Equipment issues of an urban ward of Congo Brazzaville: case study of Diata
André Wilfrid LANDA
Résumé: Diata est l’un des quartiers de l’arrondissement 1 Makélékélé qui est partie intégrante de l’espace brazzavillois. Le quartier est né grâce à une initiative individuelle. Nouvellement loti, Diata connaît une croissance démographique récente qui se fait, malheureusement, au détriment de celle des équipements collectifs. L’objectif de cette étude est de faire un portrait global de la situation des équipements collectifs dans le quartier et apporter des pistes de solutions. L’enquête documentaire et les questionnaires administrés à 471 personnes permettent de conclure à une très faible présence de l’État et en particulier de la Mairie. L’action de la municipalité est pratiquement insignifiante comparée aux besoins exprimées par les populations. Cette déficience est relativement comblée par diverses ONG qui tentent, tant bien que mal, d’améliorer les conditions de vie des populations locales et permettre de maintenir l’espoir d’un avenir potentiellement meilleur.
Mots clés: Congo, Brazzaville, Diata, problèmes d’équipements, aménagement urbain
Abstract: Diata is one of the districts of Borough 1 Makélékélé which is an integral part of the Brazzaville area. The neighborhood was born by an individual initiative. Newly sold, Diata is experiencing a recent demographic growth that is, unfortunately, at the expense of public facilities. The objective of this study is to make a global portrait of the situation of community facilities in the neighborhood and provide solutions. The documentary survey and the questionnaires administered to 471 people make it possible to conclude to a very weak presence of the State and in particular of the City. The action of the municipality is practically insignificant compared to the needs expressed by the population. This deficiency is relatively filled by various NGOs trying, as best they can, to improve the living conditions of local populations and to maintain the hope of a potentially better future.
Keywords: Congo, Brazzaville, Diata, problems of equipment, urban development
Plan
Introduction
Présentation du quartier Diata
Méthodologie de la recherche
Résultats
Faiblesse des moyens de fonctionnement de la mairie de Makélékélé
Un déficit majeur d’équipements collectifs à Diata
Aménagement du quartier Diata : des pistes de propositions
Discussion
Conclusion
Texte intégral Format PDF
INTRODUCTION
Diata, comme les autres quartiers de Brazzaville, accueille beaucoup de personnes venues des campagnes ; celles-ci sont à la quête du bien-être et gonflent ainsi les effectifs des citadins. L’augmentation de la population de Brazzaville, de 595 000 habitants en 1984 (Guichaoua, 1989) à 1 373 382 personnes en 2007 (Landa, 2014), a conduit à la conquête des espaces à bâtir sans tenir compte des normes qui régissent l’urbanisme. Il en découle une urbanisation anarchique de la ville, occasionnant une inadéquation entre l’extension spatiale et l’implantation des équipements collectifs. Contrairement à Brazzaville, l’urbanisation du quartier Diata a fait l’objet d’une planification qui a débuté par la conception d’un plan de lotissement, la vente des parcelles et l’installation humaine. Toutefois, cette urbanisation souffre d’un manque ostensible d’équipements. Ce problème est de plus en plus alarmant à tel point que les autorités municipales, en particulier celles de Makélékélé dont dépend Diata, devraient faire valoir, selon l’article 71 de la loi n° 07/95 du 21 mars 1995 portant organisation et fonctionnement des collectivités de moyen exercice, leurs prérogatives ci-après : (i) établissement de l’état des besoins et des ressources de la collectivité locale, (ii) protection de l’environnement, (iii) création des équipements de proximité, (iv) collecte des ordures ménagères, (v) allocation des aides sociales, (vi) évacuation des eaux pluviales et usées, (vii) lutte contre les installations, les constructions anarchiques et l’occupation des places publiques, (viii) acceptation ou refus des dons et legs. Malgré cette disposition légale, Diata demeure sous-équipé. Les équipements qu’on y trouve ne peuvent satisfaire entièrement la population qui croît de manière exponentielle. Elle est passée de 9 000 habitants en 1985 à 24 089 habitants en 2003, soit une augmentation de 15 089 habitants sur une période de 18 ans.
Cette croissance démographique trop rapide à cause de l’accroissement naturel et du phénomène migratoire ne s’accompagne pas d’une augmentation du nombre d’équipements adéquats et suffisants. Cette situation pose des problèmes dans la vie quotidienne des résidents du quartier et amène à poser un certain nombre de questions pertinentes. Pourquoi Diata, dont l’urbanisation a fait l’objet d’une planification est-il sous-équipé ? Quels sont les équipements qui manquent dans le quartier ? Quels sont les problèmes qui découlent de ce sous-équipement ? Pour répondre à ces interrogations, le présent article se donne pour objectifs de faire, premièrement, un bilan des équipements existants et déficitaires du quartier Diata, ressortir les problèmes et faire des propositions. Dans cette perspective, l’étude fait une présentation succincte du quartier Diata. Deuxièmement, les moyens de fonctionnement de la mairie de Makélékélé sont mis en exergue. Les équipements déficitaires constituent la troisième piste d’intérêt dans cette étude. Finalement, des propositions pour l’aménagement du quartier Diata ont été faites dans le but de favoriser la mise en place d’une politique d’urbanisation plus rigoureuse.
PRÉSENTATION DU QUARTIER DIATA
Le quartier Diata est l’un des 83 quartiers de Brazzaville (Landa, 2014), localisé dans l’arrondissement 1 Makélékélé au sud de la ville. Il est bâti sur un plateau tabulaire dont l’altitude varie entre 287 et 312 m sur un site autrefois occupé par la réserve forestière de la Patte d’Oie. Il s’étend sur une superficie de 274,58 ha. Ce plateau tabulaire est le prolongement naturel du plateau des 15 ans et ne permet pas le ruissellement facile des eaux pluviales, en raison de sa faible dénivellation qui occasionne les flaques d’eau qui dégradent l’environnement du quartier. Il est bordé par deux vallées plus ou moins larges et peu encaissées. Il s’agit respectivement de la « Maladie du Sommeil » au sud et de la « Mfilou » à l’ouest (cf. figure 1).
Source : CERGEC Réalisation : LANDA, 2016
Figure 1 : Répartition des équipements dans l’espace de Diata
MÉTHODOLOGIE DE LA RECHERCHE
La méthodologie utilisée pour élaborer cette étude est la recherche documentaire et l’enquête terrain. La recherche documentaire a été faite dans différentes bibliothèques tandis que d’autres informations ont été recueillies sur internet. Elle a permis de recueillir des informations pertinentes sur les travaux antérieurs portant sur la question d’équipements des quartiers au Congo et ailleurs. Quant à l’enquête, elle s’est basée sur les observations directes de terrain et l’utilisation d’un questionnaire administré à la population cible que sont les élèves, les étudiants, les commerçants, les agents de la santé, les enseignants, les sans-emplois et les administratifs. L’enquête terrain a permis de recenser les équipements existants et leur niveau de serviabilité, les équipements manquants et les problèmes qui découlent du sous-équipement du quartier Diata.
L’échantillon pour cette étude est de 471 personnes. Il a été obtenu en tirant au 1/5e les 2 000 ménages de Diata. Ces personnes ont été identifiées impartialement dans les six zones du quartier. Ensuite, cinq questionnaires ont été soumis à certaines autorités politiques et administratives intéressées par l’étude, afin de recueillir leurs avis sur la question. Sur les 471 fiches soumises à la population ciblée, 468 fiches ont été traitées et 3 fiches remplies partiellement ont été écartées.
L’enquête terrain s’est effectuée dans les six zones du quartier Diata. L’âge des enquêtés varie entre 16 et 64 ans. La population de Diata est jeune, avec un taux de représentativité de 94% de la population totale. Le quartier abrite 53% des actifs et tend à être cosmopolite même si les nationaux sont encore dominants. Le taux de représentativité des étrangers est très faible comparativement à celui des nationaux. La population est à 97% composée de congolais, 0,25% de maliens, 1% de sénégalais, 0,5% de mauritaniens, 0,25% de kenyans et 0,5 de congolais de la République démocratique du Congo. Cette population se partage le peu d’équipements implanté dans ce quartier. Finalement, les logiciels Word, Excel et ArcGis ont été utilisés pour le traitement des données et la réalisation des illustrations.
RÉSULTATS
FAIBLESSE DES MOYENS DE FONCTIONNEMENT DE LA MAIRIE DE MAKELEKELE
Diata est géré par la Mairie de Makélékélé, et ce conformément aux prérogatives citées dans l’article 71 de la loi n° 07/95 du 21 mars 1995. De telles prérogatives sous-entendent un programme d’activités qui exigent, naturellement, des moyens pour réaliser les objectifs projetés par les collectivités locales. En tant que tutelle du quartier Diata, la mairie de Makélékélé est-elle capable de mettre à la disposition de ses quartiers en général et de Diata en particulier, les moyens nécessaires pour leur gestion durable ?
La mairie de Makélékélé ne dispose pas de ressources financières propres pour son fonctionnement et pour l’aménagement du cadre de vie des populations des quartiers sous sa tutelle. Les moyens financiers viennent des subventions de la mairie de Brazzaville, des aides multiformes et de la ristourne (le montant de celle-ci correspond à 15 % de la somme totale des recettes issues des pièces délivrées par les mairies d’arrondissement et déposées à la mairie de Brazzaville). Les mairies d’arrondissement ont reçu 120 000 000 FCFA de la mairie de Brazzaville en 2000 pour leur fonctionnement. Toutefois, ces moyens de fonctionnement ne sont pas versés régulièrement. Pourtant, la mairie de Brazzaville reçoit toujours son budget de l’État. En absence d’une réelle décentralisation, les mairies d’arrondissement dépendent étroitement et encore de la mairie de Brazzaville. Ainsi, tout dysfonctionnement de l’administration municipale de Brazzaville se répercute sur les mairies d’arrondissement qui ne peuvent accomplir leurs missions.
La municipalité de Brazzaville dont dépend la mairie de Makélékélé est confrontée à des difficultés financières. Elle a enregistré des déficits de trésorerie qui s’élevaient entre 1 000 000 et 3 000 000 FCFA en 1987, et à 3 651 642 340 FCFA en 1997. Les recettes totales sont faibles au regard des dépenses engagées. La faiblesse de celles-ci est due surtout à l’inefficacité des procédures de recouvrement des taxes locales mal adaptées aux besoins de la ville, ainsi qu’à la gabegie financière.
UN DÉFICIT MAJEUR D’ÉQUIPEMENTS COLLECTIFS À DIATA
D’un point de vue historique, le quartier Diata a été créé sur l’initiative de Mpiaka Diata Camille. Le processus d’urbanisation a commencé par la conception du plan de lotissement et de son exécution en août 1972 à la suite du déboisement de la Forêt Mpiaka (du 12 juin au 11 juillet 1972). Le plan de lotissement fut conçu à partir de la carte de Brazzaville et ses environs par Kouba Auguste Corentin. Il a finalisé ses travaux par la vente des parcelles. Au départ, une parcelle (360 m2, soit 20 m de long et 18 m de large) coûtait 125 000 FCFA, mais la demande était si forte que le prix de la parcelle est passé à 200 000 FCFA. Après l’achat du terrain, l’acquéreur construit directement sa maison ; il n’avait pas besoin d’un permis d’occuper délivré à la mairie pour construire, car Diata n’était pas encore reconnu officiellement par l’État. En élaborant le plan de lotissement, Kouba avait conçu un plan d’assainissement qui devrait collecter les eaux de pluies des caniveaux secondaires aux caniveaux principaux du boulevard des Oliviers (actuelle avenue 5 Février 1979) pour se déverser dans la Mfilou. Mais le plan n’a pas été réalisé à cause du conflit né de la revendication de propriété foncière entre l’État congolais et la famille Mpiaka. Il demeure jusqu’à ce jour « lettremorte », faute de financement.
Pendant que Diata s’urbanisait, les équipements ne suivaient pas. En 1977, 750 personnes vivaient sur une superficie de 150 ha, sans aucun équipement réalisé, excepté le stade Alphonse Massamba-Débat, quelques édifices de l’ORSTOM et l’Université. En 1985, la population a augmenté de 9 000 habitants sur la même superficie. Une école primaire, à peine, était érigée (MTPCH, 1978). En 2003, la population a considérablement augmenté et est passé à 24 089 personnes sur une superficie qui est passée aussi de 150 à 274,58 ha avec comme équipements : une école primaire, un petit marché, un centre de santé intégré, un poste de sécurité publique, deux établissements universitaires (École Normale Supérieure et École Nationale Supérieure Polytechnique), une annexe de l’église Évangélique du Congo, la Rose croix ; à ces derniers s’ajoutent quelques églises dites de « Réveil », petits bars et restaurants, petites boutiques et écoles privées. Tous ces équipements sont souvent aléatoires et disséminés dans le quartier.
L’urbanisation de Diata pose des problèmes véritables qui se traduisent notamment par un déficit notoire en équipements. Les équipements existants ne répondent pas pleinement aux besoins de la population. Le tableau 1 montre que les besoins en équipements collectifs exprimés par la population dépassent d’ordinaire la capacité de service disponible à Diata, ce qui occasionne, quel que soit le type d’équipements des écarts importants d’insatisfaction.
Source : Données de terrain
Tableau 1 : La capacité de Diata en équipements collectifs
La population de Diata estime que certains équipements collectifs manquent et d’autres sont insuffisants et méritent d’être renforcés La figure 2 montre que 60 % des personnes pensent que Diata manque de réseau d’évacuation des eaux pluviales, notamment les caniveaux qui draineraient les eaux de pluies vers les collecteurs naturels. L’implantation des collecteurs artificiels (caniveaux) à Diata joueraient un rôle important dans l’assainissement du quartier en eaux de pluies et inhiberaient le pullulement des moustiques dû aux eaux stagnantes (cf. photos 1 et 2), l’érosion des terrains et la dégradation des voies de circulation, surtout non bitumées (cf. photo 2).
Source : Données de terrain
Figure 2 : Les besoins en équipements collectifs exprimés par la population de Diata
Source : cliché de Landa, 2007
Photo 1 : Les eaux de pluies stagnent sur un terrain plat (l’avenue de l’École) et favorisent un pullulement des moustiques et une végétation spontanée
Photo 2 : Flaque d’eau de pluies qui entrave la circulation des piétons et des voitures dans l’avenue de l’École
À ce problème, s’ajoute celui des eaux usées domestiques. Celles-ci sont jetées ici et là. Ainsi, 45% des personnes jettent leurs eaux de cuisine et de lessive dans la cours, la rue et l’avenue, tandis que la proportion des personnes qui évacuent leurs eaux de douche dans un trou perdu ou à partir d’un conduit issu de la douche vers une rue ou une avenue correspond à 34 %. Ces eaux, en stagnant, favorisent non seulement des odeurs répugnantes et des maladies, mais aussi la dégradation de l’environnement urbain. Peu de personnes utilisent les puisards pour évacuer les eaux usées domestiques (eaux de cuisine, de lessive, de WC et de douche). Ces personnes représente seulement 13 % des enquêtés. Pour l’éclairage la nuit, la moitié des répondants (50 %) pensent que Diata est insuffisamment éclairé la nuit. Cette situation est d’autant plus préoccupante que des braquages, des viols, des vols sont perpétrés de manière récurrente à cause de l’obscurité. Le petit marché (cf. photo 3) de Diata ne répond pas totalement aux besoins alimentaires de la population, parce qu’il manque de structures de conservation, tels que les chambres froides et des dépôts de marchandises. Ces inquiétudes ont été exprimées par 32% des personnes interrogées.
Source : cliché de Landa, 2007
Photo 3 : Les étagères sous les hangars portant les produits alimentaires que le marché de Diata propose à la population
Les voies de desserte internes sont de viabilité médiocre. Par exemple, pour se rendre à Moungali, au Centre-ville, à Kinsoundi, à Bifouiti par bus, il faut absolument sortir du quartier. Autrement dit, marcher jusqu’à l’arrêt du bus le plus proche : c’est le Rectorat, le Centre Culturel Français, le marché Total, le Palmier ou le Château d’eau. Manifestement frustrés et abusés, les résidents de Diata rappellent avec beaucoup d’amertume, la promesse non réalisée jusqu’à présent par les autorités publiques de construire une véritable voie de desserte traversant le quartier, de Ngangouoni (Château d’eau) au Plateau des 15 ans. Il s’agit de 18 % des enquêtés qui souhaitent vivement la construction de cette voie de desserte. Diata, autrefois quartier excentré mais aujourd’hui quartier du centre, apparaît ainsi enclavé ou semi enclavé dans la capitale. Le souhait de voir l’installation d’une ou plusieurs pharmacies dans le quartier a été exprimé par 19 % des enquêtés. Actuellement, pour acheter les médicaments dans une pharmacie, de jour comme de nuit, il faut se déplacer vers les autres quartiers comme Bacongo (marché Total), Plateau des 15 ans ou ailleurs.
Les établissements préscolaires et secondaires publics n’existaient pas. Les enfants en âge scolaire et les jeunes gens doivent se déplacer parfois loin de Diata pour aller dans leurs établissements. Certains, non accompagnés, sont exposés à de multiples dangers en traversant les rues et avenues à circulation intense, avec le risque d’être heurtés par une voiture. Les jeunes de Diata sont mécontents. Ils désapprouvent le fait que le quartier ne soit doté que d’une seule école primaire publique avec des salles de classe aux effectifs pléthoriques. Les parents d’élèves souhaitent que le personnel enseignant soit augmenté. Certes, il existe des écoles privées, souvent éphémères, qui renforcent les activités de l’école primaire publique Alphonse Massamba-Débat, mais elles sont de piètres qualités et ne sauraient se substituer à l’enseignement public.
L’absence de lieux de divertissements est durement ressentie par les jeunes. Les salles de jeux et de cinéma, les jardins publics, les bibliothèques et les cybercafés n’existent pas. Cette absence ne permet pas aux résidents de Diata de lire, de se distraire et de se relaxer. C’est pourquoi, 22 % des enquêtés ont exprimé le besoin de voir le quartier être doté d’équipements de divertissements.
Entre 1993 et 1997, il existait des sites appropriés de stockage des ordures ménagères où les « pousses-pousseurs » des services privés comme l’Association de Valorisation des Ordures ménagères de Brazzaville (AVOBRA) déversaient les ordures ménagères collectées à Diata. Il s’agissait du site de stockage des ordures situé vers la cité Emile Biayenda et du site pour le tri et la revalorisation des déchets, localisé vers le Rectorat de l’Université Marien Ngouabi. Il existait aussi, dans le quartier, les points de transition précis de stockage des immondices ménagères avant d’être acheminées aux sites spécifiques de stockage de celles-ci. À cette époque, Diata était d’une salubrité remarquable. Mais, aujourd’hui, ces sites n’existent plus. La moitié (50%) des personnes questionnées pense que le fait que ces sites n’existent plus explique la présence des dépotoirs incontrôlés qui dégradent de plus en plus l’environnement du quartier (cf. photos 4 et 5), occasionnent des odeurs puantes et favorisent l’apparition de certaines maladies (paludisme, typhoïde, etc.) dont souffrent les habitants de Diata. Le problème de collecte des ordures ménagères se pose et constitue, comme le souligne Harsch (2002), l’un des problèmes majeurs du quartier.
Source : cliché de Landa, 2007
Photo 4 : Le marché de Diata envahi par les ordures ménagères et les herbes qui rendent le milieu malsain
Photo 5 : Ternissement de l’environnement par l’entassement des ordures ménagères juste au début de la rue Hinda
À Diata, les ordures ménagères sont évacuées de plusieurs manières. Au niveau des enquêtés, 43 des personnes sont abonnées aux « pousses-pousseurs » qui passent de « porte à porte » pour collecter les déchets ménagers un jour sur deux, pour les abonnés journaliers, et deux jours par semaine, pour les abonnés mensuels. Les prix d’abonnement varient suivant la quantité des immondices ménagères et le type d’abonnement : 1 000, 1 200 ou 1 500 FCFA pour les abonnés mensuels, et 100, 200 ou 300 FCFA pour les abonnés journaliers. Par contre 35 % des personnes se débarrassent de leurs déchets ménagers en utilisant la brouette, 10 % des personnes utilisent le seau et 6 % le sac. Par manque de sites spécifiques de stockage des ordures ménagères, celles-ci sont jetées dans les terrains vagues (à l’exemple des parcelles non construites), dans certaines rues et avenues, dans le ravin situé à proximité de l’avenue Mabiala mâ Nganga. À cela, il faut ajouter les personnes qui enfouissent les ordures ménagères dans leurs parcelles (3 %) et ceux qui les brûlent (3 %). Face aux déficits d’équipements, il importe de porter une réflexion sur les possibilités d’aménagement du quartier Diata.
AMÉNAGEMENT DU QUARTIER DIATA : DES PISTES DE PROPOSITIONS
Au regard du déficit en équipements relevé le long de ce travail, il est nécessaire pour améliorer les conditions de vie de la population de Diata de conduire certaines actions. Il s’agit de : 1) restructurer Diata en l’équipant. La population désire voir les hangars et les tables vétustes du marché Diata être réfectionnés, afin d’éviter des pertes tant matérielles qu’humaines qui pourraient survenir à la suite des vents violents. Créer les structures qui manquent tels que les chambres froides, les dépôts des marchandises, etc. 2) réhabiliter l’école primaire Alphonse Massamba-Débat en équipant les deux salles inoccupées de tables bancs, en peignant ses bâtiments et en renforçant le corps enseignant insuffisant. Les aires de jeux (terrains de football et d’handball) sont aussi à aménager ; 3) améliorer l’éclairage public, car il contribue au bien-être des résidents ; 4) réfectionner le Poste de Sécurité Publique (PSP) et 5) équiper le Centre de Santé Intégré (CSI) de Diata en plateaux techniques.
La création des équipements complémentaires pour rassurer et sécuriser la population résidente est indispensable. En effet, les sites spécifiques de stockage des immondices ménagères sont à créer ou réhabiliter les sites qui existaient auparavant : il s’agit du site de l’AVOBRA et celui proche de la cité Emile Biayenda ; ces sites éviteraient les dépotoirs incontrôlés susceptibles de dégrader l’environnement. Il faut de même construire une deuxième école primaire, un collège et un lycée qui répondront aux besoins scolaires des élèves de Diata et des quartiers environnants. Ce souhait a été exprimé par 88 % des habitants du quartier interrogés.
Le réseau d’évacuation des eaux pluviales, notamment les caniveaux doivent être installés à cause des mares d’eaux de pluies qui parsèment les voies de circulation et rendent difficile ou impossible le déplacement des personnes et des véhicules en saison de pluies. L’implantation d’une pharmacie qui permettra aux résidents du quartier de s’approvisionner en produits pharmaceutiques est essentielle. Pour une population fortement alphabétisée, il est nécessaire de créer des espaces culturels : les bibliothèques et les cybercafés offriront des occasions pour les élèves et étudiants de compléter les connaissances et d’acquérir de nouveaux savoirs.
Les résidents de Diata qui s’intéressent à l’amélioration de leur quartier en matière de salubrité, d’assainissement, etc. sont confrontés à d’énormes difficultés inhérentes au financement et au matériel. À cet effet, quel est finalement l’apport de l’État, des collectivités locales et des organisations non gouvernementales (ONG) ?
L’État a pour rôle d’exécuter tous les plans d’urbanisme en mettant les moyens financiers et matériels en jeu. Il doit également faire appliquer, par le biais de la municipalité de Brazzaville, les normes d’urbanisme, afin d’éviter toute occupation et extension anarchique de la ville, de veiller à la réalisation des superstructures (hôpital, école, stade, etc.) et des infrastructures (voirie, électricité, assainissement, adduction en eau…) prévus dans le plan directeur d’urbanisme. Il a aussi l’obligation d’entretenir les équipements implantés, de veiller à la salubrité de l’environnement urbain et à la conservation des espaces verts.
La question posée est de savoir si l’État joue effectivement son rôle par l’entremise de la municipalité de Brazzaville qui est confrontée depuis plusieurs années à un déficit financier pour assurer correctement ses fonctions. La ville est devenue insalubre et a perdu sa notoriété de « Brazza la verte », parce que ses réserves forestières sont sauvagement déboisées, réduisant ainsi leurs superficies. Dans cette optique, Lomingui (2002) note que la réserve forestière de l’ORSTOM avait une superficie de 600 ha à l’origine, mais elle n’en compte que 22,48 ha aujourd’hui, tandis que celle de la Patte d’Oie en avait 240 ha au départ et elle en a perdu 140 ha suite à l’urbanisation et à l’abattage des arbres pour usage de bois de chauffe. À cela s’ajoutent un dénuement des équipements collectifs dans les quartiers de Brazzaville et une occupation anarchique des zones « non aedificandi ».
La place des collectivités locales, voire des ONG, est manifeste dans le domaine de l’équipement où d’innombrables problèmes se posent. Malheureusement, la mairie de Brazzaville et celle de Makélékélé n’ont actuellement rien fait à Diata, alors qu’elles doivent s’occuper du bien-être de la population en matière de logement, d’équipement, d’assainissement, etc. en dehors des pièces d’état civil et autres documents administratifs qu’elles délivrent. La mairie de Brazzaville, étant confrontée à un problème de financement, ne peut permettre à la mairie de Makélékélé dépendante étroitement d’elle de réaliser objectivement ses projets. Par contre, quelques ONG et institutions internationales ont mené à Diata des actions dans ce domaine : il s’agit de l’Action Infrastructure et Développement (AID), de la Banque Mondiale (BM), de l’Union Européenne (UE) et d’une ONG américaine IPHD. En effet, l’AID a construit un pont qui relie Diata à Makazou, au terminus de l’avenue 5 Février 1979 sur la Mfilou ; la BM, par l’entremise du Ministère de l’Enseignement Primaire et Secondaire, a fait édifier la clôture de l’école primaire Alphonse Massamba-Débat ; un petit bâtiment destiné au WC a été construit dans cette école avec la subvention de l’IPHD ; l’UE a investi pour la réalisation du CSI de Diata. Les actions menées par ces ONG et institutions internationales ont un impact plus ou moins significatif dans l’amélioration des conditions de vie des populations.
Ces ONG interviennent occasionnellement à Diata parce qu’elles ont une démarche contractuelle. Elles doivent signer un ou plusieurs contrats avec l’État congolais, la municipalité de Brazzaville ou les particuliers (individus à assister) pour y mener une action. Tel est le cas du Programme de Micro-Réalisation Urbain (PMRU) qui investit à hauteur de 75 % du projet et le reste de 25 % revient aux populations des quartiers à aménager. Les ONG constituent des acteurs urbains émergents dans les villes africaines. Ces organisations qui appuient les initiatives de développement se sont constituées en dehors de toute structure étatique pour agir auprès des populations et des groupes sociaux les plus démunis.
DISCUSSION
La présente étude a permis de mettre en exergue le déficit en équipements ou le sous-équipement du quartier Diata. Elle a montré que le manque criard d’équipements à Diata remonte à sa création en 1972, sans implication notable des services étatiques compétents. Ce qui fait qu’en cinq années (1972 à 1977), aucun équipement n’a été érigé. C’est uniquement, après 13 ans (1972 à 1985), qu’une école primaire a été construite (MTPCH, 1978). C’est 18 ans plus tard (1985 à 2003) que s’est ajouté à cette école primaire trois équipements collectifs : un CSI, un poste de sécurité publique et un petit marché. Ensuite, à ceux-ci se sont ajoutés des équipements de durée aléatoire (quelques églises, écoles privées, petites boutiques, petits bars et restaurants). La population et la superficie augmentaient rapidement avec très peu d’équipements édifiés. D’ailleurs, dans cet esprit, Merlin et Trainsnel (1996) notent que la consommation d’espace, tributaire de l’accroissement de la population (Moutsara, 1986) et de la nécessité pour les citadins de se loger (Dobingar, 1994), croît plus vite que le niveau de vie. Il apparaît, dans ces conditions, une disproportion entre population et équipements. Aussi, les besoins en équipements collectifs exprimés par la population de Diata sont loin d’être satisfaits. Ce qui provoque des problèmes multiples : la dégradation de l’environnement urbain (dépotoirs et mares d’eau rencontrés ici et là), de la santé de la population (maladies diverses : typhoïde, paludisme, tuberculose, etc.), de l’instruction et de l’épanouissement des enfants scolarisés (mauvaises conditions d’études : effectifs pléthoriques conduisant au désordre dans les salles de classe et par conséquent à l’incompréhension des cours dispensés, manque de bibliothèques, etc.). Dobingar (1994) aborde la question dans le même sens en indiquant que l’absence d’équipements dans les quartiers nouveaux constitue un véritable handicap sérieux pour les habitants. L’implantation des équipements dans ces quartiers paraît impérieuse. Malheureusement, rien n’a été fait même s’il était prévu dans les plans (schéma et plan directeur d’urbanisme de 1980 ) de réaliser dans la zone périphérique les infrastructures suivant avant 1986 : des équipements scolaires (30 classes primaires et 20 classes secondaires), un noyau commercial avec un marché de 400 places, un dispensaire, des équipements sportifs et de loisirs, etc. (Dobingar, 1994). Le déficit en équipement des quartiers de Brazzaville est donc attribué aux autorités municipales qui n’assument pas pleinement ou pas du tout leur responsabilité en vertu des attributions qui sont les leurs comme le stipule l’article 71 de la loi n°07/ 95 du 21 mars 1995. L’aménagement du quartier Diata est de la responsabilité municipale à laquelle s’ajoutent les actions des structures privées, des organisations non gouvernementales et des populations.
CONCLUSION
La mairie de Makélékélé est totalement dépendante de la mairie de Brazzaville. Elle n’a pas un budget de fonctionnement propre susceptible de répondre aux prérogatives énoncées dans l’article 71 de la loi n°07/ 95 du 21 mars 1995. Il serait pour cela impérieux de décentraliser la mairie de Brazzaville en mettant l’accent non seulement sur l’aspect institutionnel de la décentralisation, mais aussi sur le partage des responsabilités dans la gestion des ressources avec le transfert des compétences.
Le sous-équipement de Diata est un problème indubitable qui remonte à sa création. Lorsque le quartier se peuplait et s’étendait, les équipements ne suivaient pas le rythme de cette croissance démographique et spatiale par le manque de volonté politique des pouvoirs publics. L’occupation de l’espace et l’extension de la ville se font de façon anarchique sans harmonie avec le plan directeur d’urbanisme préétabli. Cela explique lucidement la faiblesse des pouvoirs publics qui sont incapables de faire observer les textes qui régissent l’urbanisme. Aussi, le dernier plan directeur d’urbanisme datant de 1980 est largement dépassé, devenu caduc et mérite d’être réactualisé et appliqué.
Enfin, l’apport des ONG dans l’équipement du quartier Diata n’est pas à négliger, mais plutôt à encourager de sorte qu’il s’établisse une franche collaboration entre elles et les pouvoirs publics dans la réalisation et l’entretien des équipements collectifs tant de Diata que d’autres quartiers de Brazzaville en associant naturellement leurs populations.
Références bibliographiques
ATLAS du Congo, (2001), éditions Jeune Afrique, Paris, 2e édition, 76 p.
ATLAS du Congo, (1977), éditions Jeune Afrique, Paris, 1re édition, 64 p.
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Pour citer cet article
Référence électronique
André Wilfrid LANDA (2018). «Les problèmes d’équipements d’un quartier urbain au Congo-Brazzaville : cas de Diata ». Revue canadienne de géographie tropicale/Canadian journal of tropical geography [En ligne], Vol. (5) 1. En ligne le 15 mai 2018, pp. 44-50. URL: http://laurentian.ca/cjtg
Auteurs
André Wilfrid LANDA
Département de Géographie
Université Marien NGOUABI
Faculté des Lettres et des Sciences Humaines
Brazzaville, Congo
Email: landaandre@yahoo.fr