The burden of the fight against urban malaria in Cameroon: state, constraints and prospects
MEVA’A ABOMO Dominique
Résumé : La lutte contre le paludisme au Cameroun se caractérise par un paradoxe selon lequel l’intensification de l’intervention contre cette endémo-épidémie est contrastée par des répercussions épidémiologiques et socioéconomiques toujours croissantes. Cette étude établit une double causalité de ce paradoxe à l’échelle urbaine. Premièrement, la relation Territoire et Risque révèle que les villes camerounaises sont des territoires d’incubation du risque palustre. Une transmission urbaine de la maladie est enregistrée pendant toute l’année même dans les régions à transmission potentiellement saisonnière conformément au faciès d’éco-pathogénèse. Cette transmission annuelle est entretenue par le faciès de socio-pathogénèse des villes. Ce faciès se fonde sur les pratiques socio-spatiales à risque responsables de la reproduction continue des vecteurs, indépendamment des zones climatiques. Deuxièmement, la relation Système de santé et Paludisme révèle que, la crise plurielle des systèmes urbains de santé est en faveur de fortes répercussions de la maladie. Ce constat émane des crises des composantes telles que l’offre de soins, la santé communautaire, la surveillance épidémiologique et la recherche opérationnelle. L’étude prescrit une redynamisation de la lutte autour de trois paradigmes: la prévention, la prise en charge et la recherche scientifique, puis, la création d’un Observatoire National du Paludisme Urbain.
Mots clés : Paludisme urbain, transmission urbaine annuelle, relation Territoire et Risque, relation Système de santé et Paludisme, Observatoire National du Paludisme Urbain
Abstract: The fight against malaria in Cameroon is characterized by a paradox where the intensification of interventions against this endemo-epidemic disease is contrasted by the permanent growth of these epidemiologic and socioeconomic repercussions. This study establishes a double causality of this paradox in the urban scale. Firstly, the Territory and Risk relationship reveals that, the Cameroonian cities are the incubation territories of malaria risk. The urban transmission is annual, same in the regions where the eco-pathogenesis features preconizes a seasonal transmission. This annual transmission is maintained by the socio-pathogenesis feature of the cities. This feature founds on the risk socio-spatial practices that are responsible of the permanent reproduction of the vectors, independently to the climatic zones. Secondly, the Health system and Malaria relationship reveals that, the plural crisis of the urban health systems contributes to the growth of the malaria repercussions. This precision emerges to the crises of the components as the care offer, the community health, the epidemiologic surveillance and the operational research. A study prescribes a re-dynamisation of the fight around tree paradigms: the prevention, the take-care and the scientific research, then, the creation of the National Observatory of Urban Malaria.
Keywords: Urban malaria, annual urban transmission, Territory and Risk relationship, Health system and Malaria relationship, National Observatory of Urban Malaria
Plan
Introduction
État de la lutte contre le paludisme au Cameroun
Des efforts politico-institutionnels remarquables en matière de lutte contre le paludisme
De la pertinence des initiatives de lutte à des répercussions épidémiologiques et socioéconomiques toujours croissantes
Les contraintes à la lutte contre le paludisme urbain
Les villes camerounaises : des territoires d’incubation d’un risque anophélien à forte variabilité spatio-saisonnière mais à transmission annuelle de la maladie
Les dysfonctionnements du système urbain de santé publique : un enjeu majeur à la lutte contre le paludisme urbain
Repenser la lutte contre le paludisme urbain entre recherche scientifique, prévention et prise en charge des patients
Conclusion
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INTRODUCTION
La population camerounaise est majoritairement urbaine avec un taux d’urbanisation de 52 %. Cette croissance rapide de la population urbaine est contrastée par une très faible dynamique d’amélioration des capacités urbaines en matière de logements, de transport urbain, d’offre des soins de santé, de gestion de l’environnement, etc. La crise de santé urbaine s’affirme de plus en plus comme étant l’un des principaux effets induits de cette dynamique de croissance urbaine anarchique[1],[2]. Cette crise est entretenue par plusieurs facteurs à l’exemple des endémo-épidémies comme le paludisme urbain (Vanhecke et al., 2014). Cette pathologie repose sur un corpus de déterminants d’ordre écologiques (climat) et sociétaux (politico-institutionnels, économiques, sociaux et culturels) garants de l’inefficacité de la lutte antipaludique depuis l’époque coloniale.
En principe, l’institutionnalisation de la lutte contre cette pathologie au Cameroun remonte à l’époque coloniale (Nkohgué Balock, 2015). Elle était pilotée par les pouvoirs coloniaux suivant deux logiques. La première s’articulait sur la métropolisation de la lutte à travers l’optimisation de la prévention et de la prise en charge des malades dans les agglomérations. Ces dernières étaient mieux équipées en formations sanitaires et en personnels qualifiés. La deuxième s’articulait sur le Principe des grandes endémies qui a perduré jusqu’à la fin des années 70. Il s’agit précisément de la médecine itinérante où des équipes médicales parcouraient les campagnes pour traiter plusieurs maladies tropicales comme le paludisme. Certains points focaux servant de base d’activités ont été érigés en milieu rural. Ils ont données lieu, par la suite, à de véritables fortifications d’offre de soins de santé en milieu rural. Après l’indépendance, les pouvoirs publics se sont inscrits dans un continuum stratégique en matière de lutte contre les endémo-épidémies. Et, la lutte contre le paludisme a particulièrement connu plusieurs restructurations et a substantiellement été renforcée.
Ces efforts des politiques n’ont malheureusement pas pu éradiquer la maladie. Ils sont contrastés par une croissance des répercussions épidémiologiques et socioéconomiques de la maladie (Ndjounguep et Abossolo, 2015 ; Vanhecke et al., 2014, Meva’a Abomo, 2011 ; Samé Ekobo, 2005). Le paludisme urbain se distingue par la complexité de son cadre d’épidémiogénèse et de ses mécanismes d’épidémisation (Same Ekobo, Cheumaga, 1989). En guise d’illustration, une intense dynamique de reproduction urbaine des anophèles considérés comme des moustiques salubres (Same Ekobo, Cheumaga, 1989) est enregistrée dans des espaces urbains pourtant insalubres, et donc, inappropriés à priori. Sa transmission est annuelle même dans les villes situées dans des régions du pays où le climat ambiant prédispose naturellement à une saisonnalité de ladite transmission. Malheureusement, ces spécificités du paludisme urbain ne sont pas prises en compte dans les programmes et stratégies nationales de lutte contre cette endémo-épidémie. Ces contrastes sont le fondement de la présente étude de la crise de la lutte contre le paludisme urbain au Cameroun. L’étude est donc initiée dans le but de favoriser une meilleure connaissance scientifique des contraintes et barrières à l’éradication de cette endémo-épidémie dans les villes camerounaises.
La restitution de l’étude est structurée en trois articulations. La première dresse un état des lieux des actions menées dans le cadre de la vaine lutte contre le paludisme. Elle établit également un bilan non exhaustif, mais très contrastant, des répercussions épidémiologiques et socioéconomiques de la maladie. La seconde articulation reconstitue la causalité endemo-épidémiologique du paludisme à l’échelle urbaine. Elle décrypte les causes du paradoxe selon lequel l’intensification de la lutte contre cette pathologie est contrastée par la croissance de ses répercussions. Ce décryptage se focalise sur la relation Territoire et Risque d’une part, puis sur la relation Système de santé et Paludisme d’autre part. Il aboutit à l’élaboration d’un profil de contraintes structurelles et fonctionnelles à la lutte contre cette pathologie en milieu urbain. La troisième et dernière articulation porte sur les perspectives en termes de contribution de l’étude à la lutte contre le paludisme urbain. Cette contribution est relative à une réinvention des trois paradigmes clés de la lutte à savoir, la prévention, la prise en charge et la recherche opérationnelle.
ÉTAT DE LA LUTTE CONTRE LE PALUDISME AU CAMEROUN
DES EFFORTS POLITICO-INSTITUTIONNELS REMARQUABLES EN MATIÈRE DE LUTTE CONTRE LE PALUDISME
L’institutionnalisation de la lutte contre le paludisme rend compte de l’engagement des pouvoirs publics à promouvoir la santé publique. Cet engagement se matérialise concrètement par cinq actes institutionnels importants : la déclaration d’une politique générale du gouvernement sur la lutte antipaludique, la création d’un groupe de travail national pour la lutte anti-paludisme, l’adhésion à l’initiative mondiale Roll back malaria, la ratification de la déclaration d’Abidjan sur la lutte contre le paludisme en Afrique et enfin l’élaboration du plan stratégique national de lutte contre le paludisme. Dans la pratique, les pouvoirs publics se dotent d’un programme gouvernemental spécifique pour lutter contre le paludisme avec une structure nationale de pilotage. Cette structure est intégrée dans l’organigramme du ministère de la santé publique. Un Système National d’Intervention Sanitaire (SNIS) basé au niveau périphérique (district de santé) est mis sur pied ainsi qu’un système de surveillance épidémiologique du paludisme. Une approche régionale de gestion est adoptée à travers la création de dix unités régionales du programme national de lutte contre le paludisme.
L’activité de recherche paludologique est promue autour de la caractérisation du faciès épidémiologique national, des recherches biomédicale, pharmaco-thérapeutique, pharmacopée traditionnelle et entomologique. L’évaluation de la plasmodio-résistance et sa configuration géographique nationale sont établies. La définition et la révision continuelle des directives sur le protocole chimio-prophylactique et des algorithmes de prise en charge des accès palustres… (Metenou, Taylor et Leke, 2005) sont renforcés. Ces activités de recherche sont menées grâce à la collaboration entre le programme national de lutte contre le paludisme et plusieurs organismes.[3] Cette dynamique de collaboration a conduit à la sous-régionalisation de la recherche paludologique en Afrique Centrale[4]. L’organisation par le Cameroun de la quatrième conférence mondiale du programme « Multilateral Initiave of Malaria (MIM) » conjointement avec la Pan African Malaria Congress du 13 au 18 novembre 2005, rend compte de l’engagement des pouvoirs publics dans la recherche paludologique à l’échelle mondiale.
La multitude de partenariats bilatéraux et multilatéraux a largement contribué à la baisse des prix des médicaments antipaludiques génériques. La création d’un circuit d’approvisionnement en médicaments essentiels peut également être évoquée dans cet ordre d’idées. L’existence d’un corpus de 17 000 organisations, sous forme d’associations et d’organisations non gouvernementales (ONG) regroupées en réseaux[5], renforcent la lutte contre le paludisme. La communication sociale sur le paludisme est intensifiée et diversifiée (Bowen, 2012).
Samé Ekobo (2005) souligne que : « de 1965 à 1990, le Cameroun a perdu en moyenne 1,3 % du taux de croissance annuelle à cause du paludisme. Si cette maladie avait été éradiquée 35 ans plutôt, le Produit Intérieur Brut (PIB) augmenterait de 32 % par rapport à son niveau de l’an 2000. Cette augmentation représente environ 1000 milliards de dollars USD, soit 9 fois plus que l’aide au développement accordée à l’Afrique en 1999. Entre 1980 et 1995, le Cameroun aurait perdu à cause du paludisme, environ 4227 millions de dollars USD, soit 318 dollars USD par tête d’habitant ». Le rapport des comptes nationaux de la santé précise que : « En 2011, la dépense pour le paludisme est estimée à 134,4 milliards de FCFA soit 28,6% de la dépense courante de Santé. 28,8% des dépenses liées au paludisme sont financées par les transferts issus des revenus nationaux de l’administration publique, 19,8% par les transferts directs étrangers et la plus grande part soit 48,2% par les autres revenus nationaux (ménages, entreprises, ONGs nationales,…) »[6]. En 2013, la représentante de l’OMS affirmait que l’investissement fait au Cameroun dans le cadre de la lutte contre le paludisme s’est multiplié par 20 de 2000 à 2012[7].
Le Programme National de Lutte contre le Paludisme a adopté divers plans stratégiques d’intervention[8] avec des objectifs précis et d’importants moyens mobilisés par l’Etat et les multiples partenaires internationaux. La prévention contre le paludisme est davantage promue avec l’exonération des taxes et droits de douane sur les moustiquaires et insecticides. Plus de 60 millions de Moustiquaires Imprégnées de Longue Durée d’Action (MILDA) ont été distribuées de 2002 à 2015 avec des pics tels que 9 000 000, 8 115 879 et 12 600 000 de moustiquaires MILDA distribuées respectivement en 2009[9], 2011[10] et 2014[11]. De janvier à juin 2015, 12,2 millions de moustiquaires MILDA ont été distribuées aux populations[12]. De 2007 à 2009, les pouvoirs publics ont approvisionné les formations sanitaires de 9,5 milliards de doses de médicaments antipaludiques subventionnés et plus de 55 milliards de FCFA ont été alloués à la lutte contre le paludisme[13].
Ces initiatives expliquent l’augmentation du taux d’utilisation des moustiquaires qui est passé de 33 % en 2011 (INS, 2011) à 63,7 % en 2012 (INS, 2012) et à 65,6% en 2013 (INS, 2013). Selon INS (2013), « Pour les enfants de moins de 5 ans, le taux d’utilisation passe de 19% à 46% et pour les femmes enceintes, il passe de 17% à 41%. » dans la même période. Si le coût unitaire de la moustiquaire imprégnée reste élevé par rapport au revenu moyen des populations (3 500 FCFA), les multiples partenariats précédemment évoqués ont favorisé la vulgarisation de la prévention avec le moustiquaire. Enfin, dans le cadre du projet « Scaling up malaria control for impact in Cameroon 2011-2015 (SUFI), financé par le Fonds Mondial de Lutte contre le SIDA, la Tuberculose et le Paludisme (FMSTP), le gouvernement camerounais s’est engagé à atteindre la couverture universelle des populations en Moustiquaires Imprégnées d’Insecticide à Longue Durée d’Action (MILDA), afin de diminuer d’une manière significative la morbidité et la mortalité dues au paludisme »[14].
DE LA PERTINENCE DES INITIATIVES DE LUTTE À DES RÉPERCUSSIONS ÉPIDÉMIOLOGIQUES ET SOCIOÉCONOMIQUES TOUJOURS CROISSANTES
Les multiples investissements et initiatives de lutte contre le paludisme ci-dessus sont malheureusement contrastés par une croissance des répercussions épidémiologiques et socioéconomiques du paludisme. D’après les statistiques épidémiologiques de 2014[15], un total de 6 700 409 patients a régulièrement été enregistré et examiné dans les hôpitaux camerounais disposant des statistiques. Dans cet ensemble, 2 013 368 de cas d’infection palustre ont été régulièrement diagnostiqués. Il en résulte un taux de prévalence moyen de 30,04 %. La prévalence moyenne déterminée lors de l’Enquête Démographique et de Santé et à Indicateurs Multiples (EDS-MICS) en 2011 est similaire, soit de 30 % en général. Les prévalences urbaine et rurale sont respectivement de 20,6 % et de 37,1 % (Wounang et Ketchoum Ngahane, 2011). Ces prévalences se rapportant à l’échantillon d’investigation ne reflètent pas forcément la réalité nationale. Les données relatives aux prévalences du paludisme au Cameroun souffrent globalement d’un problème de cohérence et de fiabilité telle que souligné dans le rapport sur le paludisme dans le monde en 2014.[16]
Le nombre de décès déclarés en 2014 est de 4 400 avec un taux de létalité de 0,2 %. Le taux de mortalité est de 30 % contrairement à 2008 où il était à 41 %. Le taux de morbidité résultant du rapport entre le nombre de décès et le nombre de consultations générales est de 30,04 %. Une régression de ce taux de 12,96 % est donc observée par rapport à la morbidité de 2008 qui était de 43 %. Les enfants de moins de 5 ans constituent la tranche de la population la plus vulnérable avec 855 792 cas d’infection palustre diagnostiqués sur les 1 683 486 cas de consultations enregistrés. Et, sur les 4 400 décès déclarés en 2014, 3 064 concernent les enfants de moins de 5 ans, soit 69,64 %. L’extrême nord est la région du pays la plus vulnérable avec 40 % de décès[17]. D’une manière générale, cette pathologie est responsable de 31% de consultations dans les formations sanitaires et de 44% des hospitalisations. Elle consomme à elle seule 40 % des revenus annuels des ménages et représente 26 % des motifs d’arrêts maladies de travail… De manière spécifique, aux deux villes-régions (Yaoundé et Douala), Desfontaine M. cité par Samé Ekobo, (2005) signale que les dépenses des ménages engagées dans la lutte contre le paludisme s’élèvent en moyenne à 173 000 FCFA par an à Douala, contre 57 000 FCFA par an à Yaoundé.
Ce profil épidémiologique est sous-tendu par trois faits marquants. Premièrement, il se rapporte principalement au paludisme urbain. Car, la surveillance épidémiologique, en termes de collecte et d’analyse des données épidémiologiques est surtout menée dans les espaces urbains. Ici, les établissements hospitaliers sont géographiquement accessibles, mieux structurés et mieux infrastructurés en laboratoires. Ces structures disposent de microscopes d’analyses biologiques, d’équipements et d’intrants nécessaires à la production de statistiques épidémiologiques fiables par rapport à l’espace rural. Le problème d’électrification rurale, l’absence d’établissements hospitaliers nantis de matériels de diagnostics, de personnels médicaux et de techniciens de laboratoires qualifiés sont autant d’indicateurs qui expliquent l’indisponibilité de données épidémiologiques rurales. Les données épidémiologiques urbaines sont entre autres fournies par quelques structures sanitaires des villes bénéficiant de l’appui du programme national de lutte contre le paludisme. Autrement dit, tous les établissements de santé ne font donc pas partie du système d’alerte dans les villes et ne transmettent logiquement pas leurs statistiques aux services de surveillance épidémiologique (Meva’a Abomo, 2012, 2015a). Ces statistiques représentent, en définitive, une partie des répercussions épidémiologiques et socioéconomiques de la maladie.
Deuxièmement, les quelques données officiellement déclarées se rapportent beaucoup plus aux cas d’accès palustre. En principe, l’accoutumance et la socialisation du risque palustre ont conduit à sa banalisation. Celle-ci se trouve renforcée par les pratiques d’automédication. Déjà, la gestion ménagère des épisodes de paludisme simple est une pratique populaire officiellement encouragée par le programme national de lutte contre le paludisme. Cette pratique est également entretenue par la pauvreté, l’attachement au registre socioculturel. Elle est enfin renforcée par la présence d’un puissant système informel d’offre des soins de santé dans les villes. Les malades se rendent à l’hôpital lorsque cette prise en charge de première intention est généralement vaine, et donc, lorsque la maladie bascule au stade compliqué, qualifié d’accès palustre. En définitive, les données épidémiologiques transmises à l’unité de surveillance épidémiologique ne traduisent pas non plus fidèlement les répercussions réelles des villes. Elles sont relatives à la proportion de séquences d’accès palustre.
Troisièmement, les données épidémiologiques transmises reflètent la proportion de cas d’accès palustre ayant effectivement fait l’objet d’examens médicaux. Car, tous les cas d’accès palustre ne sont pas régulièrement diagnostiqués à partir des examens médicaux et enregistrés. Le diagnostic de présomption est une alternative très utilisée face au fonctionnement en surcharge des hôpitaux urbains. La vétusté des équipements de diagnostic et l’insuffisance quantitative des techniciens de laboratoire renforcent le recourt au diagnostic de présomption. Les données analysées représentent, en définitive, une infime partie de la réalité. Elles ne sont qu’indicatives et ne reflètent pas forcément le réel faciès épidémiologique urbain. À ces disparités statistiques urbaines s’ajoutent des millions de cas de paludisme non identifiés, ni déclarés et encore moins pris efficacement en charge dans le milieu rural. Le paludisme rural décime ainsi les populations en toute discrétion dans un milieu dépourvu, pauvre et précaire, mais concentrant 9 314 928 d’habitants, soit 48 % de la population nationale. Ces réalités justifient l’affirmation du Ministre de la santé publique selon laquelle : « nous frôlons les 100 000 décès dus au paludisme par an »[18], contrairement aux 43 500 décès officiellement déclarés au compte de 2013, année à laquelle se rapporte cette déclaration ministérielle.
Au terme de l’exécution du plan stratégique national de lutte contre le paludisme adopté pour 2011-2015 (PNLP, 2011), le bilan du cinquantenaire de la lutte contre cette pathologie menée par l’État du Cameroun post-indépendant reste mitigé et contrastant. Les estimations et tendances épidémiologiques sont révélatrices d’une même réalité : le paludisme est de plus en plus incisif. Il constitue un véritable fardeau national, sur les plans économique, social et environnemental. Il est une contrainte pertinente à l’accession rationnelle et équitable de toutes les couches de la population, tant urbaine que rurale, à un niveau de santé acceptable et de mieux être. Le paludisme urbain reste et demeure le plus complexe et le plus dommageable conformément à la prédiction de Baudon, Louis et Martet (1996) selon laquelle, en Afrique, le paludisme urbain est le paludisme de demain. Dans ce contexte de vulnérabilité palustre, la tourmente, l’embarras et le désarroi des pouvoirs publics sont légitimes.
LES CONTRAINTES À LA LUTTE CONTRE LE PALUDISME URBAIN
LES VILLES CAMEROUNAISES : DES TERRITOIRES D’INCUBATION D’UN RISQUE ANOPHÉLIEN À FORTE VARIABILITÉ SPATIO-SAISONNIÈRE MAIS À TRANSMISSION ANNUELLE DE LA MALADIE
La crise du paludisme urbain au Cameroun dépend de plusieurs facteurs parmi lesquels la mutation des villes en de véritables territoires d’incubation du risque palustre. En principe, le territoire désigne la combinaison des espaces naturel, social ou pratiqué, vécu et représenté (Di Meo 1991, 1998). Cette perception trilogique est à la base de la fécondité de toute analyse des dynamiques territoriales et de leurs effets induits. L’endémicité du paludisme urbain est un produit des dynamiques territoriales dont les mécanismes de fonctionnement et les répercussions restent jusqu’ici non maîtrisées. L’action de l’homme transforme l’espace naturel, social, pratiqué, vécu et représenté de la ville en de véritables territoires du risque palustre. Car, si le milieu naturel prédispose la société à un certain état de santé acceptable, le milieu anthropisé modifie continuellement cette prédisposition par un certain type d’agencements et de mises en valeur de l’espace devenu fonctionnel. Le territoire urbain qui se veut hétérogène et complexe devient un enjeu de la santé humaine. La compréhension de la causalité endémique du paludisme urbain passe par l’analyse de l’imbrication de chaque composante du territoire.
L’ESPACE NATUREL DANS LA CONSTRUCTION DU TERRITOIRE D’INCUBATION DU RISQUE ANOPHELIEN
Le territoire urbain camerounais, en tant qu’espace naturel à risque, est le support d’un cadre endémiogénèse fécond mais complexe. Cette complexité est liée à trois déterminants : la variabilité géographique des faciès d’éco-pathogénèse entre les villes, la variabilité géographique des niveaux d’exposition au risque de transmission à l’intérieur d’une même ville et la non-maîtrise des caractéristiques du système anophélien hybridé des villes.
La variabilité géographique des faciès d’éco-pathogénèse entre les villes
Le climat tropical est le principal déterminant de la présence des vecteurs du paludisme et de leur variation géographique au Cameroun. Samé Ekobo, (2005), fait état de trois grands faciès d’éco-pathogénèse ou de transmission palustre correspondant aux trois principales zones climatiques du pays. Le premier est à transmission périodique. Il concerne la région de l’extrême Nord qui connait une transmission trimestrielle pendant l’année. Cette transmission a lieu pendant les trois mois de pluies qu’offre le microclimat tropical sahélien ambiant dans cette localité. Pendant cette période favorable à la reproduction des vecteurs, de fortes répercussions épidémiologiques et socioéconomiques sont enregistrées. Comme il a été signalé plus haut, ces répercussions sont évaluées à partir des données fiables obtenues essentiellement dans les établissements de santé urbains outillés en équipements de diagnostics fiables. Ces répercussions, bien qu’urbaines, sont d’ailleurs plus significatives par rapport à celles enregistrées dans toutes les autres régions. L’extrême nord est la région la plus vulnérable du pays avec 40 % de décès liés au paludisme[19].
Le second faciès est également à transmission périodique mais semestrielle. Il correspond aux régions du Nord et de l’Adamaoua où le microclimat tropical soudanien ambiant offre six mois de pluies. Cette saison pluvieuse correspond également à la périodicité de la reproduction des anophèles et de la transmission du paludisme. Les répercussions épidémiologiques et socioéconomiques évaluées à partir des données urbaines disponibles, en exclusivité, restent aussi très élevées ici malgré la saisonnalité de la transmission selon la variable climatique. Le dernier faciès est à transmission annuelle et correspond au grand Sud Cameroun composé de sept régions : le Sud, le Centre, l’Est, l’Ouest, le Nord-Ouest, le Sud-Ouest et le Littoral. Ici, le climat est humide et de type équatorial. Les infections urbaines sont enregistrées pendant toute l’année malgré les multiples nuances microclimatiques (climats équatorial guinéen, équatorial camerounien, etc.).
D’une manière générale, le faciès éco-pathogénèse prédispose à une double variation zonale et saisonnière de l’exposition et de la vulnérabilité urbaine au risque palustre à l’intérieur du territoire national. Si les fluctuations des répercussions du paludisme rural sont corrélables à cette double variabilité des faciès pathogénèses, les répercussions du paludisme urbain, par contre, sont enregistrées pendant toute l’année. Cette réalité rend compte de la reproduction des vecteurs pendant toute l’année. Et, les répercussions restent globalement fortes et toujours croissantes dans toutes les zones climatiques (Samé Ekobo, Fondjo, Eouzan, 2001 ; Samé Ekobo, 1997). En définitive, le faciès d’éco-pathogénèse offre une grille de lecture standard et figée de l’endémio-épidémicité du paludisme urbain au Cameroun. Cependant, il n’explique pas vraiment l’enregistrement des cas cliniques pendant toute l’année dans toutes les villes. C’est le des villes des régions à transmission naturellement saisonnière à l’exemple des régions de l’extrême nord, du Nord et de l’Adamaoua.
La variabilité géographique des niveaux d’exposition au risque de transmission à l’intérieur d’une même ville
Les villes camerounaises présentent une forte hétérogénéité concernant les caractéristiques du milieu naturel. Cette hétérogénéité est le support d’une diversité d’assises écologiques qui n’offrent pas toujours les mêmes conditions pour le développement des vecteurs. Deux profils d’assises écologiques peuvent être identifiés : les assises écologiques favorables et les assises écologiques défavorables. Certains sites comme les cours d’eau, lits de cours d’eau, les bas-fonds marécageux, les friches urbaines, les espaces de stagnations des eaux, les espaces non entretenues, etc., sont autant d’écosystèmes ou d’assises écologiques favorables au développement des vecteurs. Il s’agit des espaces à haut risque de transmission du paludisme où les niveaux d’exposition palustre sont par conséquent plus élevés. En revanche, les assises écologiques défavorables au développement des vecteurs sont par exemple les sites non inondables, les sites de non stagnation des eaux, les espaces bâtis et entretenus, etc. Le risque de transmission palustre est faible ici dans la mesure où les vecteurs ne trouvent toujours pas les conditions écologiques utiles et nécessaires pour leur reproduction et leur développement.
Cependant, la variabilité géographique des niveaux d’exposition au risque de transmission n’implique pas forcément une variabilité spatiale de la vulnérabilité au paludisme urbain. Les fluctuations des infections palustres proprement dites sont négligeables entre les sites d’assises écologiques favorables et défavorables (Meva’a Abomo, 2015a). Cette réalité est imputable à plusieurs facteurs à l’exemple de la mobilité urbaine des vecteurs. En principe, les anophèles parcourent des kilomètres pendant leur vie, et donc, peuvent aller d’un quartier à un autre, d’un coin de la ville à un autre. Un sujet habitant un quartier d’assise écologique défavorable peut ainsi être infecté à domicile suite à cette mobilité des vecteurs.
La non-maîtrise des caractéristiques du système anophélien hybridé des villes
La complexité du faciès éco-pathogénèse du paludisme urbain est surtout liée à la non maîtrise des caractéristiques physiologiques du système anophélien hybridé des villes. Il s’agit des spécificités en matière de structure du système pathogène, de typologie de vecteurs, de système de reproduction des vecteurs, de mécanisme d’adaptation et de réadaptation continuelle des vecteurs aux contingences urbaines, etc. En principe, le faciès écologique des espaces urbanisés est dominé par la pollution des milieux aquatiques. Cette pollution des eaux de surface en milieu urbain est favorable à la multiplication des gîtes larvaires des culex et défavorable à la formation des gîtes larvaires des aèdes comme les anophèles. La pollution urbaine refreine donc la reproduction des anophèles femelles qualifiés de moustiques salubres (Same Ekobo, Cheumaga, 1989). Il devrait logiquement en résulter une très faible proportion d’anophèles, malgré les conditions climatiques tropicales qui en sont naturellement favorables. Les faibles taux d’anophèles des villes comme Yaoundé (10,3 %) et Douala (9,2 %) (Samé Ekobo, 2005) certifieraient cette hypothèse. Ces taux devraient, dans la même logique, conduire à une faible prévalence et à de faibles répercussions du paludisme urbain. Paradoxalement, la prévalence parasitaire du paludisme urbain est de 37,1 % (Wounang et Ketchoum Ngahane, 2011). Si ces statistiques souffrent d’un problème de cohérence[20] et ne peuvent expliquer les fortes répercussions épidémiologiques et socioéconomiques, elles ont, tout au moins, le mérite de mettre en évidence une certaine inadéquation entre le faible taux d’anophèles et la forte prévalence. Cette inadéquation est davantage renforcée par le fait que tous les anophèles ne transmettent pas la maladie[21]. Les taux d’anophèles transmettant réellement la maladie à Yaoundé et Douala sont par conséquent plus faibles que ceux déterminés par Albert Samé Ekobo. Ainsi, les répercussions témoignent en définitive d’une forte concentration de vecteur dans les villes. En somme, plusieurs ambiguïtés et incongruités caractérisent la maîtrise des processus d’épidémiogénèse du paludisme urbain au Cameroun en faveur des répercussions toujours croissantes.
L’ESPACE SOCIAL OU PRATIQUE DANS LA CONSTRUCTION DU TERRITOIRE D’INCUBATION DU RISQUE ANOPHELIEN ET LA TRANSMISSION ANNUELLE DE LA MALADIE DANS LES VILLES
Le territoire urbain en tant qu’espace social ou pratiqué offre un pertinent cadre de socio-pathogénèse du paludisme. Les villes camerounaises se caractérisent par un habitat à dominance anarchique et insalubre marqué par l’occupation des bas-fonds marécageux, les zones inondables ou non constructibles[22]. Ce contexte d’appropriation et de mise en valeur de l’espace est ponctué par la survivance en ville des comportements, des modes de vie et pratiques ruraux. En guise d’illustration, l’abandon des récipients de recueillement de l’eau de pluies dans les cours pendant des jours et parfois des semaines, est une pratique qui les transforme en de précieux gîtes à anophèles. La gestion anarchique des eaux usées domestiques dans les ménages qui ne disposent pas de système d’assainissement individuel est génératrice des marres d’eau favorables à la reproduction des vecteurs. Les réseaux hydrographiques non entretenus des villes sont transformés en gigantesques réservoirs d’anophèles (photo 1). La promiscuité et le faible entretien de l’espace habité transforment les recoins des meubles et des maisons, les contrebas des lits à coucher, les pots de fleurs, les interstices et espaces d’entre-deux maisons, etc., en de véritables lieux d’épanouissement des vecteurs. La nature pédologique des sols favorise également la stagnation des eaux résiduelles et la formation des flaques d’eaux (photo 2, 3 et 4).
Clichés : Enquête de terrain, Meva’a Abomo Dominique, Douala, mai 2015
Photos 1 à 4 : Illustration de la stagnation des eaux favorable au développement des gîtes à anophèle dans la ville de Douala
Celles-ci sont favorables au développement des gîtes à anophèles (Meva’a Abomo, 2011). Le relief offre des assises à platitude favorable à la stagnation des eaux et la végétation crée des conditions de promiscuité favorables à l’épanouissement des anophèles. L’absence d’un système de lutte anti-vectorielle en terme de destruction systématique des gîtes larvaires, au lieu d’une simple protection mitigée contre leur nuisance (politique de la prévention à la moustiquaire) (Meva’a Abomo, 2015b), renforce le statut de territoires d’incubation du risque anophélien des villes. Un phénomène de socialisation et de domestication de l’exposition et du risque palustre s’affirme au quotidien.
Ainsi, l’homme, de par ses pratiques urbaines, crée des conditions favorables au développement du système anophèle, et ce, indépendamment de la saison climatique ambiante et de la zone géographique de localisation de la ville. Les pratiques à risque ci-dessus évoquées de manière non exhaustive expliquent également la présence des vecteurs dans des sites urbains à assise écologique défavorable au développement des anophèles. Tout comme la mobilité des vecteurs, la mobilité des personnes et des biens est un autre aléa non négligeable de la présence des vecteurs même dans les sites urbains considérés comme n’étant pas de potentiels assises écologiques favorables au développement des anophèles. Les personnes non infectées peuvent, au cours de leurs déplacements vers d’autres sites urbains, y être contaminées. De même, les vecteurs peuvent s’incruster dans les marchandises, les objets, les véhicules, etc., et être cheminés par l’homme d’un site urbain à un autre où ceux-ci vont transmettre la maladie. Au faciès d’éco-pathogénèse se superpose un puissant faciès socio-pathogénèse qui explique la permanence de la reproduction des vecteurs et la transmission annuelle du paludisme urbain dans toutes les villes du pays y compris celles des régions de l’extrême nord, du Nord et de l’Adamaoua à climat tropical sahélien et soudanien, pourtant supposées à transmission saisonnière.
L’espace social ou pratiqué rend ainsi compte de la complexité des processus d’épidémisation ou des mécanismes de propagation du paludisme urbain par transmission ou par contamination. Il justifie la permanence de plusieurs autres maladies à potentiel épidémiologique à l’exemple des maladies hydriques (la typhoïde, la dysenterie amibienne, le choléra, la salmonellose, la shigellose, etc.). Il participe à la création des conditions favorables au phénomène d’apparition, de disparition et de réapparition des maladies pourtant considérées comme éradiquées dans les villes. Salem, Cadot et Fournet (2000) signalent que la dingue observée dans les caraïbes et en Asie du Sud-est, est en réémergence dans les villes africaines et son vecteur a largement envahi les villes du sud Cameroun. Salem et Fournet (2001) concluent qu’en Afrique, il faut faire de la ville une priorité sanitaire.
CONTRIBUTION DE LA COMPOSANTE « ESPACE VECU ET REPRESENTE » DANS LA CONSTRUCTION DU TERRITOIRE D’INCUBATION DU RISQUE ANOPHELIEN
La causalité endémique de l’espace social ou pratiqué a pour support une matrice de perceptions, de représentations et de considérations. Cette matrice relève de la composante espace vécu, perçu et représenté du territoire urbain. Ces signatures anthropologiques ne sont autres que le produit de la combinaison des marques identitaires individuelles et collectives en perpétuelle recomposition et restructuration dans les villes camerounaises. L’accoutumance, la domestication et la socialisation du risque palustre sont les principaux vecteurs de la banalisation de la lutte contre cette endémie. La moustiquaire, par exemple, est victime d’une stigmatisation limitant substantiellement son usage et son efficacité en matière de prévention (Meva’a Abomo, 2015b ; 2011). Elle est considérée comme une source de chaleur et de promiscuité dans les chambres à coucher. Elle dégrade l’esthétique de la chambre, surtout quand elle prend de l’âge. Elle ne dispose pas toujours d’un dispositif de montage adapté, les produits d’imprégnation sont considérés dangereux pour certains, etc. Ces préjugés auxquels s’ajoute la pauvreté entretiennent l’attachement au registre socioculturel et aux pratiques socio-sanitaires à risque. De nouvelles identités socio-sanitaires urbaines émergent en toute hybridité, en impactant les dispositifs de lutte territorialement déconnectés.
En clair, l’inefficacité de la prévention contre cette endémie, la faible intégration ménagère de la prévention à la moustiquaire, l’automédication, etc., sont autant de déterminants intrinsèquement liées aux perceptions et aux représentations que les populations urbaines se font du paludisme urbain. Les perceptions, les représentations, les considérations et les pratiques urbaines sont ainsi des déterminants majeurs du faciès de socio-pathogénèse. Au total, les villes camerounaises sont des incubateurs du risque endémo-épidémiologique en général et du risque palustre en particulier. Cet état de fait est l’aboutissement de la nature de la relation entre le territoire urbain et le risque palustre. Cette relation est perceptible suivant les trois composantes du territoire à savoir : l’espace naturel, l’espace social ou pratiqué et l’espace vécu ou représenté. La dynamique urbain de ces composantes est modélisée et entretenue par l’homme. De cette dynamique ont émergé un faciès d’éco-pathogénèse et un faciès socio-pathogénèse, qui malheureusement, restent non maîtrisés.
LES DYSFONCTIONNEMENTS DU SYSTÈME URBAIN DE SANTÉ PUBLIQUE : UN ENJEU MAJEUR À LA LUTTE CONTRE LE PALUDISME URBAIN
Les multiples investissements et initiatives indéniables des pouvoirs publics évoqués dans la première partie de cette étude se heurtent aux dysfonctionnements du système urbain de santé publique. Si une pertinente organisation et planification de la lutte est observée au niveau des instances politico-institutionnels, sa mise en œuvre au quotidien offre un cliché très nuancé et contrastant au niveau des instances opérationnelles. Quatre instances opérationnelles de ce système sont analysées dans cette partie afin de monter sa contribution dans la crise de la lutte contre le paludisme urbain au Cameroun. Il s’agit de l’offre de soins, de la santé communautaire, la surveillance épidémiologique et de la recherche opérationnelle.
LA PRISE EN CHARGE DU PALUDISME URBAIN À L’EPREUVE DES DYSFONCTIONNEMENTS DU SYSTÈME D’OFFRE DE SOINS
Le déficit des soins médico-cliniques
Le système d’offre de soins fonctionne en surcharge dans les villes camerounaises (Moukam Ngueudeu, 2016). Cette réalité rend compte de l’insuffisance de l’offre par rapport à la demande. Elle altère également la qualité des soins. En principe, les villes connaissent une insuffisance quantitative et qualitative des infrastructures et équipements hospitaliers, du personnel médico-sanitaire et des intrants (Nsommo, 2016). Cette insuffisance est ponctuée par des disparités dans leur distribution géographique au sein des espaces urbains. L’inégale répartition spatiale de l’offre de soins configure et reconfigure l’inégale accessibilité géographique aux structures de soins. Cette inégalité se veut structurelle au regard des processus de création et de développement anarchique des villes camerounaises. Les quartiers populaires centraux et périphériques souffrent d’une faible couverture sanitaire. Les aires de santé de plus de 50 000 habitants sont dans les deux villes-régions de Yaoundé et de Douala. Cette densité est en non-conformité avec les prescriptions de l’Organisation Mondiale de la Santé reprécisées dans le décret n° 95/040 du 7 mars 1995 portant organisation du Ministère de la Santé Publique du Cameroun. Ce degré appliqué au Cameroun précise qu’une aire de santé doit avoir au maximum 2000 habitants en campagne et 12 000 habitants en milieu urbain.
La prise en charge clinique du paludisme maladif est victime de ces manquements et dysfonctionnements du système urbain d’offre de soins médicaux. L’absence, l’insuffisance ou la vétusté des équipements de diagnostic dans plusieurs structures conventionnelles est à l’origine de la forte prévalence du diagnostic de présomption. L’insuffisance aigue de cliniciens spécialistes de la prise en charge du paludisme renforce la prédominance d’une prise en charge approximative de cette maladie plurielle. Cette pluralité de paludismes est liée à la multitude de types de vecteurs et de plasmodiums responsables d’autant de variantes de la maladie au Cameroun. En se référant au profil entomologique du Cameroun, (2010), le rapport final de l’enquête post campagne sur l’utilisation des moustiquaires imprégnées d’insecticide a longue durée d’action souligne à cet effet que le « Plasmodium falciparum est l’espèce plasmodiale la plus fréquente (99%), suivie de Plasmodium malariae et de Plasmodium ovale. Quarante-huit espèces d’Anophèles sont présentes au Cameroun dont 13 sont vecteurs du paludisme. Les cinq vecteurs majeurs sont Anopheles gambiaes, An. arabiensis, An. funestus, An. nili et An. Moucheti » (INS, 2013 : 16).
Les examens ordinaires à savoir la goûte épaisse[23] et le frottis sanguin[24] sont réalisés sans toujours mettre en évidence le type de plasmodium, et donc, le type de paludisme dont souffre le patient. Cette pratique est courante même dans les hôpitaux de référence. La probabilité d’une prescription d’antipaludiques adaptés au traitement d’un type de paludisme différent de celui dont souffre le patient est certaine. Elle est davantage plus certaine dans le cadre du diagnostic de présomption pratiqué même dans les hôpitaux nantis d’équipements de diagnostic efficace. La surcharge des cliniciens les amène à être expéditifs d’autant plus que les faibles salaires se sont révélées très démotivant (Nsommo, 2016 ; Bekolo Engoudou, 2008 ; Monteillet, 2005 ; Wamba, 2005). Ce contexte de prédominance d’une prise en charge par tâtonnement même auprès des structures et personnels qualifiés, s’accompagne d’erreurs médicales impunies. Ces erreurs peuvent conduire à la chimio-intoxication en cas de prise d’antipaludiques sans pour autant faire la maladie. D’énormes dépenses sont enclenchées chez les patients en toute subjectivité. Le statut de facteur de paupérisation des ménages urbains attribué au paludisme se trouve ainsi renforcé. Au final, ce contexte prédominé par une prise en charge par tâtonnement est en faveur de répercussions épidémiologiques et socioéconomiques toujours croissantes.
Des mesures sociales en termes de gratuité de la prise en charge du paludisme chez la femme enceinte et de l’enfant de 0 à 5 ans participent énormément au renforcement de la lutte contre cette pathologie. Si le traitement des cas de paludisme simple bénéficie de cette gratuité, la prise en charge des cas d’accès palustre qui est onéreuse, reste à la charge du patient. Déjà, la gratuité du traitement des cas de paludisme simple de l’enfant et des femmes enceintes n’est pas appliquée dans tous les hôpitaux. Les patients souhaitant bénéficier de cette gratuité doivent tout d’abord intégrer le protocole conventionnel de prise en charge dans un quelconque hôpital mettant cette politique antipaludique en œuvre. Les pénuries d’antipaludiques, le trafic des stocks disponibles, etc. (Meva’a Abomo, 2011) sont autant de pratiques qui minent cette initiative des pouvoirs publics. Cette réalité est justiciable de la très faible proportion de bénéficiaires des mesures de gratification par rapport à la très forte demande urbaine.
Les cinq paradigmes de la crise du médicament en général et des antipaludiques en particulier
La politique du médicament prédispose théoriquement à une meilleure accessibilité financière aux antipaludiques au Cameroun. Cette prédisposition est nuancée dans la pratique par la persistance des cinq aspects ou paradigmes de la crise du médicament en général et des antipaludiques en particulier. Il s’agit de la double crise de disponibilité et de la triple crise d’accessibilité. La crise de la disponibilité se pose premièrement en termes d’insuffisance quantitative des antipaludiques génériques qui sont plus accessibles. La régularité de pénuries de stocks dans les pharmacies communautaires rend compte de ce problème de disponibilité des antipaludiques. Si les grandes villes sont le mieux approvisionnées, il n’en est toujours pas le cas pour les pôles secondaires et les petites villes très reculées. L’approvisionnement de ses villes d’arrière-pays se heurte à l’enclavement. Dans les grandes villes comme Yaoundé et Douala, Maroua, etc., des inégalités de distribution géographique des quantités disponibles sont également enregistrées. Les grands centres hospitaliers sont privilégiés au détriment des centres de santé intégrés et des centres médicalisés d’arrondissements. Pourtant, ces centres de santé devaient être mieux fournis vue leur proximité avec les couches de la population les plus démunies. A cette crise de disponibilité quantitative se superpose une crise de disponibilité qualitative des antipaludiques. Les médicaments de tous les types de paludisme ne sont pas toujours disponibles. Les produits pharmaceutiques les plus rencontrés sont relatifs au traitement du paludisme falciparum. Au total, les crises de disponibilité quantitative et qualitative des antipaludiques rendent compte de la contribution du système d’offre de soins en général, à la vulnérabilité au paludisme urbain.
Lorsque les antipaludiques sont disponibles, il se pose une triple crise d’accessibilité tarifaire, géographique et culturelle. La crise d’accessibilité tarifaire est marquée par l’inadéquation entre les prix des antipaludiques, même génériques, et le très faible pouvoir d’achat des populations. L’accessibilité géographique en termes de distances à parcourir pour accéder à une pharmacie devient un problème face aux dépenses supplémentaires liées au transport dans les villes. Elle est un véritable problème dans les pôles secondaires où il y a parfois une seule officine publique, pire encore, où il n’y en a même pas. Ici, les pharmacies communautaires faiblement approvisionnées et à fonctionnement irrégulier, ont du mal à répondre à la demande urbaine et de l’arrière-pays. Le problème d’accessibilité géographie prend tout son sens avec le coût du transport pour accéder à une pharmacie publique ou communautaire. Elle a donc des répercussions sur la charge financière globale du médicament. L’accessibilité culturelle aux antipaludiques se heurte à l’attachement au registre socioculturel. Ce registre offre un traitement traditionnel à moindre coût. Cet attachement est renforcé par la pauvreté, support de la crise d’accessibilité tarifaire. Il est également renforcé par la crise d’accessibilité géographique. Le recourt au traitement traditionnel semble donc dispenser les populations des distances à parcourir et des coûts dudit déplacement. Ce recourt est renforcé par la relative efficacité du traitement par tâtonnement sus évoqué, même après des examens médicaux qui ne renseignent pas toujours sur les spécificités plasmodiales. Ces examens ne prédisposent pas toujours à une prescription médicale effectivement adaptée au type de paludisme dont souffre le patient. En définitive, la triple crise d’accessibilité tarifaire, géographique et culturelle aux antipaludiques est un déterminant majeur de la relativité de la prise en charge du paludisme maladif dans les villes camerounaises.
Les systèmes informels de soins médico-cliniques et d’approvisionnement en antipaludiques : des réponses sociales à risque
La crise du système urbain d’offre conventionnelle de soins a eu pour principale réponse sociale, l’émergence d’un puissant système informel d’offre de soins depuis les années 1990. Ce système parallèle a trois principales composantes : l’offre des soins médicaux modernes, l’offre des soins traditionnels évoqués plus haut, et l’offre des soins prophétiques. Un impressionnant réseau d’officines de soins informels appartenant à ces trois composantes parsème toutes les villes du pays. La sollicitation des prestataires clandestins est croissante face à une demande en soins de santé sans cesse grandissante parallèlement à la croissance spatio-démographique des villes. Conscients des multiples manquements et des disparités de la couverture urbaine en matière de santé publique, les pouvoirs publics ont adoptés une politique de tolérance de l’incivisme public dans le domaine de la santé publique depuis les années 1990. Les centres de soins médicaux informels sont ouverts par les infirmiers et médecins dans leurs domiciles. Ce réseau parallèle se densifie davantage avec les prestataires de soins non qualifiés comme les vendeurs de médicaments de la rue. Ces imposteurs administrent des soins médicaux à risque en plein marché, derrière des comptoirs ou des boutiques des commerçants (Djouda Feudjio, 2015 ; Noudem, 2011). Les herboristes et tradi-praticiens assurent les soins traditionnels. Les prêtres, pasteurs et exorcistes solitaires pratiquent ce qui peut être considéré comme la médecine prophétique ou la guérison par le moyen de la prière (Piault, 1975 ; Hebga, 1982 ; Fancello, 2008).
Le système informel d’offre de soins intervient dans la prise en charge du paludisme urbain. Les structures informelles font d’ailleurs l’objet d’une forte popularité en dépits des dangers encourus. Cette préférence des patients est liée aux distances à parcourir pour avoir accès à des soins de qualité et aux tracasseries hospitalières. Ces tracasseries renvoient, par exemple, aux longs rangs d’attente d’une consultation, d’un examen médical ou des résultats dudit examen, aux détournements des médicaments des patients, aux arnaques financières, à la corruption, à la négligence des patients, aux harcèlements des patients, etc. en milieu hospitalier (Nsommo, 2016 ; Moukam Ngueudeu, 2016, Meva’a Abomo, 2015c). À cela s’ajoute le coût élevé des soins qui n’est pas toujours à la portée de la majorité de citadins à faible revenus. Le recours aux établissements hospitaliers conventionnels intervient lors des complications ou des crises d’accès palustre.
La sollicitation des structures informelles bénéficient de la politique de prise en charge ménagère du paludisme promue par les pouvoirs publics. Il s’agit en d’autres termes de la promotion de l’automédication qui s’accompagne d’un risque d’enlisement et de basculement vers les structures informelles les plus proches en cas de nécessité. La proximité desdites structure, le tissu socio-relationnel qui se construit entre les prestataires informels et les populations renforcent la loyauté et la fidélité des patients envers les prestataires de soins clandestins. L’affichage du diplôme d’infirmier ou de médecin, l’usage des dialectes, les prestations à crédit et au rabais, les interventions à domicile en cas de nécessité, etc. sont autant de stratégies de fidélisation et d’enrôlement des populations qui se reconstruisent et se renforcent perpétuellement.
Ces prestataires disposent de pharmacies informelles où des antipaludiques échappant au contrôle pharmaceutiques sont discrètement commercialisés. Des antipaludiques proscrits par la législation en vigueur sont prescrits aux patients. Il s’agit par exemple de la chloroquine, la sulfadoxine – pirimétamine, l’amodiaquine, le Fansidar… (Mbacham et al. 2005), qui connaissent des résistances des cellules souches. Une offre informelle de médicament s’est parallèlement érigée. Les vendeurs de médicaments prescrivent des ordonnances médicales et administrent des soins sans aucune qualification. Les diagnostics de présomption sont marqués par une confusion entre le paludisme et la fièvre (Gruénais, Vernezza-Licht, 2003). Pourtant, la fièvre est une élévation de la température traduisant la réaction de l’organisme face à une menace étrangère, elle peut également être symptomatique à une infinité de maladie. Autant le paludisme est la première cause de consultation et d’hospitalisation conventionnelle, autant il est la maladie qui alimente le plus les officines informelles en patients. En définitive, la contribution des structures informelles en matière d’offre de soins est reconnue par les pouvoirs publics qui intègrent certains prestataires informels, mais qualifiés, dans les multiples campagnes de santé (vaccination, sensibilisation, etc.). Cette contribution est remise en question dans le cadre de la lutte contre le paludisme urbain d’autant plus que la prise en charge informelle se fonde exclusivement sur le diagnostic de présomption. Les antipaludiques vendus dans cet itinéraire thérapeutique sont à risque.
LA PREVENTION CONTRE LE PALUDISME A L’EPREUVE D’UN SYSTEME DE SANTE COMMUNAUTAIRE EN CRISE
La question du paludisme est une priorité du système de santé communautaire qui s’occupe de la prévention (Bonnal et al., 2015). Cette prévention est menée suivant deux approches. La première est prophylactique. Elle concerne les femmes enceintes. Elle est gratuite comme il a été dit plus haut. Cette mesure sociale est malheureusement caractérisée par de multiples discriminations, incongruités et insuffisances qui ont également été établis plus haut. La seconde approche s’articule sur la prévention environnementale. Elle est donc relative à la lutte anti-vectorielle et repose sur la politique de couverture universelle à la moustiquaire. À ce titre, il a été établi dans la première partie de cette étude que plus de 60 millions de Moustiquaires Imprégnées de Longue Durée d’Action (MILDA) ont été distribuées de 2002 à 2015. Le rapport final de l’enquête post-campagne de 2013 sur l’utilisation des moustiquaires MILDA révèle que 65,6 % de ménages urbains possèdent au moins une moustiquaire, indépendamment de sa nature. Les villes de Yaoundé et Douala ont des taux de prévalence ménagères des moustiquaires de 62,7 % et 60,9 % respectivement (INS, 2013). La contribution de cette politique de prévention dans la réduction de la transmission du paludisme est incontestable. Son efficacité, par contre, reste très relative.
Cette relativité est liée à plusieurs facteurs. Il s’agit par exemple du phénomène de résistances des vecteurs aux insecticides et produits d’imprégnation des moustiquaires mis en évidence au Cameroun par Nkondjio et al. (2015), Nwane et al. (2013), Ndjemaï et al., (2009), Etang et al. (2007). En outre, la disponibilité d’une moustiquaire n’implique pas forcément son usage comme cela a été doublement constaté dans les villes de Kribi et de Douala par Meva’a Abomo (2015b, 2011). La non couverture de toutes les places couchantes dans le même ménage, le manque d’assiduité quotidienne dans le dressage de l’outil, le dressage à des heures tardives, l’abandon périodique de l’outil pendant la saison sèche, etc. sont autant de réalités empiriques à l’origine de l’inefficacité des moustiquaires, et ce, malgré leur présence dans les ménages. L’efficacité de l’exploitation des moustiquaires nécessitent donc des savoirs, des savoirs-faires, et des savoirs-être en termes de comportements et attitudes responsables qui malheureusement sont peu partagés et valorisés dans les ménages urbains. La couverture universelle par la moustiquaire qualifiée de politique de mise à l’échelle par Apouey et al. (2016) a un effet faible voir négligeable, conformément au constat des auteurs ci-dessus en rapport avec l’anémie chez les enfants. Au total, ces incongruités sont en faveurs des répercussions épidémiologiques et socioéconomiques toujours croissantes de la maladie.
Globalement, l’efficacité de la stratégie de prévention à la moustiquaire reste mitigée. Les populations recourent aussi aux ventilateurs, aux insecticides à aspersion intra-domicile, mais vainement. Car, la stratégie de prévention environnementale n’intègre pas la nécessité, voire même l’indispensabilité de la destruction systématique des gîtes larvaires des vecteurs. Les collectivités territoriales décentralisées en charge de ce volet de la gestion de l’environnement ne disposent pas de moyens conséquents. La sollicitation des prestataires privés ou la privatisation de ce secteur d’activité par lesdites collectivités est une autre forme de démission municipale. Elle est comptable de la permanence du risque vectoriel dans les villes, au regard de la piètre performance desdits prestataires. La création des comités de lutte contre le paludisme dans les quartiers n’a pas pu enclencher une réelle dynamique de participation populaire. Leur existence n’est donc que théorique. La crise d’hygiène de l’habitat entretient un renouvèlement ininterrompu des populations d’anophèles dans un contexte de non maîtrise des mécanismes d’endémiogenèse propres aux espaces urbains. Cette crise d’hygiène et salubrité est signalétique de l’inertie qui caractérise la santé communautaire en milieu urbain.
L’INEXISTENCE D’UN SYSTEME URBAIN DE SURVEILLANCE EPIDEMIOLOGIQUE
La crise de surveillance épidémiologique du paludisme urbain est un autre indicateur de la contribution du système urbain de santé publique dans l’endémicité de cette pathologie. Déjà, aucune ville camerounaise ne dispose d’un système urbain de veille et de surveillance du paludisme institutionnalisé. Il n’existe donc pas d’unité urbaine d’alerte-réponse, de suivi des caractéristiques épidémiologiques et des résistances, constitutive d’un système de surveillance épidémiologique. Quelques caractéristiques du faciès épidémiologique sont déterminées avec de profondes disparités par le système régional de surveillance épidémiologique auprès des districts de santé en zone urbaine. Meva’a Abomo (2012) signale que, dans les districts de santé constitutifs de l’espace urbain de Douala, 78 % des formations sanitaires ne participent pas à la collecte des statistiques épidémiologiques sur le paludisme. Dans les formations participant au système d’alerte, les cas confirmés par un examen médical conforme, consignés dans les registres de laboratoires et transmis à l’unité régionale de lutte contre le paludisme du littoral représentent environ 38 %. Il en résulte une perte de 62 % de cas conventionnellement dépistés mais non déclarés dans les 22 % de formations sanitaires de la ville constituant le système d’alerte. Les données épidémiologiques transmises présentent des disparités majeures.
Elles ne s’articulent que sur 7 % des 56 paramètres de surveillances à notifier par cas. Une perte qualitative de 93 % de données par cas pourtant diagnostiqué est observée. La sensibilité de la surveillance s’est révélée inférieure à 15 %. D’une manière générale, la surveillance épidémiologique du paludisme, est soumise à l’épreuve des dysfonctionnements du système urbain de santé publique.
Une relation de cause à effet émerge entre le système urbain de santé publique et l’endémicité du paludisme dans les villes camerounaises. Des indicateurs tels que les disparités spatio-sanitaires, les problèmes d’accessibilité géographique, tarifaire et culturelle aux soins et aux médicaments antipaludiques, la crise de qualité de prise en charge clinique, l’inefficacité de la santé communautaire et de la surveillance épidémiologique, etc., rendent compte d’un profond problème de territorialisation de la géopolitique urbaine de santé publique en général. Ils dénoncent également l’urgente nécessité de concevoir et de simuler une géostratégie urbaine de lutte contre le paludisme en particulier. En définitive, les dysfonctionnements du système de surveillance épidémiologique du paludisme contribuent aux fortes répercussions épidémiologiques, sociales et économiques du paludisme urbain au Cameroun.
LES DÉFAILLANCES DE LA RECHERCHE OPÉRATIONNELLE
La recherche opérationnelle est déterminante dans la définition des orientations majeures de la lutte contre le paludisme. Elle doit intervenir à toutes les phases de la lutte. Malheureusement, elle est beaucoup plus promue en rapport avec les faciès entomologique des vecteurs, les molécules thérapeutiques, les résistances plasmodiales. Le profil de vecteurs et d’agents pathogènes (plasmodiums) responsables de divers types de paludismes au Cameroun est déjà établi et a été évoqué plus haut. Ces recherches ne sont pas initiées par le système de santé, mais par les partenaires d’appui comme l’OCEAC. Elles sont ponctuelles et s’articulent rarement avec les spécificités des espaces urbains. C’est le cas avec l’étude des résistances des populations d’anophèles gambiaes aux insecticides de Yaoundé et Douala menée par Nkondjio et al. (2015). Autrement dit, le faciès éco-pathogénèse urbain fait très peu l’objet de recherches paludologiques de manière spécifique. Ces études ne sont malheureusement pas impulsées par le système urbain de santé. Le faciès socio-pathogénèse, les mécanismes sociétaux de transmission et de contamination, les enjeux du système informel de prise en charge et de l’offre informel des antipaludiques, les barrières socioculturelles à la lutte, etc. sont autant d’aspects qui restent non maîtrisés scientifiquement. Tout comme le système urbain de surveillance épidémiologique, la recherche opérationnelle sur le paludisme urbain reste à promouvoir.
REPENSER LA LUTTE CONTRE LE PALUDISME URBAIN ENTRE RECHERCHE SCIENTIFIQUE, PRÉVENTION ET PRISE EN CHARGE DES PATIENTS
L’analyse générale qui précède amène à repenser la géostratégie urbaine de lutte contre cette pathologie autour de trois principaux paradigmes : la recherche scientifique, la prévention et la prise en charge des malades.
LE PARADIGME DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (PRS)
La recherche scientifique a pour objet de construire et de renouveler perpétuellement un corps de connaissances scientifiques sur le paludisme urbain ; de concevoir et de simuler des stratégies urbaines de lutte à vocation participative. Car, le politique, le scientifique et le citadin doivent s’accorder en collégialité dans une approche consensuelle de lutte pour parvenir à l’éradication définitive, si non, à la réduction substantielle des répercussions de cette pathologie urbaine. Le renforcement de la recherche biomédical est un gage de réadaptation continuelle des algorithmes chimiothérapiques face aux mutations permanentes des cellules plasmodiales souches. Le développement sanitaire qui passe par l’éradication du paludisme urbain, reste donc tributaire de la symphonie axiologique commune des hommes de sciences tels que les entomologistes, les géographes, les écologistes, les biologistes, les chimistes, les sociologues, les anthropologues, les économistes, etc. La création, suivant une démarche pluridisciplinaire, d’un Observatoire National du Paludisme Urbain (ONPU) avec une unité dans chaque ville consacrera le nouveau partenariat entre le politique et le scientifique dans la nouvelle démarche de lutte contre le paludisme urbain.
LE PARADIGME DE LA PREVENTION (PP)
Le paradigme de la prévention se veut bidimensionnel : environnementale et chimio-prophylactique. La présente étude invite les politiques à repenser la prévention environnement autour de « la priorisation de la destruction systématique des gîtes à anophèles ». Cette destruction est considérée comme un gage certain de neutralisation du risque de transmission. Elle invite également au renforcement de la politique de couverture universelle à la moustiquaire imprégnée et de formation de masse à la gestion dudit outil préventif. Cette ré-hiérarchisation des priorités en matière de prévention environnementale[25] a produit des résultats très probants dans la ville de Ouagadougou (Ouédraogo, 2011). Le renforcement du système Information, Education et Communication (IEC) de proximité sur le paludisme favorisera la transformation des populations en potentiels agents de santé communautaire. L’IEC sur le paludisme fait partie de ce qui peut être qualifié de paludologie sociale. Une thématique de recherche et une unité d’enseignement transversale. Cette unité d’enseignement peut être dispensée dans tous les cursus scolaires (maternel, primaire et secondaire) d’enseignements général et d’enseignement technique, dans tous les cursus de formation académique, technique et professionnel des premiers, second et troisième cycle. Cette unité pourra être un déclencheur de la participation populaire et aussi un gage de durabilité de cette participation. Il est question d’incorporer la santé communautaire associée à la lutte contre le paludisme dans tous les cursus de formation. Enfin, l’étude recommande le renforcement de l’accessibilité de tous les enfants de moins de 5 ans et de toutes les femmes enceintes aux mesures sociales de gratification de la prise en charge du paludisme; des mesures jusqu’ici discriminatoires.
LE PARADIGME DE LA PRISE EN CHARGE (PPC)
Suivant le paradigme de la prise en charge, la présente étude prescrit l’introduction de la paludologie comme unité d’enseignement en général et comme spécialité en particulier dans les facultés et centre de formation en médecine et sciences pharmaceutiques en science de la santé. Cette initiative favorisera la production d’une ressource humaine spécialisée dans la prise en charge de cette maladie. Le développement d’une véritable industrie pharmaceutique locale des antipaludiques est une autre prescription qui facilitera l’accessibilité aux antipaludiques. La création des centres de traitement de proximité du paludisme au niveau des chefferies de quartiers se présente comme un moteur de la reconnexion territoriale d’une prise en charge du paludisme urbain territorialement contrôlable.
CONCLUSION
La lutte contre le paludisme fait partie des priorités de l’action gouvernementale au Cameroun. L’investissement colossal des pouvoirs publics et de son corollaire de partenaires a malheureusement du mal à endiguer cette endémo-épidémie devenue un véritable facteur de pauvreté et de sous-développement. L’étude a abouti à la prescription d’une intervention concertée autour de trois paradigmes (la recherche scientifique, la prévention et la prise en charge), en mettant un accent sur la création d’un Observatoire National du Paludisme Urbain (ONPU) et sur les innovations à apporter aux actions déjà menées. Ces prescriptions sont de nature à induire une régulation substantielle.
Cependant, cette ambition doit être relativisée dans la mesure où l’éradication définitive souhaitée est tributaire d’un processus global de transition et de restructuration urbaine au sens large. La transition urbaine pose d’ores et déjà le problème de maîtrise des dynamiques démographiques à corréler avec les capacités urbaines (à l’exemple des capacités d’offre de soins de santé) dans un contexte d’intense migration urbaine dominée par l’asile de pauvreté. La restructuration par réhabilitation ou par rénovation urbaine pose un problème d’investissement dans un contexte de sous-développement. Un autre challenge réside dans l’enclenchement d’une mobilité des comportements urbains, des logiques d’hiérarchisation des priorités et de gouvernance des villes caractérisés par la déconnexion du rapport socio-spatial entre le centre urbain et les zones suburbaines ou périurbaines.
Par ailleurs, l’éradication du paludisme urbain est aussi tributaire de l’éradication du paludisme rural. Car, la mobilité humaine établit un continuum territorial entre l’urbain et le rural. Ce continuum est le gage d’une fluidité des faits et phénomènes de sociétés transférables entre l’urbain et le rural à l’exemple de l’infection palustre. La transférabilité du paludisme entre ces deux cadres socio-spatiaux est donc un fossoyeur de toute politique de lutte fondée sur le principe de marginalisation ou de non-équité territoriale.
[1]MEVA’A ABOMO, Dominique. (2015). « Introduction Générale », dans Meva’a Abomo, (Dir.), De la faillite de la santé urbaine à la ville-santé au Cameroun : regard croisé entre acteurs, pratiques, défis et enjeux, Vol.2, Berlin, Collection Étude et Recherche Action pour le développement de l’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, Éditions Universitaires Européennes, p.23-36.
[2]MEVA’A ABOMO, Dominique. (2015). « Les détourneurs des patients des hôpitaux publics vers les cabinets de soins de santé privés de Douala et Yaoundé », dans KENGNE FODUOP François., (Dir.), Le Cameroun, jardin sacré de la débrouillardise, Paris, L’Harmattan, Coll. Études Africaines, pp.229-246.
[3] Il s’agit par exemple de l’Organisation de Coordination pour la lutte contre les Endémies en Afrique Centrale (OCEAC), du réseau d’Afrique centrale pour le traitement antipaludique (RACTAP), du réseau africain sur la gestion de la résistance des vecteurs aux insecticides (ANVR), et de bien d’autres institutions de recherche à vocation universitaire.
[4] OCEAC. (2012). Plan stratégique sous régional de lutte contre le paludisme en Afrique Centrale 2011-2015, PSR-PALU, juin 2012, 54p.
[5]Il s’agit par exemple du Réseau d’Organisations de Santé du Cameroun (ROSACAM).
[6] MINSANTE (2014), Comptes Nationaux de la Santé de 2011, Rapport de fin d’étude, p.17.
[7] Déclaration de Charlotte FATY NDIAYE, Représentant de l’Organisation Mondiale pour le Santé, lors de la célébration de la journée mondiale de lutte contre le paludisme en 2013.
[8] Lire à ce sujet : MINSANTE-PNLP., 2011. Plan stratégique national de lutte contre le paludisme au Cameroun 2011- 2015. MINSANTE-PNLP., 2006. Plan stratégique national de lutte contre le paludisme au Cameroun 2007- 2010. ; MINSANTE-PNLP., 2006. Le combat du Cameroun Contre le paludisme. ; MINSANTE-PNLP., 2001. Plan National Stratégique de Lutte contre le Paludisme. ; MINSANTE., 2009. Stratégie Sectorielle de la Santé Publique 2001-2015. ; MINSANTE., 2001. Stratégie sectorielle de santé 2001 – 2010. ; MINSANTE., 1993. Mise en œuvre de la réorientation des soins de santé primaires, pp.10-37. ; MINSANTE., 1992. Déclaration de politique sectorielle de la santé, République du Cameroun, ministère de la santé publique, pp.5-23.
[9]– Déclaration de Dr Etienne FONDJO, Secrétaire Général du Programme National de Lutte contre le Paludisme lors de la célébration de la journée mondiale de lutte contre le paludisme en 2010.
[10] MINSANTE (2013), Enquête post campagne sur l’utilisation des moustiquaires imprégnées d’insecticide a longue durée d’action, INS-Rapport final, p.18.
[11]Déclaration du Pr André MAMA FOUDA, Ministre de la santé publique du Cameroun, lors de la célébration de la journée mondiale de lutte contre le paludisme en 2015.
[12]– Idem.
[13]– Op.Cit.9.
[14] MINSANTE (2013), Enquête post campagne sur l’utilisation des moustiquaires impregnees d’insecticide a longue durée d’action, INS-Rapport final, p.18.
[15]– Déclaration du Pr André MAMA FOUDA, Ministre de la santé publique du Cameroun, à la Cameroon Radio Télévion CRTV, le 31 octobre 2013, lors d’une émission radio consacrée à la résurgence de certaines maladies telles que le paludisme et la rage au Cameroun.
[16] OMS, (2015), Rapport sur le paludisme dans le monde 2014, Résumé, WHO/HTM/GMP/2015.2, p.24. http://www.who.int/malaria/publications/world_malaria_report_2014/wmr-2014-summary-fre.pdf
[17]– Déclaration de Dr Etienne FONDJO, Secrétaire Général du Programme National de Lutte contre le Paludisme lors d’une interview à Vox- News, un quotidien d’information, pendant la célébration de la journée mondiale de lutte contre le paludisme en 2015.
[18]– Op.Cit.15.
[19]– Op.Cit. 17.
[20] Op.Cip.16.
[21] Le rapport de l’enquête post campagne sur l’utilisation des moustiquaires impregnees d’insecticide a longue durée d’action, souligne, en se référent au profil Entomologique du Cameroun de 2010 que, « Quarante-huit espèces d’Anophèles sont présentes au Cameroun dont 13 sont vecteurs du paludisme. Les cinq vecteurs majeurs sont Anopheles gambiaes, An. arabiensis, An. funestus, An. nili et An. Moucheti » (INS, 2013 :16).
[22] ONU-HABITAT., 2007. Profil urbain national du Cameroun, Programme des nations unies pour les établissements humains division de la coopération technique et régionale, UNON, Publishing services section, Nairobi, 28p.
[23] La goûte épaisse est un examen médical qui met la présence des plasmodiums dans le sang en évidence sans nécessairement préciser de quel type de plasmodiums s’agit-il.
[24] Le frottis sanguin est un examen médical qui détermine les proportions de plasmodiums déjà mis en évidence par la goûte épaisse dans le sang.
[25] Le « Projet pilote de lutte contre le paludisme par l’utilisation de bio-larvicides dans la ville de Ouagadougou » a priorisé la destruction systématique des gîtes larvaires. L’un des principaux objectifs biannuels de ce projet d’environ 1,2 milliards de F.cfa., était le curage de 321 km de caniveaux, la réduction de la densité larvaire de 80 %, etc.
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Pour citer cet article
Référence électronique
Dominique Meva’a Abomo (2016). «Le fardeau de la lutte contre le paludisme urbain au Cameroun : état des lieux, contraintes et perspectives». Revue canadienne de géographie tropicale/Canadian journal of tropical geography [En ligne], Vol. (3) 2. Mis en ligne le 25 décembre 2016, pp. 26-25. URL: http://laurentienne.ca/rcgt
Auteur
MEVA’A ABOMO Dominique
Faculté des Lettres et Sciences Humaines
Société Savante Cheikh Anta Diop (SS-CAD)
Université de Douala, Cameroun
Courriel : mevaa_abomo@ss-cad.org