Compte rendu

BOULANGER Philippe, (2015). Géographie militaire et géostratégie, enjeux et crises du monde contemporain, Armand Colin, collection U, Paris, 315 p.

 

Bertin G. KADET
Enseignant Chercheur
Ecole Normale Supérieure d’Abidjan, Côte d’Ivoire
bertinkadet@yahoo.fr


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Cette deuxième édition du livre de Philippe Boulanger dresse un bilan de l’ordre sécuritaire mondial et présente les défis de la paix et de la sécurité internationale, au début du troisième millénaire. L’analyse campe les facteurs de mutations de l’ordre sécuritaire mondial de l’après-guerre froide, dans un contexte marqué par la mondialisation des échanges. La démarche de l’auteur est d’abord pédagogique: les concepts et les notions de la géographie des conflits abordés sont systématiquement définis, puis réinvestis tout au long des développements. La simplicité du langage, la clarté et la précision de l’argumentaire sont attestées par de nombreuses illustrations cartographiques, et par des données chiffrées récentes. Ce livre de 315 pages se présente en trois parties thématiques réparties en neuf chapitres.

LES MUTATIONS DE L’ORDRE SÉCURITAIRE ET MILITAIRE MONDIAL

La première partie présente les grandes transformations survenues dans l’ordre sécuritaire mondial. L’examen des données caractérisant le nouvel ordre mondial depuis la fin de la guerre froide, la course aux armements et l’évolution des grandes puissances en constituent les principales lignes de force.

Depuis 1990, un nouvel ordre géopolitique et géostratégique structure le monde, à la faveur de la mondialisation et des échanges. L’un des aspects des mutations actuelles du monde réside dans le progrès de la démocratie. Alors qu’en 1987 le pourcentage de pays démocratiques était de 40%, en 2007, ce taux atteint 63%. En outre, la mondialisation a fait reculer la pauvreté dans certains pays connaissant un essor économique (Chine, l’Inde). De même, la solidarité internationale s’est renforcée autour de certains peuples ayant des difficultés. En revanche, les risques à grande échelle ont été multipliés à la faveur du développement des échanges. Tel est le cas des contaminations sanitaires, des virus informatiques, de la crise boursière ou de l’explosion des flux de personnes. Certaines parties du monde, dont l’Afrique, n’ont cependant pas bénéficié des effets de la mondialisation. Aussi, en raison du développement économique de certains pays, les ressources énergétiques des pays fournisseurs subissent des pressions, tel est le cas des pays du Golfe Persique.

Les mêmes raisons justifient le déplacement du centre de gravité géopolitique mondial vers l’Asie, où la Chine et l’Inde constituent les pôles stratégiques majeurs.

La mondialisation remet en cause l’État tel que défini par l’ordre westphalien en 1648. L’État est contesté depuis la chute du mur de Berlin (1989) et la fin de l’URSS (1991). Dans plusieurs régions du monde, il est en déliquescence, et son autorité est exercée par des forces alternatives constituées par des milices ethniques et des bandes armées (Europe de l’Est, entre 1991-1995, Somalie 1991-2006). Cette dynamique s’accompagne de construction de murs séparant les frontières. La mondialisation génère ainsi un processus de reterritorialisation des États, due aux nouvelles frontières. Toutefois, la contestation de l’État concerne quelques régions du monde où domine le chaos, notamment en Amérique latine, en Afrique, et en Asie.

De nouvelles formes de violence sont apparues, incarnées par le terrorisme radical. Avant 1990, le terrorisme était lié à des revendications indépendantistes d’une minorité à l’intérieur d’un État. Depuis les attentats du 11 septembre 2001 à New York, ceux du 11 mars 2004 à Madrid et de juillet 2005 à Londres, le terrorisme d’Al-Qaida prône le fondamentalisme islamique, mène des actions d’une extrême cruauté, ainsi que des actions militaires de grande envergure. Le cadre et la nature de la violence ont changé. Les conflits sont devenus intra-étatiques et moins interétatiques, causant plus de victimes civiles. En atteste le génocide rwandais (7 avril-4 juillet 1994, 800 000 morts), ou la guerre en RDC (1996-2003, 4 millions de morts). Pendant les conflits, les milices se mélangent aux populations civiles, si bien qu’il est impossible de distinguer le combattant et le civil. En outre, la sous-traitance des conflits par des sociétés militaires privées est devenue une réalité mondiale.

Les sources de tensions dans le monde sont multiples. Elles procèdent des difficultés d’accès aux ressources énergétiques (pétrole, gaz de schiste) et d’approvisionnements, des pressions démographiques dues à l’augmentation de la population mondiale, de l’acquisition des terres arables et du contrôle de l’eau. À ces causes, s’ajoutent les vulnérabilités dues aux effets de la mondialisation. Il en découle d’importants risques sociétaux (explosion du volcan, tsunami, perturbations de trafics aériens, explosion de centrale nucléaire Fukushima Daïschi, etc.). Toutefois, trois zones de tensions apparaissent à travers le monde. Tout d’abord un Arc de crise partant de l’Atlantique à l’Océan indien, comprend la zone sahélienne allant de la Mauritanie à la Somalie, la bordure de la Méditerranée, le Proche- Orient, le golfe Arabo-Persique, l’Afghanistan et le Pakistan. Cet ensemble est caractérisé par la fragilité des États, les risques de chaos et de fragmentation territoriale. Ensuite, l’Afrique est un continent marqué par des tensions de plus en plus nombreuses. Enfin, l’Arctique constitue un nouvel enjeu géopolitique, en raison des conséquences du réchauffement climatique, pouvant permettre l’accès aux immenses richesses énergétiques et halieutiques, ainsi que l’ouverture possible de nouvelles voies maritimes vers le Nord-Est asiatique.

La dynamique des tensions est alimentée par la course à l’armement. Cette situation donne lieu à des mutations dans l’industrie de l’armement, avec comme principal leader les États-Unis. Depuis 1993, l’industrie militaire s’oriente vers la haute technologie, la production des équipements à moindre coût, la privatisation de certaines entreprises, ainsi que l’intégration civilo-militaire. Toutefois, l’État garde la maîtrise des commandes et de la législation. La course aux armements est attestée, également, par l’augmentation des dépenses militaires. Cependant, la tendance est à la réduction des dépenses militaires dans les pays occidentaux (EU, France, Royaume Uni), alors qu’elle est en augmentation dans les pays émergents (Chine, Inde). Les pays exportateurs d’armement sont pour la plupart occidentaux mais, les pays émergents comme le Brésil, l’Afrique du Sud, la Corée du Sud, et les Emirats Arabes Unis montent en puissance. L’Asie est le centre de gravité des importations d’armement grâce aux importations des pays émergents. Afin de limiter la prolifération des armes, la communauté internationale, sous l’égide des Nations-Unies, prend des dispositions, en signant des traités sur le commerce des armes. De telles évolutions sont significatives d’un monde en situation de guerre économique, où les États et les entreprises multinationales sont les principaux acteurs des stratégies de domination. Cette orientation qui n’est pas nouvelle, est accentuée à la faveur de la mondialisation des échanges depuis 1990. La guerre économique s’appuie sur les nouvelles technologies de l’information et de la communication, et sur l’intelligence économique.

Concernant la dynamique des puissances militaires, les Etats-Unis sont devenus le gendarme du monde, surtout après la chute de l’URSS en 1991. La puissance militaire de ce pays est fondée sur une doctrine interventionniste qui, s’étant manifestée dès 1947, s’est renforcée au cours des années 2000, grâce à une doctrine de sécurité définissant un axe du mal (2002) et des États voyous (2005). L’Asie polarise l’attention géostratégique américaine, à cause du concurrent chinois, et également à cause des risques naturels présents dans cette région. Pour toutes ces raisons, les États-Unis consentent des investissements importants dans le secteur de la défense depuis 2000.

La suprématie américaine connait toutefois des limites dues à la menace asymétrique du terrorisme radical, et à la concurrence de la Russie et de la Chine dans certaines zones. En outre, le pays doit faire face aux menaces de l’Iran, de la Corée du Nord, ainsi qu’à  la montée d’autres puissances émergentes, et ce, dans un contexte de restructuration de la défense et de réduction des dépenses militaires.

LA GEOSTRATÉGIE DE LA GUERRE ET DE LA PAIX

La seconde partie de cet ouvrage étudie l’évolution des conflits armés, l’émergence des zones grises, et le développement des missions de paix.

L’un des traits caractérisant les évolutions de la sécurité internationale, c’est la diminution des conflits armés dans le monde, depuis le début du XXIè siècle. Entre 1991 et 2003, le nombre des conflits armés dans le monde est passé de 51 à 29, s’étant stabilisé autour de 30 conflits par an dans les années 2000. Dans 15 régions différentes, le nombre de conflits armés majeurs (au moins 1000 morts) a également diminué. La plupart des conflits armés ont lieu au sein des États où ils opposent des groupes constitués entre eux, ou des groupes à des gouvernements nationaux. La plupart de ces conflits intra-étatiques se déroulent sur le continent africain. La dynamique la plus importante concerne la multiplication des guerres du chaos, se situant dans des zones grises où l’État est défaillant. L’Afrique et l’Asie sont les plus concernées, la guerre y touche particulièrement les populations civiles. Dans ces régions, la faillite de l’État profite au banditisme et elle favorise le règne des factions armées. L’on assiste également, à la montée des mouvements radicaux islamistes, tels qu’Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) au Mali, Boko Haram au Nigeria ou Daech en Irak. Les zones de conflits sont devenues complexes en raison de leur connexion aux flux et réseaux de la mondialisation. Elles sont des lieux de refuges de toutes sortes de pratiques (drogues, prostitutions, déchets dangereux, trafics illicites, etc.). Désormais, le concept de « sécurité collective » remplace celui de « sécurité nationale ».

Ces zones grises, qui sont des zones de non droit, d’absence ou de faiblesse de l’État sur le territoire national ou sur une partie, révèlent les mutations des espaces marginalisés pendant la guerre froide. Elles présentent les caractères de l’instabilité et de l’incertitude. Espaces d’anarchie et de violence, de convoitises et de rivalités entre différents acteurs, les zones grises sont porteuses de déséquilibres au sein de la société, ce qui inquiète les États. Les zones grises sont présentes sur tous les continents : en Europe balkanique, dans le Caucase, en Asie centrale, en Afrique des Grands Lacs, en Amérique latine. La dynamique des zones grises est liée au développement des échanges dans un contexte de mondialisation.

La communauté internationale est mobilisée pour enrayer la recrudescence des zones grises, d’où la montée en puissance des missions de paix. Depuis 1990, les missions de paix ont pour but d’éviter de faire la guerre, en s’interposant entre les belligérants lorsque celle-ci a lieu. Ces missions ont également pour vocation de ramener la paix, et de reconstruire l’État détruit. Ces différents objectifs nécessitent une diversification des missions de paix déclinées, depuis 2010, en Opération de maintien de la paix (peacekeeping), Rétablissement de la paix (peacemaking), Imposition de la paix (peace enforcement), ou Consolidation de la paix (peacebuilding). Toutefois, l’ONU n’est pas le seul acteur de paix car, des organisations régionales ou sous-régionales interviennent également pour préserver l’humanité du fléau de la guerre. Un aspect important des missions de paix réside dans la reconstruction post-crise qui doit relever plusieurs défis. D’abord le défi de l’amélioration de l’aide internationale car, pour susciter et encourager la solidarité internationale, il faut une bonne coordination des actions sur le terrain pour que l’aide parvienne aux victimes, en évitant les détournements. Un autre défi réside dans la bonne gestion des ressources naturelles, cela implique de pouvoir isoler les marchés des zones de conflits, d’arrêter le financement des zones de conflit, et de certifier les produits pour les consommateurs. Le troisième défi est le contrôle des armes légères et des mines, pour éviter leur propagation. Enfin, il y a la reconstruction des infrastructures de l’État, pour ne pas replonger dans la crise. À toutes ces étapes, il faut associer les associations régionales et valoriser leurs actions dans le règlement des conflits.

LES DEFIS GEOSTRATÉGIQUES POUR LA SÉCURITÉ INTERNATIONALE

La troisième et dernière partie du livre présente les nouveaux défis sécuritaires du monde contemporain. Ici, le terrorisme international, la prolifération des armes de destruction massive et les questions environnementales constituent les thèmes principaux. Que doit faire la communauté mondiale pour protéger l’humanité contre les risques et les menaces affectant le développement économique et social ?

Le terrorisme est, par définition, un acte de violence par lequel, ses auteurs cherchent à atteindre les dirigeants et les populations civiles, dans le but de faire pression sur les gouvernements et influencer les processus décisionnels. Le terrorisme continue d’utiliser des acteurs individuels isolés, des acteurs étatiques (services secrets) ou des acteurs non étatiques (Action directe, Armée rouge, Brigade rouge, IRA, ETA, OAS, Al-Qaida, Daech, Boko Haram, Aum Shinrikyo). La dynamique du mouvement terroriste montre qu’il a pris naissance en Europe au début du XIXè siècle, revêtant un aspect individuel dirigé contre des personnalités de la sphère politique. En témoigne l’assassinat, en 1894, du président français Sadi Carnot, par Santo Gernimo. Le terrorisme s’est développé dans les années 1960, dans les mouvements de gauche, d’extrême-gauche et d’extrême-droite, revendiquant de meilleures conditions sociales ou défendant des causes nationalistes. Parallèlement, un terrorisme d’État s’appuie sur les services secrets d’État, éliminant des opposants politiques. Le terrorisme économique implique des entreprises transnationales déstabilisant des entreprises d’un pays, pour susciter un climat de vulnérabilité. Depuis la fin de la guerre froide, le terrorisme est devenu plus violent, idéologique et planétaire, soutenu par l’islamisme radical. S’appuyant sur les vecteurs de la mondialisation, le terrorisme contemporain diversifie ses bases sur tous les continents, affectant particulièrement les populations civiles.

Ce diagnostic implique que la guerre contre le terrorisme est devenue un concept géostratégique, surtout  depuis l’attentat du 11 septembre 2001 perpétré par Al Qaida contre les États-Unis sur le territoire américain. La communauté internationale se mobilise contre le terrorisme. C’est le sens de la résolution 1373 du 28 septembre 2001 du Conseil de sécurité des Nations-Unies, invitant tous les États à prendre des mesures contre le terrorisme. Au niveau des États, les États-Unis constituent le fer de lance, dans la guerre contre le terrorisme. Tous les gouvernements successifs, depuis George Bush à Barack Obama, ont pris d’importantes mesures au niveau interne (2001 Patriot Act, 2003 Homeland Security Act, etc.) pour combattre le terrorisme sous toutes ses formes. Les initiatives américaines vont de l’exportation de la guerre dans les foyers terroristes (Afghanistan 2001, Irak 2002) à la mise en œuvre de programme militaire contre des États voyous, la Corée du Nord ou l’Iran. Les États-Unis apportent également leur appui sous toutes les formes (AFRICOM, Trans Sahara Counterterrorism Partnership) aux États africains, et à tous les États exposés à la menace terroriste. Dans leur sillage, les pays européens notamment la France (Loi du 26 janvier 2006, loi du 24 juin 2015 sur le renseignement) et la Grande Bretagne (2001, 2005) adoptent des mesures pour lutter contre le terrorisme.

La sécurité internationale doit relever le défi lié à la menace des armes de destruction massive (armes nucléaires, biologiques, chimiques et radioactives) dont l’usage est interdit par les conventions internationales. En 1945, la possession de ces catégories d’armes était du ressort de quelques grandes puissances militaires. Depuis 1990, le nombre de pays qui en disposent s’est accru sous les effets conjugués de la mondialisation et des transferts de technologie. L’utilisation des armes de destruction massives est aussi vieille que l’humanité. Au cours du XXè siècle, ces armes ont servi dans tous les grands conflits armés (1ère guerre mondiale 1914-1918, 2ème guerre mondiale 1939-1945, guerre de Corée 1950, guerre du Vietnam 1965-1973, etc.). Les conséquences sont importantes et irréversibles sur les populations et l’environnement. Cependant, un fait inquiétant depuis 1991, est l’utilisation de ces armes à des fins terroristes.

Au début du XXè siècle, la communauté internationale a adopté des mesures, en vue du contrôle et l’interdiction des armes de destruction massive. Les premières règles sont apparues lors des Conférences de la Haye (28 juillet 1899, 18 octobre 1907) sur les gaz asphyxiants. Depuis lors, plusieurs conventions et accords portant sur les armes de destruction massive sont adoptés dans un cadre concerté. La création de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA), en vue du contrôle de l’usage de l’arme nucléaire à des fins pacifiques, ainsi que les accords SALT (1972, 1979) et START (1991, 1993) participent de la volonté de la communauté internationale. Malgré ces dispositions, les risques d’une nouvelle prolifération des armes de destruction massive ont augmenté depuis 2001. D’autres États ont désormais accès à la technologie du nucléaire. Cette dynamique s’observe à travers le rapatriement des armes de l’ancien Pacte de Varsovie vers les nouveaux États, suite à la dislocation de l’URSS en 1991. Elle s’observe, également, à travers la volonté des puissances émergentes (Chine, Inde, Pakistan) d’accroître leurs arsenaux. De nouveaux États nucléaires sont apparus (Israël, Inde, Pakistan), et plusieurs pays parmi lesquels l’Iran et la Corée du Nord mènent des programmes nucléaires. La question de la non-prolifération nucléaire reste donc posée.

Enfin la gestion de l’environnement représente un enjeu important dans les relations internationales car, l’environnement constitue à la fois un facteur et un objet de conflit. Il est continuellement agressé du fait de l’activité humaine et des aléas naturels, et il se dégrade à cause des vulnérabilités multiples. Les questions environnementales sont des sources de conflits. Trois types de conflits verts se distinguent : les conflits liés à la rareté des ressources (eau, bois, pêche, terre agricole) tel que le conflit somalien (Afrique), les conflits environnementaux liés à l’appartenance identitaire (ethnique, religieux, nationaliste), comme le conflit indonésien sur l’île de Bornéo (Asie), ou les conflits liés à la discrimination et à la privation des ressources tel que le conflit israélo-arabe.

La communauté mondiale est mobilisée face au défi environnemental. Elle organise des rencontres internationales pour débattre des stratégies de développement durable (Stockholm 1972, Rio de Janeiro 1992, Kyoto 1995). Des associations se sont formées pour défendre cette idée (Union internationale pour la conservation de la nature, World Wildlife WWF, Programme des Nations Unies pour l’Environnement PNUE). Toutes ces initiatives en faveur de la préservation de l’environnement contribuent à modifier la perception et le comportement des sociétés humaines à l’égard de leur environnement. Au XXIè siècle, une révolution culturelle militaire est en train de naître dans les armées modernes, consistant à prendre en compte l’environnement, dans les activités de défense. Depuis 1990, la stratégie de développement durable est devenue un vecteur de paix et de stabilité. Dans un contexte de multiplication des opérations de maintien de la paix, l’attention portée à la préservation de l’environnement renforce la dimension humanitaire des missions de reconstruction post-crise. Désormais, les militaires sont appelés à protéger des sites militaires, à dépolluer des terrains, à réduire la consommation d’énergie. L’activité militaire obéit désormais à un encadrement strict, grâce à la fabrication de nouveaux types d’armes non polluantes. Tout ceci participe de la gestation d’une nouvelle culture militaire. Toutefois, cette conversion des mentalités militaires reste limitée aux armées modernes et occidentales.

Au total, le livre de Philippe Boulanger est une contribution essentielle à la géographie militaire. Il constitue un apport inestimable dans la connaissance des grands paradigmes de la gouvernance internationale. L’un des enseignements à retenir de cette contribution de haute portée scientifique, c’est que les conflits armés qui affectent nos États sont à l’image des ouragans dévastateurs : leurs centres d’incubation sont très éloignés des États qui servent de théâtres d’opération. L’intérêt documentaire et pédagogique de ce livre en fait un instrument de référence, et un outil précieux pour les étudiants en géographie, les chercheurs et les enseignants. Surtout, les décideurs politiques, notamment ceux du continent africain, en particulier de l’Afrique de l’Ouest affectée par des formes diverses de violence armée (rébellions armées, coups d’État, islamisme radical Boko Haram, séparatistes Mujao, etc.) doivent y recourir. Il est en effet indispensable pour tous les dirigeants, d’être imprégnés des dynamiques de changement du monde contemporain, afin d’éviter des désastres inutiles à leurs concitoyens.

Philippe Boulanger est professeur des universités en géographie, à l’Institut français de géopolitique (université Paris VIII), membre du Centre de recherches et d’analyses géopolitiques, et spécialiste des questions de défense et de géographie militaire.