complémentarité. Toutefois, cette politique de développement fondée sur les potentiels naturels, culturels et humains ne peut être efficace que si ces pôles de développement touristique coïncident un tant soit peu avec les centres de décision qui règlent les activités. Cette perception semble refléter les caractéristiques du tourisme balnéaire en Côte d’Ivoire où l’on accorde une grande place aux clubs de vacances. Les conséquences d’une telle politique n’apparaissent pas toujours avec une nette évidence, car plus souvent elles sont masquées par une fausse prospérité touristique. En effet, après les déboires financiers de la SIETHO, le village Hôtel Les Palétuviers, dont la gestion échut à la Valtur, a connu des performances rarement atteintes par l’ensemble des villages de cette multinationale. Cependant, l’incapacité de ces villages de vacances à susciter le développement de l’économie régionale ne trompe guère, pour peu qu’on s’y intéresse. Pour étayer ce point de vue, basons notre argumentation sur trois indices développés par Défert (1960).

L’INCAPACITÉ DES PROMOTEURS IVORIENS DU TOURISME BALNÉAIRE À L’INTRÉGRER AU DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL

La critique des indices de départ qui posent le problème de la nécessité du tourisme balnéaire et de la justification des investissements consentis s’inscrivent dans une réflexion qui vise non pas à fustiger ou à stigmatiser le concept du tourisme balnéaire, mais à en faire la critique afin qu’il atteigne pleinement, par les améliorations qui pourront être apportées, les objectifs qui lui sont dévolus. Cette idée appréhende le tourisme comme la panacée qui renflouera l’économie d’une région rurale en perte de vitesse, tel le cordon littoral d’Assinie à l’exception des vastes plantations de cocotiers; celui-ci ne présente que peu de potentiels agricoles et industriels. Son enclavement, sa faible population et la beauté de son paysage et de son site en ont donc fait le terrain d’application de ce concept afin d’espérer résoudre ses problèmes de développement. En principe, dans ces conditions, cela pourrait entraîner un effet proportionnel plus grand sur la prospérité de la population, car le coût d’opportunité des ressources est d’ordinaire plus faible dans ces régions que dans les autres parties plus développées du pays.

Pourtant, la monoculture touristique à laquelle la région est destinée depuis l’avènement du tourisme balnéaire en 1971, a favorisé une fossilisation progressive des genres de vie antérieurs, notamment ruraux. Le tourisme tend à étouffer sinon à accélérer la disparition des anciennes activités agricoles : la culture du manioc, des légumes et du palmier à huile, dont les champs sont situés dans le pays, au Nord de la lagune d’Assinie. La situation est d’autant plus critique qu’un plan d’expansion du tourisme doit, en principe, s’appuyer d’abord sur les possibilités naturelles de la région, mais un tel plan n’aurait que la moitié de sa valeur s’il ne proposait pas de valoriser l’activité humaine s’exerçant dans le cadre régional, à lui redonner une plus-value plutôt qu’à l’affaiblir ou la détruire. Le travail saisonnier et peu rémunéré qu’offre le tourisme balnéaire ne semble pas endiguer l’exode rural auquel est confronté le cordon littoral. Dans un tel contexte, on peut penser que la création d’un ensemble scolaire pour les jeunes des villages du cordon favorisera et entretiendra ce mouvement vers les villes voisines que sont Aboisso, Adiaké et Abidjan, entre autres. L’impuissance dont le tourisme fait preuve devant ce fléau qu’est l’exode rural ne surprend guère. Comment pourrait-il en être autrement dès le moment où il vit en autarcie par rapport au milieu qui lui sert de support et est résolument tourné vers l’Europe? Des initiatives pour relancer les activités culturelles disparues ou en voie de disparition ont été arrêtées par les autorités ivoiriennes en vue de faire profiter les domaines non économiques de l’apport bénéfique du tourisme. Les formules emphatiques, tels sauvetage ou renaissance, évoquées pour souligner la nécessité du tourisme, ne semblent pas toucher le complexe touristique d’Assinie sur lequel s’imposent et prévalent les idées ségrégationnistes du Président-Fondateur du Club Méditerranée, G. Trigano. En érigeant cette ségrégation en principe, des observateurs font remarquer que Trigano rencontre d’ailleurs le désir de la plupart de ses clients, lesquels ne retiennent de leurs voyages que le souvenir d’une mer bleue, d’une plage au sable fin et d’une cuisine raffinée. Les traditions se meurent à Assouindé et les quelques jeunes des villages environnants parlent avec regret des années 1970 où des danses traditionnelles de la région se produisaient dans les villages touristiques, plus particulièrement dans celui des « palétuviers » puisque géré alors par la SIETHO, et où ils étaient associés aux activités qui y étaient organisées: course à pirogues sur lagune, volley-ball et football etc.

L’EXTRAVERSION DE L’INDUSTRIE TOURISTIQUE

Le tourisme international n’est pas le fait du XXème ou du XXIème siècle, car, bien que sa croissance fût un phénomène généralisé après la deuxième guerre mondiale, les fondements en étaient déjà établis dans les années 1840 quand Thomas Cook lança son premier voyage. Toutefois, l’essor de cette activité économique ne s’est considérablement accru que depuis les années 1960. Le tourisme international, malgré d’immenses potentiels répartis dans le monde, est inégalement ventilé et le flux touristique se concentre sur un nombre relativement restreint de destinations. La plupart de ces destinations sont localisées dans les pays industrialisés. Selon OMT (1981), la principale destination est le continent européen qui draina en 1979, 68% du trafic touristique mondial, l’Amérique du Nord occupant le 2ème avec 17% et le reste du monde se répartissant les autres 15%. Un des domaines privilégiés de cette  action devrait être celui de l’agriculture, de la pêche et des industries agro-alimentaires. Mais la volonté politique d’intégrer le tourisme au secteur primaire afin de procéder au développement économique et social de la région rentre en contradiction totale avec la pratique que vivent les populations du cordon littoral. En effet, les produits agricoles ne sont pas vendus dans les villages touristiques, parce que leur qualité ne correspond pas toujours aux exigences et au calibre fixés, dit-on, par les hôtels. Mais ceci  n’est-il pas un subterfuge pour justifier le manque de volonté des promoteurs à s’impliquer davantage dans le milieu? Quant aux produits de la pêche, tous affirment que par le passé, les hôtels étaient disposés à acheter aux pécheurs les meilleurs produits de leurs prises : poissons et langoustes. Cette situation, aussi déplorable qu’elle soit, n’est pas propre à la région d’Assinie et à la Côte d’Ivoire. Le caractère extraverti du tourisme balnéaire est si apparent qu’il choque : c’est aussi valable pour tous les éléments qui interviennent dans l’activité touristique, que ce soit au niveau de la restauration, du transport ou du loisir. Les habitants de la région d’Assinie, tout comme du reste de la Côte d’Ivoire, sont imbus d’idées pacifiques et foncièrement hospitalières. Aussi, souhaitent-ils l’exécution intégrale du projet touristique du cordon littoral d’Assinie. Mais cette attitude propice à un tourisme international n’est pas immuable. Elle risque de changer devant la marge toujours grandissante entre les promesses et leur réalisation effective. En dépit d’une animation saisonnière particulière, car la population du village d’Assouindé triple presque au cours de la saison touristique, nous sommes en fait devant un état d’asphyxie caractérisé. En saison morte ou non touristique, seuls ne restent au village que les personnes âgées et les enfants.

LE MANQUE D’INVESTISSEMENTS MALGRÉ  L’AFFLUX DES VACANCIERS

Une des contraintes du tourisme en Côte d’Ivoire au cours des années 1970, était celle de la pénurie des réceptifs d’accueil. Ce tourisme dont les débuts eurent lieu dans l’indifférence quasi générale s’est finalement imposé à tous comme un facteur de développement, si bien que la Côte d’Ivoire, aidée par l’enthousiasme des investisseurs privés, dispose aujourd’hui d’une infrastructure d’accueil de plus de 1000 chambres. Toutefois, tandis que les structures d’accueil croissaient au plan national, celles de la région d’Assinie stagnaient, malgré les prévisions des différents plans quinquennaux et les déclarations alarmistes des économistes. Le même bureau d’études soutenait que les mauvais résultats enregistrés par les réceptifs balnéaires existants ne peuvent être améliorés que par une politique commerciale agressive et l’extension des capacités. La situation actuelle du tourisme balnéaire à Assinie est assez préoccupante. En effet, si l’on excepte le village d’Assinie et Les Palétuviers, gérés respectivement par le Club Méditerranée et la Valtur, et qui demeurent, par conséquent, en marge des circuits commerciaux  classiques, la Côte d’Ivoire ne peut offrir que le réceptif de 100 lits de la SITOUR, ce qui est bien peu suffisant pour un pays qui pour son propre développement économique et social, se doit d’offrir à la population des possibilités de loisir dans un cadre comme celui du cordon littoral d’Assinie. Le tourisme balnéaire à Assinie prend donc un recul par le manque d’investissements majeurs. Toutefois, cette tendance, peut-être conjoncturelle de la politique ivoirienne. Elle n’est donc pas suffisante pour soutenir le caractère timide du tourisme ivoirien. Soutenir que la politique de l’État favorise peu l’initiative dans le tourisme en général et le tourisme balnéaire en particulier est sans doute un peu fort, car si les faits et les données semblent confirmer le délaissement de la zone Sud-est du cordon littoral, il n’en est pas ainsi du Sud-Ouest de plus en plus privilégié par l’administration touristique ivoirienne. Quant au manque d’investissement national et régional dans la région d’Assinie avant 1985, il est dû, pensons-nous, au constat par les autorités ivoiriennes du manque à gagner qui résulte de la gestion des réceptifs par des clubs. Le tourisme à Assinie ne profitant pas aux Ivoiriens, c’est-à-dire pas plus à l’institution étatique qu’aux habitants, il s’avère plus sage d’arrêter d’aliéner irrémédiablement les potentiels naturels et humains de la région. La nécessité de détermination des priorités s’impose dans le cas de la Côte d’Ivoire comme le soutient la Banque mondiale (1977).

LE TOURISME BALNÉAIRE ET LA DÉPENDANCE

Le concept de dépendance dont il est question a été et reste l’apanage des chercheurs Latino-Américains dont les précurseurs sont Cardoso, Dos Santos et autres. Nous étendre sur les grands débats suscités par cette idée ne serait d’aucune utilité dans le cadre de cette réflexion. Nous nous inspirerons, cependant, des réflexions critiques faites sur la théorie de la dépendance pour relever certains points qui nous semblent importants. La dépendance s’impose comme une relation d’interdépendance asymétrique entre deux unités nationales ou sociales. Cette asymétrie se laisse percevoir sous le double aspect de l’inégalité de dimension et de puissance économique et également de la répartition des avantages sans oublier la collusion entre métropole et centre des pays riches d’une part et les élites des pays pauvres d’autre part, au détriment des périphériques des deux zones. Dans le Tiers-Monde, l’Afrique serait la région qui subit plus que toute autre  les contraintes inhérentes à la situation de dépendance, eu égard aux conditions historiques particulières qui ont été les siennes jusqu’à tout récemment. C’est justement cette situation de dépendance qui sert de cadre très contraignant à l’activité touristique en Afrique et qui explique les méfaits qui réduisent presqu’à néant les multiples avantages que pourrait susciter le tourisme.

LES QUELQUES LIENS DE DÉPENDANCE

Le tourisme, de par son caractère, constitue un des maillons par lesquels les pays développés exercent leur impérialisme sur les pays en voie développement et ce, par le biais des capitaux dont ils ont besoin pour aménager leurs potentiels touristiques, d’abord et par la localisation quasi exclusive de la demande dans les pays occidentaux; ensuite le tourisme dans les pays en voie de développement est essentiellement lié au tourisme international; il est donc intrinsèquement dépendant du développement du voyage dans les pays industrialisés. En ce qui concerne les pays africains, leur activité touristique repose à 90% environ sur la demande de voyages internationaux de masses sur les marchés européens et nord-américains. Par la présence, enfin, des multinationales hôtelières qui, dans bien des cas, perturbent le processus de l’industrie touristique par des nationaux. Cette présence, aussi profitable qu’elle puisse être dans certains cas, ne contribue pas moins à maintenir les pays en développement  dans le giron de la dépendance internationale et se trouve également caractérisée par un souci constant de limiter les risques à leur strict minimum. Comme pour l’exploitation des matières agricoles et énergétiques et bien que dans des conditions différentes, puisque le consommateur vient dans le pays exportateur chercher des biens  et services au lieu de les recevoir chez lui, le développement du tourisme balnéaire en Côte d’Ivoire répond fondamentalement à des besoins extérieurs. Cette activité s’inscrit dans le cadre des échanges internationaux comme une spécialisation dans la division internationale du travail. Ce faisant, les mêmes causes produisant les mêmes effets, on voit mal comment cette activité pourrait dépasser les contradictions nées de l’intégration dépendante de la périphérie dans ce système, ce à quoi vise sans doute la théorie  du développement par le tourisme.

LA DÉPENDANCE DU TOURISME IVOIRIEN

Hormis les mécanismes imperceptibles, qui régissent l’économie internationale et à laquelle l’Afrique est assujettie contre son gré, les Tour-Operators, les grossistes en voyages internationaux, imposent leurs conditions sur le marché des voyages et accentuent la dépendance des pays du Tiers-Monde. La dépendance de la Côte d’Ivoire par rapport aux marchés émetteurs s’apprécie par la progression rapide et constante du tourisme international. L’éclatant succès initial de cette entreprise est assuré par trois types de clientèle : affaires, congrès et loisirs. Mais, comme le souligne Jabe (1987), le tourisme d’affaires-congrès a été, dès le début prépondérant et la politique touristique fut très largement orientée vers la satisfaction de cette clientèle. Parmi ces touristes, l’on ne saurait ignorer l’apport du tourisme intra-africain qui, peu à peu, est parvenu à occuper la première place des entrées en Côte d’Ivoire. Toutefois, l’apport de ces touristes africains reste relativement insignifiant voire négligeable puisqu’il n’existe presque aucune adéquation entre le comportement et les vœux de l’administration touristique. Le tourisme intérieur existe également, mais il est limité dans la mesure où le cadre aisé, lorsqu’il veut faire du tourisme, opte pour l’Europe ou les États-Unis plutôt que l’hinterland ivoirien. L’affirmation de la clientèle africaine, plus spécifiquement, ne peut enrayer le problème crucial auquel est confronté le tourisme ivoirien : l’essoufflement du tourisme international en Côte d’Ivoire. Aussi convient-on avec certaines critiques pour dire que même si les entrées des Africains en Côte d’Ivoire sont en constante progression, cela ne suffit pas pour en faire des  touristes. L’essoufflement du tourisme international en Côte d’Ivoire et plus  particulièrement dans la région d’Assinie, peut s’apprécier à partir des données statistiques relatives aux deux pays dont les ressortissants fréquentent le plus  le complexe touristiques d’Assinie : la France et l’Italie. Pour la période 1981-1985, en raison du ralentissement général de l’expansion touristique, un taux de croissance raisonnable de 8,5% par an a été retenu, alors qu’il s’élevait à 16% entre 1975 et 1980[1], ce qui conduit à l’évaluation pour 1985 d’environ 1800000 nuitées. Une période de stagnation et de régression qui part de 1983 à 1990, ainsi en 1987, le nombre de touristes est tombés est tombé à 175060. En ce temps, le tourisme ivoirien était surtout un tourisme d’affaires et la crise économique qu’a connue la Côte d’Ivoire l’a durement affectée. Une période de reprise des activités touristiques à partir de 1990 surtout avec la crise du Golfe et la création de l’Office Ivoirien du Tourisme et de l’Hôtellerie au mois d’Août 1993.

Les touristes non africains qui arrivent en Côte d’Ivoire sont dans leur majorité des Français, Américains, Italiens, Allemands, Anglais, Belges, Libanais, Espagnols, Suisses, Canadiens, Japonais, Asiatiques, Hollandais, etc. Mais par continent, ce sont les Africains qui arrivent en tête suivis des Européens, des Américains, des Asiatiques. La majorité de la clientèle touristique reste à Abidjan ou part à Assinie, Assouindé, Bouaké et Yamoussoukro, la capitale politique du pays. Cette capitale surprend par la beauté du site, la verdure et les magnifiques plans d’eau. C’est un centre éducatif et un centre privilégié pour les golfeurs avec un parcours de 18 trous. La Fondation Félix Houphouët Boigny, centre de recherche politique et historique, le Palais des hôtes, l’hôtel de ville, les Églises, la Mosquée, le Lac sacré des crocodiles, la Basilique Notre Dame de la Paix, plus grande que St-Pierre de Rome, le parc d’Abokouamékro constituent les grands points sur le plan touristiques.

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 Source : Ministère du Tourisme, 1984.

 Tableau 1 : Évaluation du nombre de nuitées dans les différents établissements hôteliers

 Ci-dessous les arrivées des touristes internationaux et les nuitées à l’aéroport du district d’Abidjan.

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Source : Ministère du Tourisme, Direction du Tourisme.

Tableau 2 : Arrivées de touristes internationaux à l’Aéroport Félix Houphouët Boigny et nuitées hôtel de 1993 à 2002

Ce tableau traduit l’évolution des arrivées de touristes internationaux enregistrés à l’aéroport Félix Houphouët Boigny dans le district d’Abidjan. Il laisse transparaître une augmentation sensible de 1993 en 1998. De 1999, année de la première crise socio politique ivoirienne jusqu’en juillet 2011, l’on a assisté à une baisse des nuitées des touristes internationaux. Le déséquilibre flagrant qui prévaut entre les touristes internationaux (84%) et nationaux (16%) quant à la consommation du tourisme balnéaire ivoirien risque de faire de celui-ci, une activité faite par et pour les Européens. L’utilisation des plus beaux sites à des fins touristiques se fait au détriment des populations locales qui, en principe, disposent les premières du droit d’en jouir. Cette situation découle d’une dépendance sous-tendue non plus par les  accords de coopération, mais par la seule volonté des Tour-Operators. Le cas de Neckermann en Tunisie en 1973 en est un bel exemple. Cette société allemande a voulu augmenter sa marge de profit en majorant certains tarifs. Les autorités tunisiennes s’y étant opposées, le nombre de touristes allemands acheminés par Neckermann passa de 600.000 personnes à 12.000 en 1973, ce qui représente une chute de 80%. Si les touristes allemands avaient représenté, ajoutent d’autres observateurs, 80% de la clientèle totale habituelle, les répercussions de ce chantage auraient été catastrophiques pour l’économie tunisienne.

En Côte d’Ivoire, la multinationale sur laquelle est fondée la politique de relance économique et sociale de la région d’Assinie ne semble pas jouer tout le rôle qu’on attend d’elle. En effet, les faits contredisent les allégations de G. Trigano, selon lesquelles « l’installation du Club Méditerranée sur le cordon littoral d’Assinie, relancera le développement de cette région et des chaînes d’hôtels à l’intérieur du pays. Hormis les relations inégales et de domination qui constituent la réalité des rapports entre Tour-Operators et la Côte d’Ivoire, une autre raison peut expliquer la difficulté que le pays éprouve à contrôler son industrie  touristique de type balnéaire. Elle réside dans le fait que ce tourisme en général est très sensible à la conjoncture socio-économique et politique d’un pays. Dans ces conditions, une monoculture touristique peut entraîner des conséquences catastrophiques sur la population du cordon littoral en cas de ralentissement des investissements économiques. Le ralentissement économique du dernier quinquennat et surtout de la crise politique que connaît le pays depuis 2010 a été préjudiciable à son tourisme balnéaire.

Sur le cordon littoral, si cette pratique touristique contribue à sortir Assinie de son enclavement, elle n’empêche pas la désarticulation de la structure socioprofessionnelle de la société. Les populations les plus actives ont ainsi tendance à délaisser le secteur agricole et même celui de la pêche au profit du travail saisonnier faiblement rémunéré que leur offrent les installations touristiques. Cette demande massive de main-d’œuvre contribue à la déstructuration de la société traditionnelle, car elle exige la création de ce qu’on a appelé « des villages d’employés » qui sont en fait des ghettos d’une salubrité douteuse. Cette pratique place, qu’on le veuille ou pas, toute une communauté  en mode de dépendance.

POUR UN TOURISME INTÉGRÉ

Le tourisme comporte des atouts plus qu’attrayants, surtout pour des pays où l’économie est peu diversifiée et résolument tournée vers l’exportation. La diversité des activités qui s’y rattache et les effets d’entraînement sur les autres secteurs de l’économie qu’il pourrait favoriser constituent des appâts qui ont vite fait d’attirer l’intérêt de plusieurs gouvernements africains. Dans ce contexte, des observateurs africains affirment que l’apparition d’infrastructures nouvelles mises en place pour  le tourisme et susceptibles, par la même occasion, de servir à l’économie en général, milite en faveur de ce choix. La croissance du secteur touristique qui a pour corollaire le financement du développement économique est fondée en général sur des prévisions trop souvent optimistes et établies sur des bases d’une validité douteuse, en raison, dit-on, de l’insuffisance et de l’inorganisation flagrantes des différentes méthodes de collecte des données. On ne se hasardera pas à le dire, mais on constate avec regret qu’aussi arbitraires et hasardeuses qu’elles peuvent être, de telles prévisions sont souvent utilisées par les planificateurs pour fixer les objectifs à atteindre dans les plans de développement économique. C’est ainsi qu’en Côte d’Ivoire, les prévisions portaient à 300.000 le nombre de touristes en 1980, or les chiffres officiels de 1980 dépassent à peine 200.000 touristes. Forts de ces constatations, on convient avec certains observateurs que les résultats ne confirment pas toujours les prévisions et que des analyses récentes concluent que l’industrie du tourisme, sous sa forme actuelle, dans les pays en développement, reconduit certains blocages qui s’apparentent aux aspects globaux de la traite précoloniale. En effet, tant que les pays en voie de développement ne contrôleront pas en partie ou en totalité les mécanismes du tourisme qu’ils pratiquent, il est vain de parler du caractère « développemental » du tourisme, activité dont les critiques acerbes des observateurs révèlent les limites.

Les dénonciations, les levées de boucliers et les remises en question du tourisme qui caractérisent l’intelligentsia des pays en développement et bien d’autres émérites observateurs sont justifiées. Mais à bien y penser, serait-il opportun pour les États africains en général et pour la Côte d’Ivoire en particulier de renoncer au tourisme ? Toute démarche impliquant un retour en arrière dans ce cas d’espèce semblerait conservatrice. Le tourisme, quoi qu’on dise, a du mérite et comme activité économique est susceptible de contribuer au développement d’un pays. Il est donc illusoire de vouloir renoncer au tourisme. Cependant, il mérite d’être profondément repensé afin de mieux l’adapter aux réalités ivoiriennes et d’en tirer les profits qu’il pourrait susciter. Prêcher pour un tourisme où les pouvoirs publics seraient amenés à prendre des mesures pour mieux contrôler les retombées économiques et sociales de cette activité, n’est point un sujet original, car d’autres que nous s’y sont intéressés et ont conclu que « le tourisme doit profiter d’abord aux nationaux et non aux étrangers».

Cette nouvelle vision, expression d’une prise de conscience découlant du constat d’échec des schémas de développement touristique imposés de l’extérieur, mérite qu’on y revienne et qu’on s’y arrête. Une réflexion sur le bilan précédemment présenté montre que le tourisme n’est pas assez considéré comme élément socio-économique à part entière au sein des économies en développement. L’on appréhende alors, dans nombre de pays, la volonté de réactualiser le concept du tourisme en instaurant un système de collectivités autogérées en milieu rural où un développement touristique est possible. Pour se convaincre, il y a lieu d’évoquer l’excellent programme de tourisme communautaire intégré en Basse-Casamance, au Sénégal, et la non moins célèbre expérience récente et limitée des auberges villageoises en Côte d’Ivoire où l’on vise à faire tomber le mur artificiel entre l’étranger et l’autochtone d’une part et de préserver les cultures locales d’autre part.

POUR UNE EXTENSION DU PROGRAMME D’AUBERGES VILLAGEOISES

Les auberges villageoises se présentent comme  des localités d’Assinie et d’Assouindé dans la région du Sud-Comoé qui  sont les endroits les plus prisés par les touristes. Après une heure de route environ à travers les plantations de cocotiers et d’ananas, au sud-est d’Abidjan, le visiteur arrive à Assinie, paradis de la Côte d’Ivoire. Cet attrayant site touristique accueille depuis 1960, des villages de vacances, et des centres de loisirs de renommée nationale et internationale.

Une telle forme de tourisme présente, sans contexte, un intérêt évident dans la mesure où il encourage entre autres, le tourisme intérieur, c’est-à-dire la mise en contact des différentes communautés nationales. Toutefois, cette nouvelle tendance de la politique touristique ivoirienne semble exclure, du moins dans l’immédiat le littoral à l’Est d’Abidjan, les premières implantations se localisant sur le littoral à l’Ouest d’Abidjan et à l’intérieur du pays.

Il est vrai que le problème d’intégration en matière touristique est à ses débuts en Côte d’Ivoire mais son importance tout autant que les efforts réalisés en vue d’une concrétisation définitive n’échappent pas à l’intérêt des Ivoiriens et encore moins de certaines régions. Mais pourquoi s’entêter alors à maintenir une région aussi intéressante qu’Assinie éloignée de la tendance réformiste du tourisme ivoirien ? La Côte d’Ivoire connaît déjà sur le plan économique de nombreuses disparités régionales, aussi pour éviter un éventuel déséquilibre touristique entre les régions, il s’avère nécessaire d’étendre le programme des auberges villageoises au cordon littoral d’Assinie de façon à ce que l’aménagement touristique se fasse au profit du développement de la région considérée, tout en révélant ses valeurs culturelles et artistiques. Le tourisme international a fait la preuve de ce dont il est capable sur ce  littoral : impasse économique, incapacité à promouvoir le développement régional et déstructuration du milieu socio-culturel. L’extension de la politique d’auberges villageoises s’impose comme un fait impératif et ce, d’autant plus dans le Tiers-Monde, le tourisme est le plus souvent subi qu’accepté par la population locale. Ce faisant, la Côte d’Ivoire éviterait les omissions dont elle a déjà été responsable.

C’est donc  guidé par ce souci qu’on prône, non pas un rejet du tourisme international puisqu’il s’insère adéquatement dans les objectifs politiques du gouvernement, mais la nécessité de concevoir un programme intégré à l’ensemble du développement économique et social, sinon le projet touristique doit  s’intégrer dans son environnement économique. Sur le plan économique, le tourisme se présente comme une activité génératrice de revenus car les milliers de touristes qui se déplacent injectent d’énormes sommes d’argent dans le circuit économique des pays d’accueil. Le développement du tourisme dans une région favorise parallèlement dans cette même région le développement des infrastructures profitables aux habitants. Rappelons qu’une bonne politique touristique est une véritable motivation pour les investisseurs privés qui n’hésitent pas à investir d’importantes sommes d’argent dans la construction des villages et complexes touristiques. Sur le plan culturel, disons que la simple volonté de développer l’activité touristique instruit les autorités politiques de la nécessité de préserver ou de revaloriser les spécificités culturelles du pays. Car le fondement de l’identité d’une nation se construit sur ce qui la différencie culturellement des autres. Le tourisme contribue ainsi à sauvegarder les valeurs traditionnelles.

LE TOURISME COMME APPOINT AU DÉVELOPPEMENT

Le tourisme s’impose dans le développement. En effet,  selon des experts, le tourisme serait le « fils de l’industrialisation et de la démocratie, bon élève de la consommation et de la mondialisation » ; dans ce sens que l’évolution du secteur touristique et son impact énorme sur la croissance mondiale est principalement dû au progrès des communications et particulièrement à la libéralisation du marché des compagnies aériennes. Cette libéralisation fut bien que non suffisante à elle seule, la condition nécessaire au développement du tourisme. Par la réduction des durées et coûts des transports, notamment aérien, le voyage est devenu une banalité.

Le tourisme a un impact considérable sur les économies, les sociétés et les cultures des différents pays concernées. Il est porteur de développement et peut faciliter la compréhension entre les peuples et joue un rôle primordial tant au niveau économique qu’au niveau social. Et qu’il est intéressant et utile pour le développement économique et social de notre société, qu’elle soit réceptrice ou émettrice des touristes. Mais il ne présente pas que des avantages et l’on est amené de plus en plus à se demander si le développement d’une industrie touristique est rentable ou non pour les sociétés d’accueil.

Le tourisme apparaît comme un moteur du développement économique. Nul ne peut ignorer de nos jours, le rôle capital que le tourisme peut jouer en tant que secteur moteur de développement économique des pays. Ce secteur contribue considérablement à l’apport en devises, à la promotion de l’emploi et au développement régional. Le tourisme international engendre des recettes qui représentent une part importante de la valeur mondiale des exportations des marchandises et de services commerciaux. Une comparaison des exportations et des recettes du tourisme international permet de préciser les effets des politiques macro-économiques du tourisme international et du commerce international (tableau 3).

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Source : O.M.T. Tendances des Marchés Touristiques, 2001.

Tableau 3 : Le tourisme Mondial, arrivées et recettes – 1970/2000

Dans ce contexte, il convient d’ajouter que le rôle du tourisme international en tant que source majeure de devises est déterminant car il s’agit d’une source de devises de grande importance non soumises à des obligations d’achat et à des paiements déterminés. Il a donc un impact qui peut être important, d’autant qu’il se double des conséquences qu’il entraîne pour l’économie. Il y a là toute une série des incidences qui se mesurent de diverses façons : flux de touristes, emplois crées, incidences sur la balance de paiements, le revenu national, les prix, le budget de l’Etat, etc. Ces effets diffèrent d’un pays à l’autre. Les pays en développement sont les plus touchés ou influencés par le tourisme.

La contribution de l’activité touristique au développement est plus ou moins perceptible selon son importance. En clair, plus le tourisme est développé dans un pays, plus il contribue à faire entrer beaucoup de devises dans ce pays. Précisons que le développement de l’activité touristique, avec une forte entrée de devises, ne signifie pas forcément développement du pays. L’activité touristique ne peut que contribuer à relever la croissance de tout pays en général et de la Côte d’Ivoire en particulier. Car nombreux  sont les pays mondialement réputés pour leurs activités touristiques, mais qui sont considérés comme sous – développés par exemple le Kenya, l’Égypte, le Sénégal, l’Haïti, etc. Tout comme il existe de nombreux États, dits riches, développés (Suisse, Allemagne, Belgique) qui ne sont pas reconnus comme des pays à vocation touristique. En somme le tourisme n’est pas un passage obligé vers le développement; il sert de supplément, d’appui aux économies nationales et sa contribution au développement. Dans ce développement de l’offre touristique, il faut savoir synchroniser l’action des différents acteurs. Certains d’entre eux agissent sur des temps très courts (par exemple les entreprises privées) et d’autres sur des temps un peu plus longs (les collectivités notamment). Pour développer l’offre touristique d’un territoire, le public commence généralement à investir pour créer les conditions minimales de service public qui permettent de recevoir des visiteurs et de contenter la population locale. Il faut d’ailleurs souligner que cette dernière est un acteur de plus en plus important du développement touristique. Il faut pouvoir associer la population locale le plus en amont possible.

Mais au fil des décennies, le tourisme a connu un essor continu et s’est diversifié de plus en plus, au point de devenir un des secteurs économiques à la croissance la plus rapide du monde. Le tourisme moderne est étroitement lié au développement et il englobe un nombre grandissant de nouvelles destinations. Cette dynamique en fait un moteur essentiel du progrès socioéconomique.‎

Aujourd’hui, le volume d’affaires du secteur touristique égale, voire dépasse celui des industries pétrolière, agroalimentaire ou automobile. Le tourisme est désormais un des grands acteurs du commerce international et, en même temps, il constitue une des principales sources de revenus de beaucoup de pays en développement. Cette croissance va de pair avec l’accentuation de la diversification et de la concurrence entre les destinations. L’expansion générale du tourisme dans les pays industrialisés et développés présente des avantages économiques et crée des emplois dans de nombreux secteurs qui y sont liés, de l’agriculture aux télécommunications en passant par le bâtiment, ce qui devrait de modèle aux pays en développement.

Soulignons que la contribution du tourisme au bien-être économique dépend de la qualité et des recettes de l’offre touristique. L’OMT offre son assistance aux destinations pour qu’elles se positionnent de façon durable sur les marchés national et international qui ne cessent de se complexifier. En sa qualité d’institution des Nations-Unies se consacrant au tourisme, elle souligne que ce sont surtout les pays en développement qui devraient bénéficier du tourisme durable et elle intervient pour les aider à traduire cette possibilité dans la réalité.

LE DÉVELOPPEMENT COMME FACTEUR DU DÉVELOPPEMENT TOURISTIQUE

De nombreux pays se sont développés sans l’avoir été par la contribution de l’activité touristique. C’est le cas de la plupart des pays développés dont les aspects physiques de la croissance économiques (tout ce qui est infrastructure dans leurs aspects pittoresques et esthétiques) ont été naturellement exploités à des fins touristiques. Dans ce cas c’est le développement en amont qui, avec tous ses corollaires, propulse l’activité touristique.

LE TOURISME CHEZ L’HABITANT

Dans la perspective de maîtriser les aspects ambigus et contradictoires de la croissance touristique et de mieux préparer des stratégies afin de contrôler en partie ou en totalité le tourisme, il y a lieu de promouvoir des formes nouvelles, simples et adaptées aux réalités et aux besoins des gens du milieu. C’est à cette fin que nous proposons le concept du tourisme chez l’habitant. Ce concept est déjà mis en pratique dans certains pays en développement et l’on doit remarquer que même si la demande du tourisme chez l’habitant, globalement considérée, émanerait à l’évidence des mêmes collectivités sociales que les autres demandes touristiques, elle ne semblerait pas devoir remettre fondamentalement en cause les produits touristiques correspondants. Le tourisme chez l’habitant, en milieu rural, constitue un élément effectif de l’aménagement du territoire et de la qualité de la vie par une action concertée, complémentaire et coopérative. Ce concept touristique convient aux objectifs de la politique touristique de la Côte d’Ivoire, à savoir, le développement économique et social des populations des régions où cette activité est exercée. Pour ce faire, nul n’est besoin de l’existence sur le cordon littoral des villages de vacances ultra modernes, farouchement gardés par des vigiles et dont l’accès est strictement interdit aux nationaux. La présence des touristes ne circulant qu’en groupes encadrés et véhiculant leur propre atmosphère où tout est climatisé et aseptisé n’est nullement nécessaire.  Pour permettre d’atteindre les résultats escomptés, il serait bien de favoriser dans les villages à caractère touristique le développement d’une infrastructure locale de support et d’accueil pour répondre aux besoins des visiteurs. Dans cette intention, des moyens adéquats s’avèrent indispensables pour rénover, améliorer ou construire de nouvelles demeures rurales afin de pouvoir héberger adéquatement les touristes nationaux et internationaux.

Cette nouvelle orientation touristique peut, certes, ne pas convenir à l’idéal d’une élite et nous en sommes persuadés. Toutefois, aussi simple soit-elle, cette orientation mérite d’être expérimentée car nous sommes convaincus que la Côte d’Ivoire, tout comme l’Afrique en général, ne sait plus quoi faire de ces grands événements touristiques stériles et consommateurs d’espace. Aussi, croyons-nous, comme F. Hertogman de l’OCDE, que « la condition première d’une politique d’innovation sociale est d’admettre que la technologie telle qu’elle s’impose dans le tourisme, n’est pas une irrésistible force autonome, mais un instrument au service des objectifs sociaux. À ce titre, elle doit être traitée comme une variable indépendance dans la prise de décision ».

La difficulté dans toute action réside dans le manque d’imagination en matière d’innovation et dans l’absence de consensus sur  les objectifs désirables. Cette approche touristique ne s’oppose nullement  au progrès de la science et des techniques modernes, à condition que celles-ci permettent à l’être humain de s’épanouir pleinement dans un cadre psychosociologique qui repose sur ses fondements traditionnels. Or tel n’est pas toujours le cas. Il s’agira alors de rendre le tourisme qui est une émanation du progrès scientifique et technologique, surtout dans le domaine du transport, compatible avec certaines conceptions de la vie, de la société et du bonheur. Le concept du tourisme chez l’habitant ne prétend en aucune façon d’éliminer les fuites monétaires dont nos États sont victimes. Toutefois, il présente l’avantage de les réduire considérablement au point de les rendre négligeables. En effet, on ne trouve pas dans nos milieux ruraux, avec autant de facilités  que dans les villes, des boissons importées, de produits sophistiqués ni une consommation d’énergie importante, qui sont une source de fuites dans le tourisme. Les retombées de ce tourisme, fait par et pour les gens du pays, peuvent profiter autant aux ruraux qu’aux citadins.

Le tourisme chez l’habitant par la redynamisation des campagnes qu’il permet, favoriserait la rencontre et la concertation, et susciterait la multiplication des contacts et le dialogue entre ruraux et citadins, source d’enrichissement humain pour tous. Il apporterait, alors, des éléments de réponse aux soucis exprimés par des intellectuels proches des milieux ruraux. Le tourisme chez l’habitant revêt donc une importance capitale pour les pays du Tiers-Monde d’autant qu’il favorise l’indépendance vis-à-vis de l’extérieur et le ressourcement dans les valeurs traditionnelles, nécessaires aux populations urbaines. Le succès d’une telle politique trouve ses racines dans le financement privé d’origine locale des installations touristiques d’une part et le recours aux ressources locales tant dans la construction des réceptifs que dans la restauration d’autre part. L’amorce d’une politique de décentralisation administration et les efforts constants du gouvernement ivoirien pour permettre la hausse des revenus à un niveau appréciable sont des atouts qui suscitent l’éclosion d’un esprit d’entreprise jusqu’à tout récemment presqu’inexistant et surtout d’une classe moyenne et surtout d’une classe moyenne, garante de l’avenir touristique de la Côte d’Ivoire.

LA VALORISATION ET LES PERSPECTIVES DU TOURISME BALNÉAIRE

La Côte d’Ivoire dispose de potentialités susceptibles d’agrémenter le séjour de n’importe quel touriste. Malgré la disparition de la destination Côte  d’Ivoire sur les marchés du tourisme pendant la crise, elle a toujours ses chances car la Côte d’Ivoire est un «scandale touristique». Sa promotion doit être agressive. Les produits ivoiriens doivent être valorisés sur les marchés étrangers lors des foires et salons professionnels et auprès des Tour-Operators comme des foires tenues en France et le festival de Memphis. Les produits touristiques ivoiriens sont accessibles grâce aux infrastructures de communication et d’hébergement. Mais ils doivent présenter un excellent rapport qualité/prix pour faire la concurrence aux autres destinations. Le coût de  transport est plus élevé et la venue des vols en Côte d’Ivoire peut contribuer à réduire le coût. La dévaluation a ceci d’avantageux qu’elle rend le pays moins cher pour le touriste européen ou américain.

La satisfaction des touristes de plus en plus exigeants passe par une bonne qualité des produits et des prestations. Cette qualité est fournie par les professionnels de l’hôtellerie et de la restauration. Il faut promouvoir les investissements touristiques surtout en matière d’infrastructures, encourager et inciter à investir dans le balnéaire car la demande touristique mondiale aujourd’hui se caractérise par des destinations nouvelles, le balnéaire représentant 90% des produits touristiques. La Côte d’Ivoire n’a que 9,6% de ses réceptifs en balnéaire alors que le littoral d’Est en Ouest recèle de tous les éléments constitutifs d’un produit hautement qualifié; et c’est à partir des produits balnéaires que se construisent et fonctionnent les circuits de découverte. Pour permettre  une bonne destination Côte d’Ivoire, il faut que les tarifs des vols d’avion soient compétitifs, que les hôtels et les restaurants soient de qualité. Il faut donc  penser à rendre effectifs l’inspection et le contrôle  périodiques des infrastructures touristiques, des agences, des hôtels. Dans l’avenir, il faut également penser à faciliter la délivrance de visas touristiques, être souples en matière de contrôles douaniers dans l’enceinte de l’aérogare des touristes et de la courtoisie lors de la fouille des bagages des touristes.

CONCLUSION

Au total, le tourisme demeure aujourd’hui la première source de recettes d’exportations bien devant l’automobile, la chimie, l’alimentation, l’informatique ou encore le pétrole. Il met en jeu des investissements considérables de capitaux, génère des revenus substantiels et crée des emplois importants. Ainsi, pour de nombreux pays, il est une source indispensable de devises; il en est même la première source pour 38 % des pays, selon un rapport de l’Organisation mondiale du tourisme sur le développement du tourisme dans le monde, publié en 2003.

Et la Côte d’Ivoire, à l’instar des pays comme la Tunisie, l’Égypte, veut désormais compter sur les devises que doit générer son industrie touristique appelée à faire preuve de dynamisme. Aussi la Côte d’Ivoire souhaite accueillir le plus grand nombre de touristes, sans tomber cependant dans un tourisme  « de masse ». C’est également pourquoi elle cherche constamment une meilleure productivité touristique permettant un abaissement relatif des prix des vols charters, des chambres d’hôtels tout en s’efforçant de poursuivre la mise en place d’un produit d’excellente qualité. Le pays possède un potentiel touristique varié. Le touriste peut trouver sur le territoire le dépaysement qu’il recherche, le contact qu’il souhaite avec d’autres civilisations, la vision d’animaux sauvages qu’il ne saurait rencontrer dans son propre pays.

Mais il existe encore un manque de savoir-faire en matière de promotion touristique. Le tourisme est un secteur très important pour le développement d’un pays. Il est la première source de devise pour certains pays. La Côte d’Ivoire regorge de nombreux sites touristiques à exploiter. Dans le souci de diversifier les sources de devises, le développement de ce secteur paraît un impératif.

 

[1]  Données récentes non disponibles pour faire notre analyse.

 

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Pour citer cet article

Référence électronique

Jean-Baptiste Gnamba-Yao. «Le tourisme balnéaire et le développement en Côte d’Ivoire : le cas d’Assinie et d’Assouindé». Revue canadienne de géographie tropicale/Canadian journal of tropical geography [En ligne], Vol. (2) 1. Mis en ligne le 05 Mai 2015, pp. 37-42. URL: http://laurentienne.ca/rcgt

 

Auteur

Dr. GNAMBA-YAO Jean-Baptiste
Enseignant-Chercheur
Département de Géographie
UFR des Sciences de l’Homme et de la Société
Université FHB, Abidjan, Côte d’Ivoire.
Courriel : gnambajb@yahoo.fr