Tendances du reverdissement et de la dégradation du sol dans l’Ouest du Niger

Trends in re-greening and soil degradation in western Niger

BAHARI Ibrahim Mahamadou, MALAM Abdou Moussa, MAMADOU Ibrahim, MAMAN Issoufou, ABBA Bachir, KADAOURE Ibrahim, FARAN Maiga Oumarou & BOUZOU Moussa Ibrahim


Résumé: Cet article s’intéresse aux évolutions simultanées du reverdissement et de la dégradation des sols dans l’Ouest du Niger entre 1998 et 2017. Il s’est appuyé sur des observations in situ et cartographiques pour analyser les indices de la végétation et de dégradation en milieu cultivé et en zone classée (dépourvue d’actions anthropiques). En zone classée, les résultats montrent une tendance au reverdissement avec une progression d’au moins 500 % d’indice de la végétation. Dans les zones cultivées en revanche, les observations localisées dégagent deux tendances, l’une cohérente montrant le reverdissement et la baisse de la dégradation et l’autre paradoxale montrant le reverdissement et l’extension des sols dégradés. Cette dernière peut s’expliquer par l’effet mémoire des sécheresses des années 1970-1990, mais aussi par les modes de gestion des ressources. Globalement, on conclut sur la tendance au reverdissement qui met en évidence la résilience des écosystèmes étudiés au choc climatique. 

Mots clésReverdissement, dégradation du sol, NDVI, Indice de coloration du sol, Ouest Niger  

 

Abstract: This paper studied the simultaneous evolution of re-greening and land degradation in western Niger between 1998 and 2017. It used in-situ and cartographic observations to analyse vegetation and degradation indices in cultivated areas and in classified areas (without human intervention). In the classified area, the results show a trend towards re-greening with an increase of at least 500% in the vegetation index. In cultivated areas, on the other hand, localized observations show two trends, one consistent with re-greening and a decrease in degradation, and the other paradoxical with re-greening and the extension of degraded soils. The latter can be explained by the memory effect of the droughts of the 1970s-1990s, but also by resource management methods. Overall, we conclude that there is a trend towards re-greening, which highlights the resilience of the ecosystems studied to climate change. 

Keywords: Re-greening, soil degradation, NDVI, soil color index, Western Niger 

 

Plan

Introduction
Matériel et méthodes
La zone d’étude
Détermination des indices et indicateurs de l’évolution de la végétation et de la dégradation des terres
Résultats et discussion
Évolution de la couverture végétale
Évolution de la dégradation du sol
Corrélation entre les deux tendances
Conclusion

 

Texte intégral                                                                                 Format PDF

INTRODUCTION

Depuis le début des années 1990, les travaux évoquant le reverdissement de l’espace sahélien sont croissants et montrent que ceci est observé tant en zone cultivée (Rasmussen et al., 2001, Prince et al., 2007, Savadogo et al., 2015) qu’en zone non cultivée (Fensholt et Rasmussen, 2011, Dardel et al., 2014, San Emeterio, 2015, Bastin et al., 2017). Il semble résulter de l’amélioration de la pluviosité que connait le Sahel depuis le début des années 1990, mais aussi de la gestion de plus en plus conservatoire des sols par les paysans (Larwanou et al., 2006, San Emeterio, 2015, Savadogo et al., 2015) et/ou par l’entremisse des projets de développements. Ce reverdissement, qui sous-entend une régénération des sols, a suscité plusieurs écrits sur l’arrêt et la réversibilité de la désertification ainsi que sur la résilience des écosystèmes sahéliens aux chocs climatiques. Cependant, plusieurs autres travaux mettent en évidence une dégradation accélérée des sols suite à la reprise de la pluviosité et aux changements d’usage des sols. Celle-ci se manifeste par l’encroûtement (Vandervaere et al., 1997, Valentin, 2005), par le ravinement (Valentin et al., 2005, Mamadou, 2012) et par la baisse de productivité agricole (Avakoudjo et al., 2015).

Dans ce contexte, peut-on véritablement évoquer une régénération des sols ? Sinon, la dégradation des sols progresse-t-elle concomitamment au reverdissement ? Pour réponse à ces questions, des travaux effectués dans des secteurs localisés de l’Ouest du Niger concluent sur ces deux tendances (Leblanc et al., 2008, Bouzou Moussa et al., 2009, Dardel, 2014). Cependant, la dispersion spatiale des sites de mesure et l’asynchronie des observations ne permettent pas une conclusion aisée sur ces tendances à l’échelle de l’Ouest du Niger. Cette difficulté est d’ailleurs bien rapportée par San Emeterio (2015) qui note que le lien entre les indices de la végétation et la dégradation des sols demeure complexe, car les conclusions tirées des analyses peuvent être contradictoires. Des études in situ sont donc nécessaires pour mettre en évidence les facteurs spécifiques pouvant influencer les évolutions de ces variables (gradient climatique, usage et occupation des sols, situation par rapport aux centres urbains et aux axes de circulations…). Ce travail a pour objectif d’étudier l’évolution simultanée de la végétation et des indicateurs de dégradation des sols sur une large fenêtre couvrant l’Ouest du Niger. Elle se base sur une analyse diachronique des images et sur des études in situ afin de pouvoir nuancer, éventuellement, les évolutions et leurs facteurs.

MATÉRIEL ET MÉTHODES

La zone d’étude

La zone d’étude se situe dans la région de Tillabéri au Niger. Elle s’étend, de part et d’autre du fleuve Niger, sur près de 32 000 km2 (cf. figure 1). Le choix de cette région se justifie par l’importance surfacique de ses forêts classées (théoriquement exemptent des impacts anthropiques) qui couvrent 53 % (y compris le Parc national du W) du patrimoine forestier classé du Niger. L’analyse diachronique de ces couvertures forestières permettrait ainsi l’appréhension des dynamiques, plus ou moins naturelles, de l’évolution de la végétation et des états des sols, qui sera ensuite comparée à celle des zones cultivées.

 Figure 1_ Localisation

Figure 1: Situation géographique de la zone d’étude

La pluviométrie et les usages anthropiques sont les principaux facteurs de dynamique dans la zone d’étude. En effet, les cumuls pluviométriques moyens annuels de la région, qui sont de l’ordre de 500 mm, ont connu une baisse de l’ordre de 30 % durant les sécheresses sahéliennes des années 1970-1990 (ANADIA, 2014, Malam Abdou, 2016), ce qui a du coup affecté l’état de ces ressources. À cela s’ajoutent les impacts de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche qui sont les principales activités de la population qui du fait de sa forte croissance (3,2 % en 2012 ; INS, 2014) exerce des pressions sur les ressources naturelles (eau, sol et végétation). Ainsi, des études diachroniques (1975-1999) réalisées par IBIMET/CNR & MHE/LCD (2004) et par Ballocca et al., (2004) ont montré que 66 % du patrimoine forestier de la région de Tillabéri sont en état de dégradation du fait de la récession pluviométrique, de l’extension du front agricole, des usages domestiques du bois et autres.

Détermination des indices et indicateurs de l’évolution de la végétation et de la dégradation des terres

Cette étude se base sur la télédétection et des observations in situ pour déterminer l’indice de la végétation et les indicateurs de la dégradation des terres et leurs évolutions spatio-temporelles à l’aide de l’analyse diachronique des images des années 1998 et 2017 (cf. tableau 1).

Tableau_1

Sources des données : Centre Régional AGRHYMET

Tableau 1 : Caractéristiques des données utilisées de la télédétection

Le bassin versant d’Odza est drainé par le cours d’eau Odza et ses affluents. Il prend sa source sur la tête de vallée au niveau de Ekié, au Nord du bassin versant. L’Odza, long de 5,09 km est orienté N-SO (cf. figure 1). Le cours d’eau Odza collecte les eaux usées des ménages et les déchets liquides et solides provenant de la zone industrielle (MAGZI), des marchés, des laveries, des garages, etc. Ces données sont fournies par des capteurs spécialisés dans le suivi du couvert végétal (SPOT et e-MODIS) et la dynamique de surface (Landsat).

Le reverdissement a été évalué à travers le NDVI (Normalized Difference Vegetation Index) qui est un indice de suivi de la végétation ou de la biomasse. Le NDVI est un indicateur de la santé végétale dans la mesure où une dégradation de la végétation ou une diminution de l’intensité de vert se traduirait par une diminution de la valeur du NDVI (Meneses-Tovar, 2011). Il est ici déterminé sur la base des données d’images SPOT VEGETATION et e-MODIS respectivement de l’année 1998 et 2017 puis spatialisé à partir de la transformation de compte numérique de ces images. Au cours de cette période, le suivi de l’état du couvert végétal est centré sur l’automne (novembre).

Quant à la dégradation des terres, elle est appréhendée par l’analyse de l’indice de coloration du sol (IC). La dégradation des terres inclut, au sens large, celle des sols qui sont les supports de toutes les activités humaines. L’évaluation de la dégradation des terres s’effectue au moyen de la réflectance du sol. Celle-ci est en effet rapidement modifiée lorsque le sol est érodé ou dégradé. L’intérêt de cet indice dans la caractérisation de la dégradation du sol et des états de surface dans les régions arides et semi-arides a été rapporté, entre autres, par Mougenot et Cailleau (1996) et par Ghram-Messedi et Delaître (2007). En utilisant les bandes rouge et verte des images, cet indice permet de bien distinguer la présence de matériaux de couleur rouge dans les sols, comme par exemple les oxy-hydroxydes de fer qui recouvrent souvent les grains de sable par opposition aux croûtes et encroûtements qui sont d’une couleur blanchâtre (Ghram-Messedi et Delaître, 2007).

La coloration du sol (IC) est ici déterminée à partir des images satellites couvrant la même période que ceux d’étude de la végétation suivant la formule de l’indice normalisé entre la bande rouge et verte par :

IC

IC=(bande rouge-bande verte )/(bande rouge+bande verte)

IC∈ [-1;1 ]

L’indice de coloration est ensuite spatialisé à l’aide des modules d’analyse d’Idrisi Selva.

Après la détermination du NDVI et de l’IC, ces variables sont ensuite corrélées à partir des zones de contrôle définies en tenant compte des données d’observation au sol disponibles. Des valeurs moyennes de chaque indice (végétation et coloration du sol) ont été extraites pour faire la corrélation et dégager les tendances. Mougenot et Cailleau (1996) ont, en effet, montré que la baisse de l’indice de couleur du sol s’accompagne d’une amélioration de l’indice de végétation, ce qui semble tout à fait cohérent. Les résultats issus de la télédétection seront ensuite confrontés aux observations du terrain des différents sites étudiés dans l’Ouest du Niger.

RÉSULTATS ET DISCUSSION

Évolution de la couverture végétale

En se basant sur les valeurs moyennes du NDVI obtenues, l’interprétation des différentes valeurs a permis de distinguer quatre classes de recouvrement allant du très faible au dense (cf. tableau 2).

 Tableau_2

Tableau 2. Classification des taux de recouvrement végétal

Ainsi, à partir de cette classification, des cartes du NDVI (cf. figure 2) ont été produites pour apprécier le reverdissement dans l’Ouest nigérien.

 Figure 2_Indices_NDVI

Source : Nyembe Etame G., octobre 2018

Figure 2: indice de végétation normalisé de l’ouest nigérien en 1998 et 2017

Durant la période 1998-2017, d’importantes transformations du couvert végétal ont été observées dans l’ouest du Niger (cf. tableau 3).

Tableau_3

Tableau 3. Dynamique des classes de recouvrement entre 1998 et 2017

Dans l’ensemble, le taux de couverture a enregistré une évolution positive à l’exception de la classe « très faible » qui a régressé au profit de la classe « faible », voire « moyenne ». En 1998, la proportion des classes à faible taux de recouvrement (faible et très faible) représentait près de 59 % alors qu’en 2017, celle-ci est de l’ordre de 53 %. Cette régression dénote une amélioration du taux de recouvrement des classes moyenne et dense. Néanmoins, cette vue d’ensemble cache des disparités selon les zones classées/protégées et les zones sous emprises d’activités agricoles. L’analyse de la dynamique des forêts classées met en évidence la tendance au reverdissement (cf. figure 3). Ainsi, malgré la forte variabilité des conditions pluviométriques depuis le début de la décennie 1990, le taux de couverture végétale augmente en milieu naturel.

Cette figure montre qu’en l’espace des deux décennies, l’indice de végétation a connu une progression d’au moins 500 % en milieu naturel et permet aisément de conclure sur la tendance au reverdissement. En revanche, plusieurs cas se présentent en milieu cultivé. Dans la partie Sud-orientale de la zone d’étude, secteur de Kouré, Tolouwaré, Nomaro, Dargol, on remarque une baisse très prononcée du couvert végétal, et c’est malgré les actions de végétalisation réalisées par le programme de lutte contre l’ensablement du fleuve Niger (PLCE/ABN). Cette tendance à la dégradation du couvert végétal est précédemment rapportée par Dardel et al., (2015) dans l’Ouest du Niger entre les 1981-2011.

Figure_3

Figure 3: Dynamique des trois forêts classées situées dans la zone d’étude

Elle est plus remarquable sur les sommets des plateaux et les jupes sableuses. Dans ce secteur, la pression anthropique sur le couvert végétal est importante du fait des exploitations agricoles et surtout de l’alimentation en bois-énergie de la ville de Niamey.

Dans la partie septentrionale de la zone d’étude, entre le Nord Téra, Zibane et Ayorou, le couvert végétal semble s’améliorer, passant de faible vers une couverture moyenne. Le reverdissement est plus sensible au niveau des cordons ripicoles qui retrouvent une couverture plus ou moins dense.

Évolution de la dégradation du sol

La dégradation du sol dans la zone d’étude a été appréciée à travers l’interprétation des classes radiométriques issues du résultat des calculs de l’indice de coloration du sol (IC). Les valeurs ont permis de distinguer quatre principales classes (cf. tableau 4), dont les plans d’eau (valeurs négatives).

Figure 4_Indices_IC

Tableau 4 : les classes de l’indice de coloration du sol

L’évolution de l’IC entre les deux dates (1998 et 2017), laisse apparaître une augmentation des sols très dégradés au détriment des sols dégradés (cf. tableau 5) dans toute la zone d’étude et particulièrement dans les parties Sud et Est de la zone d’étude (cf. figure 4). Les sols « très dégradés » et les sols « moins dégradés » ont connu presque le même taux d’évolution en valeur relative (cf. tableau 5).

 Tableau_5

Tableau 5 : Dynamique des classes de dégradation de sol entre 1998 et 2017

Mais en valeur absolue, la surface couverte par les sols très dégradés est nettement plus importante. Même les forêts classées, théoriquement exemptes des actions anthropiques (agriculture, pâturage, coupe de bois) sont affectées par la dégradation. Cette dégradation se manifeste par la dénudation et l’encroûtement des sols, ce qui a pour conséquences, entre autres, une baisse de productivité des sols et une forte production des ruissellements. On remarque d’ailleurs une nette augmentation des plans d’eau (mares) qui se sont formés suite à la hausse des ruissellements. Les sols non concernés par la dégradation ne couvrent qu’environ 8 % de la zone d’étude et se localisent grossièrement dans les parties Sud-est et l’Ouest (cf. figure 4).

Figure 4_Dynamique_F-classées

Figure 4: indice de coloration du sol de l’ouest nigérien en 1998 et 2017

Ainsi, il a été constaté que l’ensemble des sols de la zone d’étude présente des signes de dégradation. Néanmoins, les sols ayant le taux très élevé de dégradation sont situés sur les sommets des plateaux gréseux ; tandis que les sols sableux correspondent aux surfaces à sols dénudés dans la zone d’étude.

Corrélation entre les deux tendances

En considérant les superficies occupées, d’une part, par les classes de couverture « faible » et « très faible » comme indicateur de dégradation et, d’autre part, celles des classes « moyenne » et « dense » comme indicateur de l’amélioration de la végétation entre les deux périodes, on peut conclure globalement à une tendance au reverdissement (cf. figure 5A). Parallèlement, en analysant les indices de colorations avec, d’une part, les sols « dégradés et très dégradés » comme indicateur de dégradation et, d’autre part, les sols « moins dégradés » comme indicateur de « bon sol » (cf. figure 5B), la tendance est plutôt en faveur de la régénération des sols. Ainsi, les deux figures (5 A et B) sont cohérentes et montrent une tendance au reverdissement dans l’Ouest nigérien. Les surfaces dénudées diminuent au profit des surfaces relativement plus couvertes.

Figure 5_Dynamique- indicateurs

Figure 5 : Dynamiques des indicateurs de dégradation et d’amélioration de la végétation et des sols dans la zone d’étude

De ce rapprochement, on constate que les zones Nord (Goroual, Ayérou et Tillabéri) et centrale (Karma et Niamey) sont les plus dépourvues, avec une végétation dans un état de stress hydrique. L’IC de cette zone reste, en effet, le plus faible. Par contre, la zone ouest (Dargol et Sirba) et le Sud-ouest (Fakara) ont un couvert végétal plus ou moins fourni, bien que les sols soient dans un état dégradés (IC=10%). Le reverdissement observé dans ces secteurs est dominé par un couvert végétal moyen.

L’évolution paradoxale du reverdissement et de la dégradation du sol peut s’inscrire dans une logique temporelle. En effet, suite aux sécheresses régulières qu’a connu le Sahel entre les années 1970-1990, les couvertures végétales ont été profondément affectées, d’où la dénudation des sols. Ces derniers, désormais exposés aux pluies orageuses et intenses (Panthou et al., 2014, Vischel et al., 2015, Bahari Ibrahim et al., 2018) se sont plus en plus encroûtés par la perte des matières organiques et des éléments fertilisants. Et le retour récent à des conditions pluviométriques relativement meilleures a certes permis le développement de la végétation, mais les sols gardent encore l’effet mémoire des sécheresses et de leurs impacts. Aussi, les tendances au reverdissement et à la dégradation peuvent être les résultats des actions anthropiques pouvant conduire à l’un ou à l’autre. Quoiqu’il en soit les fortes pressions démographiques ne sont pas sans conséquence sur la distribution spatiale des ressources en sol et en végétation (Ousseini, 1994). Cela est bien ressorti dans l’étude qui montre que les dynamiques des sols et de la végétation sont bien contrastées d’un secteur à l’autre. Ces contrastes peuvent dans certains cas être bien notables suivant la gestion des terres, l’intervention des projets, et certains facteurs socio-économiques (Savadogo et al., 2015). En outre, étant donné que l’évolution de NDVI est conditionnée par la variabilité interannuelle des précipitations (San Emeterio, 2015), celle-ci peut bien induire une disparité spatiale des dynamiques végétales d’autant plus que les cumuls pluviométriques des années postérieures à 1990 sont très fluctuants. Cette variabilité interannuelle des précipitations peut être ainsi à l’origine du développement d’un couvert végétal plus ou moins régulier, souffreteux, présentant un caractère de végétation sous stress hydrique dans l’Ouest nigérien.

Dans ce contexte de tendance contradictoire, sinon mitigée, il est difficile d’évoquer la régénération des sols bien que le reverdissement progresse. Ce reverdissement permet, tout au moins de nuancer les assertions sur le caractère non réversible de la désertification au Sahel. Mais, l’irrégularité spatiale de couverture végétale implique une baisse de protection des sols, d’où leur dégradation. L’indice de coloration du sol traduit cette dégradation subséquente à la baisse du couvert végétal. De ce fait, même si de nombreuses études ont montré un reverdissement au Sahel, Descroix (2018) souligne que ce reverdissement s’accompagne de la poursuite de la dégradation de certains espaces devenus très encroûtés et imperméables, et donc contributifs du ruissellement.

CONCLUSION

Suite aux nombreux travaux qui rapportent à la fois le reverdissement et la dégradation des sols dans l’Ouest du Niger, l’approche mise en œuvre dans ce travail, distinguant les zones sous emprise de l’homme des zones classées (dépourvues théoriquement d’activités anthropiques), permet de nuancer ces tendances. Dans les zones classées, les tendances montrent clairement un reverdissement, contrairement aux zones cultivées où la tendance est plutôt mitigée. Toutefois, la définition des indicateurs de reverdissement et de dégradation des sols a permis de dégager une dynamique d’évolution cohérente qui tend globalement vers l’augmentation d’indice de la végétation. Cette dynamique met en évidence, d’une part, la forte capacité de résilience des écosystèmes de l’Ouest nigérien malgré l’évolution erratique des précipitations durant la période étudiée. Elle témoigne, d’autre part, des actions entreprises en faveur du reboisement et qui couvre timidement les sols. Cependant, les sols gardent encore les séquelles (dégradation physique, perte de matière organique et d’éléments nutritifs) des sécheresses des années 1970-1990. De ce fait, ils sont hydrologiquement peu fonctionnels malgré la reprise de la végétation. En définissant les tendances à la dégradation et au reverdissement des terres dans l’Ouest nigérien, cette étude contribue à orienter les politiques environnementales du Niger relatives à l’état des écosystèmes face à la dégradation des terres.

 

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Pour citer cet article

Référence électronique

BAHARI Ibrahim Mahamadou, MALAM Abdou Moussa, MAMADOU Ibrahim, MAMAN Issoufou, ABBA Bachir, KADAOURE Ibrahim, FARAN Maiga Oumarou & BOUZOU Moussa Ibrahim (2021). « Tendances du reverdissement et de la dégradation du sol dans l’Ouest du Niger ». Revue canadienne de géographie tropicale/Canadian journal of tropical geography [En ligne], Vol. (8) 1. En ligne le 15 août 2021, pp. 52-57. URL: http://laurentian.ca/cjtg

 

Auteurs

BAHARI Ibrahim Mahamadou
Département de Géographie
Faculté des Lettres et Sciences Humaines
Université Abdou Moumouni, Niamey, Niger
Email: ibbahari52@gmail.com

 

MALAM Abdou Moussa
Département de Géographie
Faculté des Lettres et Sciences Humaines
Université de Zinder, Niger

 

MAMADOU Ibrahim
Département de Géographie
Faculté des Lettres et Sciences Humaines
Université de Zinder, Niger

 

MAMAN Issoufou
Département de Géographie
Faculté des Lettres et Sciences Humaines
Université Abdou Moumouni, Niamey, Niger

 

ABBA Bachir
Département de Géographie
Faculté des Lettres et Sciences Humaines
Université de Zinder, Niger

 

KADAOURE Ibrahim
Centre régional AGRHYMET
Niamey, Niger

 

FARAN Maiga Oumarou
Département de Géographie
Faculté des Lettres et Sciences Humaines
Université Abdou Moumouni, Niamey, Niger

 

BOUZOU Moussa Ibrahim
Département de Géographie
Faculté des Lettres et Sciences Humaines
Université Abdou Moumouni, Niamey, Niger