État d’assainissement des eaux usées et excréta dans le bassin versant d’Odza en zone périurbaine de Yaoundé et impact sur l’environnement urbain

State of wastewater and excreta sanitation in the Odza catchment area in the peri-urban area of Yaoundé and impact on the urban environment

NYEMBE ETAME Ghislain, YOGBACK Gertrude Estelle, KANA Collins, OJUKU Tiafack, NGOUFO TCHINDA Gaelle Merveille & ESSE NDJENG Maximilien


Résumé : L’assainissement est une démarche visant à améliorer la situation sanitaire globale de l’environnement dans ses différents composants. Il comprend la collecte, le traitement et l’évacuation des déchets liquides, des déchets solides et des excréments contenus dans les eaux usées qui sont ensuite acheminées jusqu’à une station de traitement (ou station d’épuration) pour y être épurées. Le présent article s’intéresse à l’assainissement dans le bassin versant d’Odza. L’objectif de l’étude est de mettre en exergue les facteurs explicatifs du déficit d’assainissement dans le bassin versant d’Odza et leurs impacts sur l’environnement. La méthode utilisée a été l’administration de cent questionnaires auprès des ménages. Les résultats montrent que le niveau d’étude du chef de ménage, le revenu du chef de ménage, le type de parcelle occupé, le type d’approvisionnement en eau, l’occupation des zones à risque et l’inexistence d’un réseau d’égout constituent les facteurs explicatifs pertinents du déficit en assainissement observé dans le bassin versant d’Odza à Yaoundé. Ce déficit en assainissement a un impact négatif sur l’environnement immédiat des ménages qui se traduit par d’apparition de maladies hydriques (Diarrhée, maladie de peau, etc.) et par la dégradation des zones humides avoisinants. 

Mots clés : Assainissement, eaux usées, excréta, bassin versant, Odza, Yaoundé  

 

Abstract: Sanitation is a process aimed at improving the overall health situation of the environment in its various components. It involves the collection, treatment and disposal of liquid waste, solid waste and excreta contained in wastewater which is then, transported to a treatment plant (or sewage treatment plant) for purification. This paper focuses on sanitation in the Odza catchment. The objective of the study is to highlight the factors that explain the sanitation deficit in the Odza catchment and their impact on the environment. The method used was the administration of 100 household questionnaires. The results show that the level of education of the head of the household and his income, the type of plot occupied, the type of water supply, the occupation of areas at risk and the non-existence of a sewage network are the relevant explanatory factors of the sanitation deficit observed in the Odza catchment area of Yaoundé. This lack of sanitation has a negative impact on the immediate environment of the households, resulting in the occurrence of water-borne diseases (diarrhea, skin diseases, etc.) and the degradation of the neighboring wetlands.

KeywordsSanitary, wastewater, faeces, watershed, Odza, Yaounde  

 

Plan

Introduction
Facteurs de structuration du bassin versant d’Odza : processus de compréhension à travers la localisation, la topographie, l’hydrographie et l’organisation urbaine
Localisation du bassin versant d’Odza
Topographie et hydrographie du bassin versant d’Odza
Organisation de l’espace urbain
Une approche méthodologique axée sur trois étapes
Résultats
Les facteurs explicatifs du déficit en matière d’assainissement des eaux usées et excréta dans le bassin versant d’Odza
Le déficit en assainissement dans le bassin versant d’Odza impacte la santé, les cours d’eau et le milieu aquatique
Conclusion

 

Texte intégral                                                                                Format PDF 

INTRODUCTION

L’urbanisation reste un phénomène majeur dans les pays en développement. Par conséquent, il est nécessaire d’assurer aux populations citadines les conditions d’un développement urbain durable. Au nombre de ces conditions, figure la gestion des déchets liquides et solides produits par les villes. Cette gestion des déchets contribue efficacement à l’amélioration des conditions de vie et à la protection de l’environnement lorsqu’un système d’assainissement efficace est mis en place. Malheureusement, les niveaux d’assainissement des pays en développement sont très faibles. Ils se situent autour de 16 % pour les pays subsahariens (OMS, 2018 : xii). Trop souvent, l’assainissement est considéré comme moins prioritaire que la distribution d’eau potable, à laquelle il devrait pourtant être systématiquement associé (Moussa Fofana, 2017 : 16). Par exemple, seulement 7 % des financements de la Décennie internationale de l’eau potable et de l’assainissement 1981-1990 a été affecté à l’assainissement (Moussa Fofana, 2017 : 16).

Selon l’OMS, le faible niveau d’assainissement est l’une des causes des maladies diarrhéiques qui touchent plusieurs millions d’enfants dans le monde, et sont responsables à la fois du développement de la malnutrition, de l’absentéisme scolaire et des pertes économiques. Les excréments humains sont responsables de la transmission de parasites intestinaux et affectent 1,5 milliard de personnes dans le monde (OMS, 1998). Ils sont aussi responsables des maladies telles que la schistosomiase, le choléra, le typhus et de nombreux autres types d’infections touchant des centaines de millions de personnes.

Dans de nombreuses villes camerounaises, la situation en matière d’assainissement et d’élimination des déchets liquides est critique, et tend à se dégrader dans un contexte d’urbanisation croissante marquée par un boom démographique et un étalement urbain horizontal accentué. Le rapport diagnostic des aspects institutionnels, financiers et techniques de la stratégie nationale d’assainissement liquide au Cameroun (Avril 2011 :11) déclarait qu’un tiers de la population totale du Cameroun, estimée à 20 049 578 habitants, avait accès à des toilettes améliorées soit 6 780 000 habitants et plus de la moitié à une installation traditionnelle rudimentaire. L’OMS estime que les mauvaises conditions d’alimentation en eau, d’assainissement et d’hygiène sont à l’origine de 13,4 % des maladies au Cameroun (Stratégie nationale d’assainissement liquide, Août 2011 : 5). Les populations les plus affectées vivent dans des conditions de pauvreté extrême, principalement dans les zones périurbaines et rurales des pays en voie de développement (ACF WASH, 2007).

Les populations du bassin versant d’Odza, zone périphérique de la ville de Yaoundé, font face à un manque d’assainissement des eaux usées et excréta. Il est donc nécessaire, dans un contexte marqué par des initiatives en matière de développement durable, d’analyser les facteurs contribuant au déficit en matière d’assainissement liquide dans ce bassin versant et évaluer l’impact de ces pratiques sur l’environnement et sur la santé des populations riveraines. Apporter des éléments de réponse à ces deux préoccupations revient à énumérer et à analyser tous les facteurs contribuant au déficit d’assainissement des eaux usées et des excréta dans le bassin versant d’Odza.

La première partie de l’étude porte sur la localisation et la présentation des caractéristiques topographiques, hydrographiques et organisationnelles urbaines du bassin versant d’Odza suivie de la méthodologie de l’étude. La seconde partie de l’analyse s’intéresse aux facteurs explicatifs du manque d’assainissement et met en exergue le niveau d’étude du chef de ménage, le niveau de revenu du ménage, le type de parcelle occupé, le type d’approvisionnement en eau, l’occupation des zones à risque et l’inexistence d’un réseau d’égout. Finalement, la troisième partie de l’étude s’intéresse à l’impact du déficit en assainissement dans le bassin versant d’Odza sur la santé des populations, sur les cours d’eau et le milieu aquatique.

FACTEURS DE STRUCTURATION DU BASSIN VERSANT D’ODZA : PROCESSUS DE COMPRÉHENSION À TRAVERS LA LOCALISATION, LA TOPOGRAPHIE, L’HYDROGRAPHIE ET L’ORGANISATION URBAINE

Localisation du bassin versant d’Odza

Le bassin versant d’Odza a une superficie estimée à 6 km2 avec un périmètre calculé de 12,5 Km. Il se situe au sud-est de la ville de Yaoundé dans l’arrondissement de Yaoundé 4, département du Mfoundi. La zone d’étude est limitée au nord et nord-ouest par le bassin versant de la Nkié, au sud-ouest par le bassin versant du Mfoundi-bas, à l’est et au sud-est par le bassin versant de l’Anga’a. Le bassin versant d’Odza englobe plusieurs quartiers, dont une partie d’Ekié, le quartier Ekoumdoum et le quartier Odza dans la partie sud du bassin versant (cf. figure 1).

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Source : Nyembe Etame G., Octobre 2018

Figure 1 : localisation du bassin versant d’Odza

Topographie et hydrographie du bassin versant d’Odza

Le bassin versant d’Odza se trouve dans la partie sud-est de la ville de Yaoundé. Cette zone est marquée par un relief de faible altitude avec des vallées peu profondes. Les altitudes varient entre 560 et 947 m. À côté de la grande vallée d’Odza qui va de Ekié à l’exutoire sur le Mfoundi, il y a de petits plateaux au niveau d’Ekoundoum, de Koweït City, Zone MAGZI et à la partie sud de la Cité de la paix. Dans sa limite avec le bassin versant de Anga’a au niveau d’Ekoumdoum, il y a une grande dépression avec des pentes très abruptes (cf. figure 2).

Figure_2

Source : Nyembe Etame G., Octobre 2018

Figure 2 : modèle numérique de terrain du bassin versant d’Odza

Le bassin versant d’Odza est drainé par le cours d’eau Odza et ses affluents. Il prend sa source sur la tête de vallée au niveau de Ekié, au nord du bassin versant. L’Odza, long de 5,09 km est orienté N-SO (cf. figure 3). Le cours d’eau Odza collecte les eaux usées des ménages et les déchets liquides et solides provenant de la zone industrielle (MAGZI), des marchés, des laveries, des garages, etc.

Figure_3

Source : Nyembe Etame G., Octobre 2018

Figure 3 : réseau hydrographique du bassin versant d’Odza

Organisation de l’espace urbain

L’espace urbain est organisé de ma manière suivante : au sud-ouest, il y a la zone industrielle MAGZI qui est limitrophe de la zone universitaire (Université privée NJI SAMBA). La partie sud et sud-est est caractérisée par une zone à habitats structurés (haut et moyen standing). La zone non structurée quant à elle englobe la zone de Tropicana et ses environs, le long de la nationale N2, le petit marché Odza (zone commerciale) et ses environs et au niveau du crénons du cours d’eau Odza dans le quartier Ekié (cf. figure 4).

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Source : Nyembe Etame G., Octobre 2018

Figure 4 : organisation de l’espace dans le bassin versant

UNE APPROCHE MÉTHODOLOGIQUE AXÉE SUR TROIS ÉTAPES

Afin de mieux comprendre les facteurs explicatifs du déficit d’assainissement dans le bassin versant d’Odza, une démarche en trois étapes a été réalisée. La première étape était axée sur la recherche documentaire qui a permis l’examen des travaux scientifiques antérieurs traitant des questions d’assainissement en milieu urbain dans le contexte africain. Des articles scientifiques portant sur l’assainissement de la ville de Yaoundé ainsi que sur les conséquences sur la santé des populations ont été analysés. Cette phase a également servi de cadre pour la collecte des données secondaires, notamment les photographies aériennes et la cartographie polyvalente à l’échelle 1/1000 de la ville de Yaoundé. La seconde étape a porté sur la collecte des données sur le terrain. Elle a permis de faire passer cent questionnaires auprès des ménages afin de déterminer les facteurs contribuant au déficit en matière d’assainissement liquide, de diagnostiquer le mode d’assainissement liquide dans le bassin versant d’Odza.

Finalement, la troisième et dernière étape s’est déroulée au laboratoire. Elle a permis de procéder au dépouillement et au traitement des fiches d’enquêtes terrain. Les informations obtenues ont permis de faire une analyse des facteurs explicatifs du déficit d’assainissement dans le bassin versant d’Odza et son l’impact possible sur la santé de la population et sur l’environnement humide. L’utilisation des systèmes d’informations géographiques (SIG) a permis de localiser les équipements, traiter et analyser le modèle numérique de terrain. L’examen des photographies aériennes et la cartographie polyvalente à l’échelle 1/1000 ont permis de dégager l’organisation de l’espace dans le bassin versant d’Odza.

RÉSULTATS

Les facteurs explicatifs du déficit en matière d’assainissement des eaux usées et excréta dans le bassin versant d’Odza

Le niveau d’étude du chef de ménage : facteur déterminant dans l’assainissement des eaux usées et excréta

À la lecture des données de terrain, les ménages qui utilisent les latrines traditionnelles ou à fond perdu pour évacuer leurs eaux usées de douche et les excréta sont majoritairement ceux ayant un niveau d’étude primaire (19 %), suivi de ceux du supérieur (14 %), puis le secondaire (10 %), le primaire et enfin ceux n’ayant aucun parcours scolaire ou n’ayant jamais été à l’école (1 %). Par ailleurs, les ménages à niveau d’étude supérieure (cycle universitaire) utilisent majoritairement les latrines à fosse septique (40 %). Pour ce qui est des latrines à fosse vidangeable, elles sont utilisées par des ménages à niveau supérieur et secondaire (cf. Figure 5).

Figure_5

Figure 5 : Niveau d’étude et ouvrage d’évacuation des eaux de douche et excréta

Le niveau d’étude joue un rôle très important dans le choix des modes et les pratiques en assainissement. Plus le niveau d’étude est élevé, plus les ménages utilisent des ouvrages d’assainissement améliorés. Cette réalité doit être aussi couplée avec le revenu. En effet, il peut arriver qu’on fasse de longues études, mais qu’on ait des revenus faibles ou moyens.

On estime ici qu’un niveau d’étude élevé peut contribuer à façonner l’individu, ce dernier devient ainsi soucieux à la fois de son hygiène personnelle et de l’hygiène de la communauté. L’individu développe une conscience environnementale qui le pousse à utiliser des ouvrages de bonne qualité, et à adopter de bonnes pratiques d’assainissement.

Par contre, un faible niveau d’étude est caractéristique de mauvaises pratiques d’assainissement. Milanesi et al. (2003) soulignent que l’absence d’éducation impacte négativement le consentement à payer pour des systèmes améliorés d’assainissement à Moshi en Tanzanie. Ainsi, les populations ayant un faible niveau d’étude, dans le bassin versant d’Odza, ont tendance à déverser leurs eaux usées de vaisselle et de lessive dans les cours des habitations, dans les caniveaux ou dans les fosses des toilettes traditionnelles. Pour les eaux de douches, celles-ci vont pour la plupart dans les fosses des latrines à fond perdu. Les données collectées sur le terrain permettent de confirmer cette triste réalité. D’ailleurs, les études effectuées par Whittington et al. (1993), Altaf et Hugues (1994), Lauria et al. (1997) et Milanesi et al. (2003) avaient mis en évidence, sur la demande ex ante, un effet positif du niveau d’éducation sur le consentement à payer pour un service amélioré en assainissement. Cette conclusion se confirme dans cette étude. Les données de la figure 5 montrent que 40 % des ménages du bassin versant d’Odza ayant un niveau d’étude supérieure utilisent les latrines à fosse septique.

D’après les auteurs, ci-dessus cités, un ménage mieux éduqué connaît davantage les externalités positives liées à l’amélioration du système d’assainissement. Ce portrait positif doit être relativisé et tenir compte de l’emploi. Généralement, en contexte africain et camerounais en particulier, le manque d’emploi ou simplement le sous-emploi ou le mal-emploi peut constituer un facteur inhibant d’une prise de conscience positive au sujet de l’assainissement chez une personne ayant une éducation supérieure. Ainsi, la situation de pauvreté ou de précarité impacte négativement l’assainissement. La présente étude en donne la preuve avec 15 % des ménages ayant un niveau d’étude supérieure qui utilisent les latrines traditionnelles. En résumé, le niveau d’étude constitue un indicateur pertinent de la prise de conscience et de la nécessité de procéder à l’assainissement. Toutefois, le revenu du ménage détermine aussi sa capacité à s’engager plus dans un processus d’assainissement.

Le niveau de revenu du ménage constitue un facteur significatif dans l’assainissement des eaux usées et excréta

L’étude ressort un lien potentiel entre le revenu du ménage et sa disposition ou non à s’impliquer plus dans les pratiques d’assainissement des eaux usées. En tenant compte des sources de revenu des ménages, l’étude ressort que 2 % des individus ayant les revenus mensuels de 0 FCFA à 50 000 FCFA, de 150 000 FCFA à 300 000 FCFA et plus utilisent les rigoles et les caniveaux pour l’évacuation des eaux usées. Par contre, seulement 6 % des chefs de ménages utilisant ce même système d’assainissement ont un revenu mensuel compris entre 100 000 FCFA et 150 000 FCFA (cf. figure 6).

Figure_6

Figure 6 : niveau de revenu et évacuation des eaux de vaisselle, de lessive et de douche

Ce résultat s’explique par le fait que l’utilisation des rigoles et des caniveaux comme mode d’évacuation est beaucoup ancrée dans les mœurs des Camerounais, toutes culture et condition socio-économique confondues. Une étude similaire menée sur la pollution des eaux de surface et souterraine à Yaoundé et son impact sur la santé des populations riveraines (EPESS) en 2013 arrive à la même conclusion et révèle que près de 58 % des ménages déversent leurs eaux usées dans les caniveaux/rigoles proches de leurs logements.

D’après la figure 6, la plupart des ménages (16 %) qui utilisent les fosses à latrines ont un revenu de 50 000 FCFA à 100 000 FCFA. Les ménages (4 %) qui utilisent moins ce mode d’évacuation des eaux usées ont des revenus mensuels de 00 FCFA à 50 000 FCFA. Les puisards sont plus utilisés par des ménages (24 %) ayant de revenus de plus de 300 000 FCFA et moins utilisés par les ménages (2 %) ayant un faible revenu. En somme, les ménages ayant un revenu faible sont ceux qui ne disposent pas des ouvrages d’assainissement ou qui en disposent, mais de mauvaises qualités. Compte tenu de leur pouvoir d’achat faible, les ménages ne peuvent pas se construire des ouvrages de qualité (cas de propriétaire de maison), ou payer un loyer disposant des ouvrages de qualité (cas de locataire). Finalement, le niveau de richesse influence positivement la probabilité d’utilisation d’une latrine améliorée (Whittington et al. 1993 ; Lauria et al. 1997 ; Milanesi et al. 2003). Les ménages les plus aisés qui disposent d’une capacité financière relativement plus importante permettent le financement des ouvrages améliorés plus coûteux que les latrines traditionnelles (Amandine Laré et al. 2013 : 22). Les types de parcelles dans le bassin versant d’Odza influencent aussi le niveau d’assainissement des ménages.

Le type de parcelle occupé à une influence sur l’assainissement des eaux usées et des excréta

L’utilisation des ouvrages d’assainissement varie fondamentalement selon que le quartier est loti ou non. La figure 7 montre que les quartiers lotis utilisent par ordre de préférence les puisards (20 %), suivis des caniveaux et rigole (14 %) et de moins en moins les fosses des latrines (4 %) pour évacuer les eaux de lessives, de vaisselles et de douches.

Figure_7

Figure 7 : Type de parcelle et ouvrage d’évacuation des eaux usées de vaisselle, de lessive et de douche

Les quartiers non lotis ou mal lotis utilisent majoritairement les caniveaux et les rigoles (38 %) pour l’assainissement des eaux usées. Les quartiers structurés (lotis) polluent moins parce que les ménages ont des systèmes d’évacuation des eaux usées et des excréta modernes (Fosses septiques, puisards, fosses vidangeables). Ces résultats sont relativement conformes avec les travaux d’Amandine Laré et al. (2013 :15) qui en prenant le cas de Ouagadougou affirment que 100 % des latrines à chasse moderne se retrouvent dans les quartiers lotis. Par contre, les zones d’habitat non structuré (cf. figure 8) qui sont des zones par excellence des mauvaises pratiques d’assainissement polluent sérieusement.

Figure_8

Source : cliché auteurs

Figure 8 : latrine traditionnelle (cercle rouge) connectée à une canalisation de fortune (ligne bleue) pour l’évacuation des eaux de douche, de vaisselle et de lessive dans un secteur non loti (derrière « Petit marché Odza »)

Le type d’approvisionnement en eau a un impact sur le processus d’assainissement des eaux usées et des excréta

Dans le bassin versant d’Odza, l’adduction en eau potable par la Camerounaise des Eaux (CDE) couvre 91 % des ménages enquêtés, suivi respectivement des forages (4 %), des puits (4 %) et les sources (1 %) (cf. figure 9.a). La figure 9.b montre que les ménages qui disposent des latrines à fosse septique et puisards sont les plus connectés au réseau de distribution d’eau de la CDE (60 %). Les latrines à fond perdu quant à elles utilisent majoritairement l’eau provenant des puits (16 %).

Figure_9a

Figure 9a : source d’approvisionnement en eau des ménages

Figure_9b

Figure 9b : type approvisionnement en eau et ouvrage d’évacuation des excréta

Ce résultat s’expliquerait par le fait que la disponibilité en eau est un facteur favorable pour l’amélioration des conditions d’assainissement liquide. L’occupation des zones à risque dans les différents quartiers participe de manière directe ou indirecte à la problématique de l’assainissement à Odza.

L’occupation des zones à risque influence les possibilités d’assainissement des eaux usées et des excréta

Les zones non constructibles sont les bas-fonds ou les emprises des cours d’eau. Certaines populations du bassin versant d’Odza vivent dans les bas-fonds des rivières. Généralement non lotis, les coûts fonciers dans les bas-fonds sont très faibles. Une fois établis, les habitants installent des équipements d’assainissement inadéquats. Les bas-fonds étant des milieux où la nappe aquifère est très proche de la surface du sol (Yongsi H.B. Nguendo et al. 2008), les latrines creusées ne font même pas un mètre de profondeur pour retrouver la nappe d’eau souterraine. Pour pallier à cela, les ménages de ces zones à risque placent des tuyaux (cf. figue 10a) ou creusent des canalisations de fortune pour évacuer les eaux usées (cf. figure 10b) qui seront directement acheminées dans le cours d’eau principal ou dans un canal d’évacuation approprié.

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Source : Auteur, septembre 2018

Figure 10a (Gauche) : tuyaux d’évacuation des eaux dans les rivières

Figure 10b (Droite) : système de canalisation des eaux usées de vaisselle dans une zone marécageuse à Tropicana

Selon les observations de terrain, on estime que près de 45 % des ménages enquêtés se trouvant dans les bas-fonds utilisent les toilettes qui évacuent les eaux usées et excréta directement dans les cours d’eau. Cette pratique est très récurrente dans les zones de bas-fonds des villes camerounaises et le bassin versant d’Odza en constitue un terrain d’expérimentation d’autant plus que n’inexistence d’un réseau d’égout rend le processus d’assainissement plus compliqué.

L’inexistence de réseau d’égout complique davantage la problématique d’assainissement des eaux usées et des excréta

Le bassin versant d’Odza est, en grande partie, dépourvu d’infrastructures d’assainissements adéquats. L’inexistence du réseau d’égout est une des conditions du déversement des eaux usées dans la nature par les populations. En effet, 53 % les ménages enquêtés affirment que les mauvaises pratiques d’assainissement qu’ils adoptent s’expliquent par le manque de système collectif de gestion des eaux usées et excréta. Généralement, l’absence des structures d’assainissements et les caractéristiques socio-économiques du bassin versant d’Odza ont des conséquences sur la santé des populations, sur les cours d’eau et le milieu aquatique.

Le déficit en assainissement dans le bassin versant d’Odza impacte la santé, les cours d’eau et le milieu aquatique

L’impact du déficit en assainissement sur la santé des populations

Les enquêtes menées auprès des ménages révèlent que 36 cas de maladies diarrhéiques ont été enregistrés. Sur ce nombre, 75 % de ménages utilisent un système de latrine à fond perdu, 16 % les rivières. Les ménages utilisant les fosses septiques avec chasse d’eau ont une faible prévalence des maladies diarrhéiques (cf. tableau 1).

Tableau_1

Source : Auteurs

Tableau 1 : Pourcentage des diarrhées dans le bassin versant d’Odza selon les dispositifs d’assainissement des matières fécales (excréta)

Les ménages qui utilisent les latrines à fond perdu ne sont pas toujours connectés au réseau de distribution d’eau. Les ménages sont connectés uniquement à l’eau de consommation. Les eaux d’utilisation courante (vaisselle, eau de bain, lessive) sont les plus utilisées et sont accessibles dans les puits et les sources. Cette eau souvent de qualité très douteuse est souvent cause des maladies. Pour le cas du bassin versant d’Odza, 69,76 % des 43 personnes atteintes de maladie cutanée le sont à cause de l’utilisation de l’eau de puits (cf. tableau 2).

Tableau_2

Source : Auteurs

Tableau 2 : pourcentage des infections cutanées dans le bassin versant d’Odza selon le mode d’approvisionnement en eau

L’impact de l’assainissement sur les cours d’eau et le milieu aquatique

Les milieux humides urbains (cours d’eau et zone marécageuse) sont des réceptacles de tout type de pollution (Gammon, 1980 ; Allan et Flecker, 1993) et sont aussi des milieux à écologie très fragile. Dans le bassin versant d’Odza, les cours d’eau sont très pollués à cause des matières en suspension, de la coloration des eaux et des odeurs. Les ménages enquêtés qui vivent proche des cours d’eau attestent tous que les cours d’eau sont extrêmement pollués. Certains travaux de recherche confirment bien la perception des ménages enquêtés et nos observations sur le terrain. Il s’agit des études menées par Fonkou (1996), Wéthé (1999), Ngnikam (2000) Djeuda et al. (2001), Wethé (2002) et Joseph Wethé et al. (2003). De ces études, il ressort que l’impact des eaux usées (domestiques et industriels) est perceptible sur la qualité des eaux des cours d’eau.

CONCLUSION

Au terme de cette étude portant sur l’état d’assainissement des eaux usées et des excréta dans le bassin versant d’Odza, en zone périurbaine de Yaoundé, il ressort une complexité et une variété des facteurs explicatifs. Au-delà du diagnostic territorial qui met en exergue la localisation, la topographie, l’hydrographie et l’organisation de l’espace urbain du bassin versant d’Odza, le déficit d’assainissement s’explique à la fois par des facteurs sociodémographiques, économiques et environnementaux. Il ressort des travaux que les principaux facteurs de pollution dans le bassin versant sont le niveau d’étude du chef de ménage, le revenu du chef de ménage, le type de parcelle occupée par le ménage, le type d’approvisionnement en eau, l’occupation des zones non constructibles et l’inexistence d’un réseau égout. La pollution induite a un impact réel sur l’environnement notamment sur la santé des populations et sur la qualité des eaux de rivière et les zones marécageuses.

Dans le futur, la réduction du déficit d’assainissement des eaux usées et des excréta exigera de la communauté d’adopter des comportements écocitoyens et aux pouvoirs publics d’encourager et de soutenir les populations à mettre sur pied les latrines écologiques recommandées par l’OMS. Le pouvoir public doit mettre en place des réseaux d’égout et des stations d’épuration pour le traitement des eaux usées avant leur déversement dans la nature. Finalement, les pouvoirs étatiques publics devraient également éduquer la population sur la gestion des déchets liquides et excréta et sur les bienfaits de l’assainissement sur l’environnement urbain.

 

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Référence électronique

NYEMBE ETAME Ghislain, YOGBACK Gertrude Estelle, KANA Collins, OJUKU Tiafack, NGOUFO TCHINDA Gaelle Merveille & ESSE NDJENG Maximilien (2021). « État d’assainissement des eaux usées et excréta dans le bassin versant d’Odza en zone périurbaine de Yaoundé et impact sur l’environnement urbain ». Revue canadienne de géographie tropicale/Canadian journal of tropical geography [En ligne], Vol. (8) 1. En ligne le 15 août 2021, pp. 7-12. URL: http://laurentian.ca/cjtg

 

Auteurs

NYEMBE ÉTAME Ghislain
Chercheur
Institut National de Cartographie (INC)
Cameroun
E-Mail : nyembeghislain@yahoo.com

 

YOGBACK Gertrude Estelle
Chercheur
Institut National de Cartographie (INC)
Département de Biologie
Université de Yaoundé 1,  Cameroun
E-Mail : yogbackgertrude@yahoo.com

 

KANA Collins
Chercheur
Institut National de Cartographie (INC), Cameroun
E-Mail: ckana71@yahoo.fr

 

OJUKU Tiafack
Département de Géographie
Université de Yaoundé 1, Cameroun

 

NGOUFO TCHINDA Gaelle Merveille
Master en cartographie, télédétection SIG appliqués
Université de Yaoundé 1, Cameroun
E-Mail : mediagaelle91@gmail.com

 

ESSE NDJENG Maximilien
Chercheur
Institut National de Cartographie (INC), Cameroun
E-Mail : esemaxime@yahoo.fr