The effects of overgrazing and agricultural practices on the transformation of the vegetation cover of the Koutal classified forest
Babacar FAYE
Résumé : Située dans le Département de Kaolack (Sénégal), la forêt classée de Koutal est entourée d’établissements humains. Les activités agricoles et pastorales illégales induisent d’importantes pressions sur sa couverture végétale. Outre les pressions liées aux pratiques agricoles et pastorales illégales plus ou moins légalisées, la forêt classée de Koutal connait une spéculation foncière qui se traduit par la diminution croissante de sa surface.
Mots clés : Dynamique, couvert végétal, surpâturage, pratiques agricoles, activités anthropiques
Abstract: Located in the Department of Kaolack (Senegal), the classified forest of Koutal is surrounded by human settlements. The illegal agricultural and pastoral activities induce important pressures on its vegetation cover. In addition to the pressures linked to illegal agricultural and pastoral practices, which are more or less legalized, the Koutal classified forest is subject to land speculation, which is reflected in the increasing decrease in its surface area.
Keywords: Dynamic, vegetation cover, overgrazing, agricultural practices, anthropic activities
Plan
Introduction
Matériels et méthodes utilisées
Présentation de la forêt classée
Importance de la forêt classée
Résultats des différentes études
La dynamique spatiale en 3 étapes
Situation de la zone étudiée en 1954
Situation de la zone étudiée en 1989
Situation de la zone étudiée en 2010
Comparaison des différentes mutations de la forêt classée
L’activité agricole
Activité pastorale
Conclusion
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INTRODUCTION
La dégradation du couvert végétal au Sénégal est une réalité qui affecte ses régions centrales (Faye, 2006). Elle résulte de la combinaison des facteurs naturels et anthropiques (Sambou et al, 1994) Les changements observés dans la pluviosité, la forte croissance démographique, la diminution des rendements agricoles induisent de fortes pressions sur les forêts sénégalaises notamment les forêts classées. La forêt classée de Koutal, est située à proximité de la ville de Kaolack qui se trouve au centre ouest du pays. Elle est cernée par une vingtaine de villages qui souhaitent tous l’occuper. Cette volonté d’occupation témoigne de nombreux changements qui échappent à la vigilance des autorités forestières locales (Inspection Régionale des Eaux et Forêts). En raison du peu d’intérêt scientifique porté à cet espace forestier en constante mutation, il est judicieux de l’étudier dans le triple contexte de la forte demande en terres arables, en bois de chauffe et en pâturage. Cette étude reconstitue le portrait de ce fragile écosystème menacé par l’avancée des terrains salés entre 1950 et 2010.
MATÉRIELS ET MÉTHODES
Le présent travail s’appuie sur les travaux de terrain (enquêtes auprès des acteurs, entretiens avec les personnes ressources, levés GPS), la revue documentaire, l’étude diachronique et l’inventaire floristique. Les villages situés dans un rayon de 5 km à partir de la lisière de la forêt classée ont été retenus. Ainsi 29 villages ont été répertoriés. Seuls neuf de ces villages soit 30% ont été visités à des fins d’échantillonnage. Selon la distance et la relation entretenue avec la forêt classée, l’orée est scindée en deux bandes. La première c’est une bande extérieure de 3 km le long de la lisière et au-delà, la seconde se situe entre 3 et 5 km de l’orée. Par tirage aléatoire sans remise, les villages retenus sont répartis en deux classes pour garantir la représentativité de ces implantations humaines : a) 70% pour l’auréole de moins de 3 km et b) 30% dans l’auréole distante de 3 à 5 km de la limite (cf. tableau 1 et figure 1).
Tableau 1 : choix des villages à étudier
Source : Babacar FAYE (2017)
Figure 1 : Zonage des villages par rapport à la forêt classée
Les villages sont choisis en fonction de leur relation à cet espace (relation permanente ou une pression assez faible). Du fait de la taille de sa population et de son influence indirecte sur l’espace classé, la ville de Kaolack a été exclue de l’échantillon. Compte tenu de la taille des ménages, nous avons échantillonné la moitié (1/2) des hameaux au cinquième (1/5) pour les villages ayant 250 à 15 ménages, au dixième (1/10) pour les villages et de plus de 250 ménages (cf. tableau 2).
Source : Babacar FAYE (2017)
Tableau 2 : Choix des ménages à enquêter
Les données obtenues à partir des inventaires dans la forêt classée ont été soumises à des traitements qualitatifs et statistiques ainsi qu’une lecture diachronique. Les informations quantitatives et qualitatives ont été combinées afin de permettre le recoupement avec d’autres informations et ainsi produire différentes cartes thématiques.
L’objectif de la cartographie est de dresser un état des lieux et de mettre en évidence les transformations multi-dates. Il s’agit d’élaborer des cartes d’évolution de la zone d’étude à partir des photographies aériennes dans le but d’évaluer la dynamique spatiale. Cette étude diachronique permet de déterminer les mutations spatiales et leur vitesse d’évolution et d’évaluer les pressions subies par la forêt classée. Pour y arriver, les photographies aériennes, réalisées respectivement en 1954 et 1989 et une image Google Earth de 2010 ont été mises à contribution. Ce travail est complété par des sorties sur le terrain. Elles visaient la validation des observations et la mise à jour des données de 2010.
Présentation de la forêt classée
La forêt classée de Koutal se situe à environ 2 km au Sud de la ville de Kaolack. Son altitude ne dépasse guère 40 m. Située entre 14°05’ et 14°06’de latitude Nord et 16°01’ et 16°07’ de longitude Ouest, elle a été classée par le décret numéro 2632 du 07/11/1936 et le décret d’agrandissement portant le numéro 2771 du 28-04-1950 (Dossier de classement du cercle de Kaolack (1936 et de 1950)). D’une superficie de 1890 ha, elle forme, sur la rive gauche du fleuve Saloum, une bande floristique Est Ouest d’environ 10 km de long sur 1,5 km de large. Cette forêt croît sur des sols argileux sulfaté-acide influencés par une nappe phréatique du Saloum. La végétation est de type savanicole. Seules les zones reboisées disposent d’une densité plus importante.
La forêt classée se particularise surtout par sa proximité avec la ville de Kaolack. Elle a été créée par l’administration coloniale française dans le but d’assurer l’approvisionnement de la ville en bois de chauffe. Outre ce rôle, elle sert de barrière à la progression des terres à forte salinité, car cet espace géographique est soumis à une importante influence des eaux salées du Saloum. La proximité des villages favorise une forte pression anthropique et animale qui constitue une menace considérable.
Importance de la forêt classée
En raison de sa position, la forêt classée exerce un grand rôle dans la progression des surfaces à forte salinité, car elle s’intercale entre les terroirs villageois et le fleuve Saloum où est pratiquée l’exploitation du sel. Cependant, ce dernier réussit à grignoter de vastes espaces qui se transforment en terrains salés nus des mangroves ou tanne, comme on peut le voir à Touba Sanokho. Il faut reconnaître que, même si elle ne constitue pas un frein absolu aux tannes, elle peut ralentir l’évolution surtout avec le renforcement par les digues anti-sel. Le maintien de la forêt classée peut servir de rempart pour plusieurs terroirs villageois. Au cours des dernières années la collaboration entre les forestiers et les femmes vise la requalification des surfaces nues salées qui ont occupé les pans de la forêt classée. Ce projet d’afforestation est une initiative locale. Malgré cette initiative, la forêt classée de Koutal exerce un attrait énorme sur les éleveurs des villages voisins ainsi que ceux venus de l’intérieur du pays et qui sont à la recherche de pâturages. Durant la saison pluvieuse, une partie des eaux de ruissellement se retrouve dans la forêt. Les points d’eau sous forme de marigots s’y rencontrent. Cette situation fait que les bergers n’ont pas besoin de sortir de la forêt classée, ni pour abreuver, ni pour pâturer. Ainsi se créent des campements d’éleveurs dans cette forêt classée en proie à la dégradation. Au fil du temps, les populations riveraines ont développé une vaste gamme de relations avec la forêt classée, la plus importante étant le métayage.
RÉSULTATS DES DIFFÉRENTES ÉTUDES
La dynamique spatiale en 3 étapes
La dynamique spatio-temporelle de la zone a été étudiée sur la période 1954-2010. La cartographie de la dynamique des formations végétales et des autres unités d’occupation du sol a été analysée à travers les cartes de la végétation de 1954, de 1989 et de 2010. L’évolution de ces formations entre ces trois périodes a été ensuite évaluée à travers la matrice de transition (tableaux croisés) et le taux de conversion.
Situation de la zone étudiée en 1954
La physionomie de la végétation de la forêt classée de Koutal et de ses environs était largement dominée par la savane arborée et arbustive. Leur distribution spatiale plus ou moins uniforme comprenait des parcelles cultivées et des jachères situées à proximité des installations humaines (cf. figure 2).
Figure 2 : Unités d’occupations du sol autour de la FC Koutal en 1954
Situation de la zone étudiée en 1989
En 1989, la physionomie était dominée par les savanes arborées et arbustives et les steppes arbustives. Les tannes étaient situées autour des cours d’eau salé, contrairement en 1954. La part des cultures était aussi très significative dans la zone alors que celle des jachères était de plus en plus réduite (cf. figure 3).
Figure 3 : Unités d’occupations du sol autour de la FC Koutal en 1989
On assiste à l’évolution du front des mosaïques de champs des agglomérations vers les formations végétales naturelles. Cette même situation est constatée par la progression des tannes vers la zone forestière. Les installations humaines croissent elles aussi au détriment de la zone forestière comparativement à la situation de 1954.
Situation de la zone étudiée en 2010
La situation est dominée par les mosaïques des champs qui occupent 29% de la surface étudiée. Les formations végétales constituées de savanes et de steppes reculent au détriment des tannes et des surfaces cultivées (cf. figure 4). On constate alors que les savanes arborées et boisées ont totalement disparu. Elles ont été remplacées par les savanes dégradées et herbeuses.
Figure 4 : Unités d’occupations du sol autour de la FC Koutal en 2010
Comparaison des différentes mutations de la forêt classée
La dynamique des formations végétales a des effets sur la structure et la composition floristique. C’est pourquoi il est important de revenir sur leur situation initiale.
Dynamique des formations végétales de 1954 à 1989
Les cartes de végétation de 1954 et de 1989 ont permis d’analyser l’évolution de la végétation de 1954 à 1989. La dynamique de formations végétales est synthétisée par la matrice de transition. Dans les cellules des lignes et des colonnes se trouvent respectivement les unités d’occupation du sol de 1954 et de 1989. Celles de la diagonale correspondent aux superficies des unités qui sont demeurées stables de 1954 à 1989. Dans cette matrice, les unités qui sont en dehors de la diagonale représentent les changements des unités d’occupation du sol (cf. tableau 3).
Source : interprétation des photographies aériennes de 1954 et 1989
Légende : CE : cours d’eau, DF : défluent fossile, SAr : savane arborée, SBus : savane arbustive, SD : savane dégradée, SH : savane herbeuse, ST : steppe arbustive, TA : tanne, JA : jachère, CU : culture, PL : plantation, SAB : sablière, SL : saline, ZH : zone habitée, CI : cimetière, SB : savane boisée.
Tableau 3 : Matrice de transition des unités d’occupation du sol de 1954 à 1989
L’examen du tableau permet de retenir que 14 classes d’occupation du sol ont été observées en 1954 et 13 classes en 1989. Le taux de conversion qui s’élève à 51,41% au bout de 35 ans montre que la moitié des formations végétales et des autres unités d’occupation du sol sont les transformées.
La forêt classée de Koutal est une belle illustration du dépérissement d’une structure végétale jadis relativement dense. Les facteurs de destruction du couvert végétal sont autant d’ordre anthropique (les effets de bordure ne sont pas épargnés) que naturel. L’espace classé a été considérablement affecté par deux faits anthropiques majeurs. Il s’agit de l’élevage et l’accroissement des surfaces cultivées. Il ne subsiste qu’une étroite bande forestière, faiblement pourvue en espèces, au prise avec des incursions à répétition des bergers et de leur troupeau en quête de pâturage. Ces incursions ont accéléré la formation de buissons et d’arbustes. Recherchons l’impact des activités agricoles et pastorales sur la forêt classée de Koutal.
L’activité agricole
L’avancée du front agricole
Le déficit pluviométrique de ces dernières décennies se répercute sur la production agricole. Il se traduit par la réduction des rendements et par pression plus accrue sur la forêt. Ainsi, d’année en année les paysans défrichent une partie de la forêt communautaire espérant obtenir de meilleurs rendements. La pression anthropique est d’autant plus forte que de migrants agricoles viennent s’installer aux abords de la forêt classée de Koutal. La lecture des données démographiques indique plus de 60% de la population des trois villages les plus proches sont venus d’ailleurs. À cela s’ajoutent une très forte demande en terres cultivables et la spéculation foncière toujours plus importante qui ont donné lieu à de multiples contrats de culture au sein même de la forêt classée sans le moindre respect du code forestier.
Les contrats de culture
L’Inspection Régionale des Eaux et Forêts de Kaolack (IREF), en collaboration avec les populations locales signent de plus en plus des contrats de location de parcelles situées à l’intérieur de la forêt classée de Koutal. L’objectif étant de la restaurer. Ces contrats doivent mentionner : l’emplacement et la superficie de la parcelle accordée ; la nature de la culture et de l’ordre de l’assolement ; les dates de délivrance et d’expiration de l’autorisation ; et la liste des bénéficiaires.
L’affectataire d’un terrain résultant d’un contrat de culture s’engage, sous peine de résiliation du contrat à : procéder à l’abattage des arbres à raz-de-terre, sans mutilation ni incinération des souches ; respecter les semis, les protéger du feu et du bétail et les entretenir au même titre que les cultures pendant la durée du contrat ; abandonner le terrain à l’expiration du contrat ; et respecter toute clause spéciale prévue dans le contrat. Selon l’article 17 du code forestier, « les contrats de culture devraient avoir une durée de trois ans au maximum et être clairement définis quant à la surface concernée, à la localisation et aux cultures autorisées. Ils ne sauraient donc être considérés, en aucun cas, comme des affectations permanentes. Au terme du contrat, l’intéressé perd, au profit de l’État ou de la collectivité locale, selon le cas, toute infrastructure édifiée sur le terrain ». La réalité du terrain est en contradiction avec les textes du code forestier, pour plusieurs raisons. La surface occupée par les contrats de culture n’est pas clairement définie par les forestiers. Le périmètre s’agrandit d’année en année, ce qui fait que les espaces de culture augmentent et la forêt laisse la place à l’exploitation agricole. Les bénéficiaires violent constamment les accords prétextant qu’ils n’ont pas d’espaces de culture et que c’est le seul moyen d’en obtenir. La durée de mise en culture reste indéterminée pour ces agriculteurs. Le contrat impose aux bénéficiaires de reboiser, à l’intérieur des terres octroyées, mais tel n’est pas le cas dans la forêt classée de Koutal même s’il se présente comme le but essentiel du contrat.
Impacts des villages riverains
Concernant le cas de Koutal Léproserie, la première difficulté vient des contrats de culture dans la forêt classée de Koutal qui s’élèvent à 75 ha, depuis 2004 ; selon l’IREF de Kaolack et 150 ha selon les populations interrogées qui trouvent la zone favorable à la culture de gombo. Elles bénéficiaient d’un droit d’exploitation de bois d’énergie et ont défriché progressivement l’espace, en fabriquant des meules de charbon de bois et le commerce du bois de chauffe. Cette situation a poussé les irréguliers (agriculteurs) à empiéter progressivement sur les zones périphériques. Le service des Eaux et Forêts a menacé en 2006 de rompre les contrats à cause du non-respect des protocoles d’accord, ce qui n’est pas toujours le cas. Les études faites en 2006, 2007, 2010, 2014 et 2017 confirment que les populations continuent à exploiter ces espaces considérés comme leur propriété, ce qui se voit à travers ces photos prises sur le terrain (cf. photos 1, 2 et 3).
(Cliché : B .FAYE, 2007, 2010 et 2014)
Photo 1, 2 et 3 : Aspects des zones sous contrat de culture depuis 2004 à nos jours
Vu l’état actuel de cette forêt, les bénéficiaires n’ont pas laissé d’espaces pour les espèces à reboiser, dans leurs champs, d’où l’échec de cette politique qui ne contribue nullement au maintien de la forêt. Il faut signaler que certains villages comme Koutal Ouolof et Touba Sanokho se situent aussi à la lisière de la forêt classée. Donc la proximité entre forêt classée et zone d’habitation constitue un facteur d’empiétement, mais surtout d’exploitation. Depuis 2009, les populations de Koutal Ouolof ont aussi bénéficié de contrats de culture vers la partie Ouest, à proximité de l’aire de restauration. Elles exploitent cet espace en opérant des activités de reboisement, mais les espèces préexistantes ont toutes été coupées, ce qui revient à la situation précédente. Et pourtant le Service Forestier continue à distribuer des contrats de culture à des partenaires qui ne respectent jamais les accords. En 2010, des personnes ont cultivé à l’intérieur de la forêt classée sans contrats de culture puisqu’ils étaient caducs.
Manque de terres de culture en milieu rural
La répartition des champs en milieu rural est faite de façon très déséquilibrée selon l’héritage familial, l’effectif et l’affectation aux nouveaux venus. Certains disposent d’un nombre suffisant contrairement à d’autres. Selon les enquêtes effectuées sur le terrain, 90% de la population rurale vit un déficit de terres de culture ou de l’appauvrissement des sols, d’où le déplacement des cultures vers la forêt. Or, l’espace forestier résiduel est constitué par la forêt classée dont les règlements n’autorisent pas la culture, sauf en cas de contrat de culture.
Activité pastorale
Des éleveurs
Comme les agriculteurs, les éleveurs ont investi tous leurs biens dans les animaux, avec qui, ils sont en quête perpétuelle de pâturages. L’étalement des villages et des zones de culture sont confrontés à la diminution de l’espace vital. Ainsi, les éleveurs ont tous les yeux tournés vers la forêt classée ce qui préfigure de potentiels conflits spatiaux.
Éleveurs et forêt classée
Les forêts classées représentent des espaces très vitaux pour les pasteurs, car étant les seuls parcours disponibles et propice pour leurs activités. La strate herbacée est abondante en saison pluvieuse et l’ébranchage des arbres (notamment le baobab) permet aux éleveurs de complémenter l’alimentation des troupeaux en saison non pluvieuse. Les éleveurs apprécient beaucoup Koutal et sa forêt classée, principal point de convergence des bergers, surtout en saison pluvieuse. Compte tenu de la faible capacité (taille) de la forêt classée à accueillir le bétail, les éleveurs, se sentant menacés, ont commencé à participer à son maintien. Il faut rappeler que les champs et les « tanne » occupent une très grande partie de ce fragile espace géographique. La situation montre que l’espace est partagé par plusieurs éleveurs notamment ceux nomades et les sédentaires. Ces derniers sont obligés de supporter la présence des nomades qui participent à l’épuisement le fourrage et au vol du bétail (cf. graphique 1).
FAYE B., enquêtes 2017
Graphique 1 : Relations entre éleveurs sédentaires et transhumants de la région étudiée
Pâturage
La forêt classée de Koutal représente pour les éleveurs le seul endroit où ils peuvent déplacer leurs animaux, sans être confrontés à des conflits avec les paysans. L’intérêt de cette forêt dans la région étudiée est lié à l’existence de bons pâturages. En saison pluvieuse, tous les éleveurs y affluent, et le fourrage s’épuise très vite pendant la saison sèche. La seule option qui reste alors aux éleveurs est l’exploitation du fourrage aérien disponible. Ainsi, chaque année, les bergers élaguent certains arbres pour affourager le bétail. Cette pratique conduit à l’épuisement des individus ciblés, d’où son impact négatif et sa contribution à la dégradation de la forêt classée de Koutal. Il devient de plus en plus difficile aux populations riveraines de récolter les produits forestiers non ligneux comme les fruits de baobab (pain de singe). Les résultats des inventaires effectués récemment (tableau ci-dessous) et de la cartographie (étude diachronique) confirment cette remarque (cf. tableau 4).
Regain d’intérêt pour le fourrage
L’intérêt porté à la conservation et à la protection de fourrage a donné naissance au périmètre de protection au sein de la forêt classée de Koutal. L’action des femmes a donc créé un impact positif pour la conservation de l’espace protégé, à travers sa nouvelle image, la régénération de plusieurs espèces qui refont surface, l’exploitation du fourrage herbacé. Ce périmètre clôturé commence à générer des profits intéressants mais l’image contre-productive véhiculée, dans l’esprit de nombreuses personnes, est que la forêt classée se résume uniquement à cette zone clôturée, ce qui accroît la pression sur le reste de l’espace, très convoité par les agriculteurs et éleveurs (cf. photos 4, 5 et 6).
Source : Dossier de classement, SAMBOU B. et al (1994) complété par FAYE B. (2006, 2007 et 2010)
Tableau 4 : Comparaison des espèces inventoriées dans la FC Koutal de 1936 à 2010
Source : Étude de terrain, 2014
Photos 4, 5 et 6 : Aspects du périmètre de restauration
CONCLUSION
En l’absence de la vigilance et de l’application de la loi la quasi-totalité de l’espace périphérique est exploité à des fins agricoles. On doit cette situation à la forte croissance démographique et à l’exode rural. Ces populations qui ont pris d’assaut ce fragile espace publique font face à un mouvement d’expropriation initié par des promoteurs privés qui lotissent et vendent le domaine de l’État. Voilà comment la forêt classée de Koutal est devenue l’objet d’une spéculation foncière de plus en plus organisée. L’expression « espace protégé » soulève alors des interrogations légitimes. La protection reste une chose à vérifier dès lors que l’exploitation forestière et agricole s’effectue sans risque dans la forêt classée par les populations les plus proches. Le rétrécissement de la surface de la forêt classée, la cohabitation entre espaces cultivés et pâturages deviennent source de nombreuses tensions qui peuvent se transformer en conflit ouvert entre éleveurs, agriculteurs et les autochtones. Ces tensions de plus en plus palpables depuis plusieurs années maintenant pourraient déboucher sur un conflit qui conduirait à une disparition éventuelle de la forêt classée de Koutal.
Références bibliographiques
ARCHIVES NATIONALES DU SÉNÉGAL : Dossiers sur les forêts classées du Sénégal. Réf : 3 R 121 (169). Cercle de Kaolack. Code : de B à M. 1933-1952. 20 dossiers.
BAKHOUM Demba. 2005 : Étude géographique de la filière laitière au Sénégal : la production dans la proche banlieue de Kaolack. Mémoire de Maîtrise de géographie (FLSH). Université Cheikh Anta Diop de Dakar.
BERHAUT J. (1967) : Flore du Sénégal. 2ème édition Clairafrique Dakar. 485 p.
FAYE Babacar. 2006 : État et dynamique actuels des forêts classées dans le département de Kaolack. Mémoire de Maîtrise. Département de Géographie (FLSH) ; UCAD de Dakar.
FAYE B. 2007 : Étude de la dynamique d’espaces forestiers adjacents à partir d’une approche comparée de techniques d’inventaire (les FC de Koutal et Kouyong près de Kaolack), Mémoire de DEA. Département de Géographie (FLSH) ; UCAD de Dakar.
NDIAYE Paul. 1986 : Méthodes d’inventaire, analyse et cartographie de la végétation. Exemple de l’embouchure du Saloum (Sénégal). Notes de Biogéographie n°1 ; publication du Département de Géographie. FLSH. Université de Dakar. P 22-37.
RÉPUBLIQUE DU SÉNÉGAL, Direction de la Prévision et de la Statistique, janvier 2004 : Projection de Populations du Sénégal issues du recensement de 2002. Ministère de l’Economie et des Finances. 36 p.
SAMBOU Bienvenu et al ; (1994) : Etude comparative des modifications de la flore et de la végétation ligneuse dans les forêts classées de Koutal et de l’île de Kouyong (Centre Ouest du Sénégal). In Journal d’Agriculture et de Botanique Appliquée. Nouvelle série, volume XXXVI (I), pp. 87 à 100.
Pour citer cet article
Référence électronique
Babacar FAYE (2021). « Les effets du surpâturage et des pratiques agricoles dans la transformation du couvert végétal de la forêt classée de Koutal ». Revue canadienne de géographie tropicale/Canadian journal of tropical geography [En ligne], Vol. (8) 1. En ligne le 15 août 2021, pp. 21-25. URL: http://laurentian.ca/cjtg
Auteur
Babacar FAYE
Biogéographe
Département de Géographie
FLSH-UCAD-Dakar
E-mail: babacarfaye22@hotmail.com