Profil du vécu socioprofessionnel des femmes au Cameroun

Profile of women’s socio-professional experience in Cameroon

MEVA’A ABOMO Dominique 


Résumé: Cette recherche pose le problème du vécu socioprofessionnel des femmes au Cameroun. Il ressort de cette étude menée à partir d’une méthode mixte de recherche que la femme Camerounaise est continuellement en situation d’insécurité socioprofessionnelle. Un profil de dix caractéristiques majeures du vécu socioprofessionnel de cette catégorie sociodémographique a été dressé : – L’ambivalence du phénomène de discrimination (en faveur, puis, en défaveur) du genre féminin lors des recrutements et des promotions ; – Une persistance significative des recrutements des femmes sans un contrat de travail ; – Une forte violation des droits sociaux des employées ; – Le déficit de couverture social des employées ; – La prégnance du phénomène de harcèlement sexuel et sectaire des employées ; – La forte prévalence des cessations de travail précoces chez les femmes ; – Un important capital de confiance à l’endroit du genre féminin en milieu de travail ; – La rareté de cas de discrimination en matière de traitement salarial liée au genre ; – La forte prévalence du sentiment d’insécurité socioprofessionnelle chez les employées ; – Un continuum urbain/rural d’insécurité socioprofessionnelle féminine s’intensifiant de la ville vers la campagne qui est un véritable « No socio-professional rights land ». L’étude prescrit l’élaboration d’une stratégie nationale de lutte contre l’insécurité socioprofessionnelle féminine promouvant la syndicalisation féminine, l’élaboration d’un système d’Information, Éducation et Communication (IEC) contre l’insécurité socioprofessionnelle féminine, le renforcement de la répression en la matière…  

Mots clés: Profil, vécu socioprofessionnel des femmes, insécurité socioprofessionnelle féminine, continuum urbain/rural d’insécurité socioprofessionnelle féminine, stratégie nationale de lutte contre l’insécurité socioprofessionnelle féminine    

Abstract: This research raises the problem of the socio-professional experience of women in Cameroon. The study, which was conducted using a mixed research method, shows that Cameroonian women are continually in a situation of socio-professional insecurity. A profile of ten major characteristics of the socio-professional experience of this socio-demographic category was investigated. The ambivalence of the phenomenon of discrimination, (in favor of, then against); the female gender during recruitment, and promotion; – A significant persistence of recruitment of women without an employment contract; – A strong violation of the social rights of female employees; – The lack of social security coverage for female employees; – The prevalence of the phenomenon of sexual and sectarian harassment of female employees; – The high prevalence of early termination of employment among women; – A high level of trust in the female gender in the workplace; – The rarity of cases of gender-based discrimination in terms of salary treatment; – The high prevalence of a feeling of socio-professional insecurity among female employees; – An urban/rural continuum of female socio-professional insecurity that intensifies from the city to the countryside, which is a real “No socio-professional rights land”. The study prescribes the development of a national strategy to combat female socio-professional insecurity, promoting female unionization, the development of an Information, Education and Communication (IEC) system against female socio-professional insecurity, the strengthening of repression in this area… 

Keywords: Profile, socio-professional experience of women, female socio-professional insecurity, urban/rural continuum of female socio-professional insecurity, national strategy of the fight against female socio-professional insecurity
 

Plan


Introduction
L’ambivalence du phénomène de discriminations (en faveur, puis, en défaveur) du genre féminin lors des recrutements et des promotions socioprofessionnelles
Une persistance significative des recrutements des femmes sans un contrat de travail en toute légalité
La forte prévalence des cessations de travail précoces chez les femmes entre démission et licenciement abusif
Le déficit de couverture social en milieu de travail
La prégnance du phénomène de harcèlement sexuel et sectaire en milieu professionnel
Une forte violation des droits sociaux des femmes en milieu de travail
Un important capital de confiance à l’endroit du genre féminin en milieu de travail
Une rareté de cas de discrimination en matière de traitement salarial liée au genre
La forte prévalence du sentiment d’insécurité socioprofessionnelle chez les femmes
Un continuum de discrimination et d’insécurité socioprofessionnelle des femmes s’intensifiant de la ville en campagne
Conclusion

Texte intégral                                                                                Format PDF 


Introduction

Le secteur de l’emploi est régi au Cameroun par une législation particulièrement souple et flexible. Le code du travail[i] a légalisé de nouveaux statuts d’emploi à l’exemple du travail temporaire, du travail occasionnel, de l’engagement à l’essai, etc. depuis près d’une trentaine d’années (Ministère du travail et la prévoyance sociale du Cameroun, 2006 et 1993). Il s’agit d’une véritable libéralisation du champ de négociations entre employeur et employé. La législation du secteur de l’emploi a ainsi optimisé et facilité la possibilité de recrutement des chercheurs d’emploi. Par ailleurs, cette libéralisation a aussi favorisé l’émergence d’un ensemble de pratiques abusives qui précarisent l’emploi et vulnérabilisent le travailleur, d’autant plus que les violations du code du travail sont difficilement réprimandées (Nkolo Asse Sosso, 2015 ; Terreta, 2007 ; Sindjou, Owonna Nguini, 2000). Les femmes constituent la catégorie de la population active la plus exposée et la plus vulnérable à ces abus (Mouich (2007a ; Okani, 2003 ; Moghadam, 1994). Ces réalités sont le fondement de la présente étude qui pose le problème du vécu socioprofessionnel des femmes au Cameroun. L’objectif de cette recherche est d’analyser et de profiler ce vécu dans le but de parvenir à une meilleure connaissance scientifique de la situation réelle de cette catégorie de la population active qui est à 79,2% en situation de sous-emploi, avec un taux de chômage de 4,5 % contre 3,1% chez les hommes (Ministère de la Promotion de la Femme et de la Famille, 2019). L’enjeu ici est la promotion de l’encadrement socioprofessionnel des femmes et la réduction des abus à leur encontre, afin que cette catégorie de la population exposée et sensible, mais démographiquement majoritaire (51 %), contribue efficacement au développement national (BUCREP, 2010 ; BIT, 1999).

Cette étude s’appuie sur la méthode mixte de recherche qui combine les démarches quantitative et qualitative. Elle exploite les données issues de la recherche documentaire d’une part, et des données empiriques obtenues à partir des investigations complémentaires menées dans la ville de Douala, vitrine par excellent du paysage urbain national camerounais où ces abus prospèrent et restent particulièrement en puissance d’autre part. En principe, Douala est la capitale économique du Cameroun grâce à son port fluvial et son tissu industrio-commercial qui est le plus important aux échelles tant nationale que sous régionale[ii] . Ce tissu représente environ 31,2 % du Produit Intérieur Brut (PIB), 35% des unités de production industrielle et 65% du poids économique du pays (C.U.D., 2014). Le potentiel économique de la ville en fait l’un des principaux pôles d’attraction des migrations aux échelles nationale et sous régionale ; un véritable El Dorado pour les migrants au sens de Etoa Ndende (2018). Cette mégapole sous régionale de plus de 3 millions d’habitants, soit environ 14 % de la population nationale, compte 90 marchés, dont 56 formels et 24 informels (C.U.D., 2014). Il est observé une quasi-transformation des trottoirs en espaces marchands longitudinaux où les acteurs informels exercent dans des conditions qui ne respectent toujours pas la législation du travail en vigueur. Cette réalité a amené Longouo Silatsa (2015) à qualifier Douala de « ville comptoir » à la suite de Hatcheu (2003) qui parlait de « ville marché ». Ce secteur informel représente plus de 77 % de l’économie urbaine (C.U.D., 2014), et plus de 90 % de l’économie nationale (Kengne Foduop, 2013). Il s’en déduit que plus de 77 % d’emplois urbains sont informels ; par généralisation, plus de 90 % d’emplois au Cameroun sont informels, et donc, précaires et à risque.

Ces emplois précaires sont globalement en nette croissance dans la ville de Douala depuis 2014 avec l’arrivée massive de plusieurs vagues de migrants internes. En principe, les incursions des terroristes de Boko Haram dans la région de l’Extrême-Nord, et surtout, l’instabilité sociopolitique des régions d’expression anglaise du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, ont généré d’importants déplacements internes des populations durant toute la deuxième moitié des années 2010 (Machikou, 2018 ; Mendam Nsa, 2017 ; Nkendah et Bayemi, 2017) avec pour point de chute privilégié : la ville de Douala. Ce privilège est fonction de la perception et de la représentation d’El Dorado socialement construites sur cette mégapole. Meva’a Abomo (2019 : 44) souligne à cet effet que : « Cette mégapole est particulièrement en proie à la migration féminine de par la multitude d’opportunités qu’elle offre. La rareté des emplois et l’absence de qualification amènent plusieurs migrantes à développer des « stratégies d’insertion sociétale faciles » évoquées plus haut, et parmi lesquelles, la prostitution, la natalité de lutte contre la pauvreté, ». Le phénomène d’asile de pauvreté déjà constaté par Meva’a Abomo, Abessolo Nguema et al. (2013) se confirme une fois de plus. L’un des effets induits de cette brusque croissance de la population est l’augmentation rapide du nombre de demandeurs d’emplois. La libéralisation du secteur de l’emploi évoqué plus haut est, cependant, en défaveur de ces derniers dans un tel contexte où l’offre d’emplois est largement inférieure à la demande. Il en résulte un renforcement de la précarité des emplois et des abus socioprofessionnels. Les femmes en sont le plus exposés non seulement dans l’espace d’étude, mais dans tout le pays par généralisation (Kamdem, Ikellé, 2011 ; et Sindjoun, 2000). En définitive, la métropole de Douala se révèle comme étant une miniaturisation du paysage urbain national camerounais ; un laboratoire d’observation et d’analyse par excellence des dynamiques socioprofessionnelles urbaines nationales.

Des investigations complémentaires se sont révélées nécessaires dans ce laboratoire pour dresser un cliché du paysage urbain en matière de vécu socioprofessionnel des femmes urbaines. Elles se sont articulées autour de quatre sondages directifs et des entretiens semi-directifs. En ce qui concerne les sondages, le premier a été mené auprès de 200 employées au moment de l’étude et sélectionnées partir de l’échantillonnage par quota. Cinq secteurs pourvoyeurs d’emplois formels ont été retenus pour l’étude et un quota de 40 employées a été échantillonné dans chacun. Il s’agit des secteurs public, parapublic, privé très structuré (constitué de sociétés anonymes – SA), privé moyennement structuré (constitué de sociétés à responsabilité limité – SARL) et le privé peu structuré (constitué d’établissements)[iii] . Le second sondage a été mené auprès de 100 femmes ex-employées de chaque secteur sélectionné à partir de l’échantillonnage par quota, soit un quota de 20 ex-employées par secteur. Le troisième sondage a été mené auprès de 20 femmes chefs d’entreprise sélectionnées partir de l’échantillonnage probabiliste. Le quatrième a été mené auprès de 40 femmes chercheuses d’emploi au moment de l’étude et sélectionnées à partir de l’échantillonnage probabiliste. Dans l’ensemble, 300 femmes actives ont fait l’objet de sondage directif. D’autres données ont été collectées à partir des entretiens semi-directifs menés auprès des femmes exerçant dans le secteur informel, puis, auprès des hommes (employés, chômeurs et employeurs) afin d’apprécier les points de vue du genre masculin sur le vécu socioprofessionnel des femmes. Les données empiriques recueillies sur le terrain ont fait l’objet d’une double analyse. Les données de sondages ont fait l’objet d’une analyse statistique à l’aide d’un logiciel approprié (SPSS.21). Les données d’entretien ont été exploitées à partir de l’analyse qualitative de contenu. Ces différentes analyses permis de dresser un profil du vécu socioprofessionnel de cette catégorie de la population active. La restitution de l’étude s’articule sur la présentation des dix caractéristiques majeures dudit profil.

L’ambivalence du phénomène de discriminations (en faveur, puis, en défaveur) du genre féminin lors des recrutements et des promotions socioprofessionnelles

La première caractéristique majeure du profil socioprofessionnel des femmes au Cameroun est l’ambivalence du phénomène de discrimination lors des recrutements et des promotions en milieu de travail. Dans un premier temps, cette discrimination est en faveur du genre féminin. Elle est initiée par l’État dans le cadre de la politique nationale de promotion du genre féminin au Cameroun. Elle s’articule sur la priorisation des candidatures féminine dans les concours d’entrée dans les grandes écoles et les recrutements de la fonction publique. Il s’agit donc d’une discrimination institutionnelle et structurelle. En principe, si la population camerounaise est majoritairement féminine (51 %), cette situation s’inverse en matière de scolarisation. D’après Ministère de la Promotion de la Femme et de la Famille (2019 : 7), « L’indice de parité entre les sexes dans l’enseignement supérieur est de 1,29. Selon les données de CELSTAT/DEPS/MINESUP, 2014 et 2015, les universités d’État au Cameroun ont un effectif global qui s’élève à 229.056 étudiants soit 56,40 % pour les garçons contre 43,60% pour les filles. ». La sous scolarisation des femmes renforcée par le déficit de qualification, limite leur représentativité quantitative et qualitative lors des recrutements. L’adoption d’une politique étatique de priorisation du genre féminin en cas d’égalité de niveau d’étude avec les hommes tend à restaurer une certaine équité sociale. Les femmes sont mêmes majoritaires dans les corps des instituteurs et des infirmiers dans les villes (Nkolo Asse Sosso, 2015). Cette discrimination en faveur du genre féminin se heurte cependant à la forte prégnance de la corruption, du tribalisme et du népotisme déjà dénoncés par Kengne Fodouop (2015, 2013) lors des recrutements par concours dans les grandes écoles et à la fonction publique.

La discrimination en défaveur du genre féminin est davantage perceptible dans le secteur privé où la priorité n’est pas systématiquement accordée aux femmes en cas d’égalité de niveau d’étude avec les hommes. Les tares sociales telles que le tribalisme, le népotisme, la corruption… renforcent ces discriminations à l’échelle nationale conformément au constat de. Une préférence des hommes lors des recrutements dans le secteur privé a même été constatée auprès de la majorité (55 %) des femmes chefs d’entreprise investiguées. La déstabilisation socioprofessionnelle facile des femmes associées à la modification des statuts conjugal (mariage et regroupement familial), et matrimonial (maternité), la sous qualification, la cohabitation facile avec les hommes… sont autant de mobiles convoqués pour justifier cette préférence.

La promotion socioprofessionnelle, et plus précisément, à des postes de responsabilité demeure également discriminatoire suivant la même ambivalence à l’endroit des femmes au Cameroun, bien que des améliorations soient observées. A l’échelle nationale, 15,71 % de femmes sont membres du gouvernement (ministres et assimilées). Aucune femme n’a encore été promue Gouverneur de Région. 2 Préfets sont femmes sur 58 dans l’administration territoriale. Dans les forces armées, aucune femme n’a encore été promue Générale et une seule a jusqu’ici été promue colonelle. Dans la gouvernance municipale nationale, 8,3 % d’exécutifs municipaux sont dirigés par des femmes dans la législature 2012-2017… Si plusieurs femmes sont chefs d’entreprise, leur proportion reste nettement inférieure à celle des hommes.

La discrimination des femmes est également perceptible en matière de promotion interne dans les structures publiques, parapubliques et même privé dans un contexte sociodémographique national où les femmes sont majoritaires (Abessolo Asseko, 2011 ; Efoua Zengue, 2003). Une préférence des hommes à des postes de responsabilité a été signifiée par 60 % de femmes chefs d’entreprise investiguées. En plus des motifs sur-convoqués, une chef d’entreprise souligne (Témoignage N°1) à cet effet qu’« il faut prioriser la recherche du résultat lors de la responsabilisation des personnels en entreprise. Nous recherchons donc celui ou celle qui incarne le sens de pragmatisme, la stabilité, le professionnalisme, la compétence, la disponibilité… Sur ces points, les femmes ont encore du chemin au Cameroun. Quelques-unes se distinguent, certes. Mais, dans l’ensemble, on n’y est pas encore. Il y a encore du chemin… »[iv] . Ce témoignage est révélateur de l’insuffisance ou de l’efficacité relative des actions initiées en matière de promotion du genre féminin au Cameroun. Il met également en évidence la participation des femmes elles-mêmes dans leur discrimination telle que constatés par Abessolo Asseko (2011) et Onana (2006), tout comme les motifs évoqués plus haut en faveur des recrutements des hommes par rapport aux femmes.

Une persistance significative des recrutements des femmes sans un contrat de travail en toute légalité

Le second trait caractéristique majeur du vécu socioprofessionnel des femmes au Cameroun est le sous engagement des femmes sur la base d’un contrat de travail en toute légalité. Le secteur public se démarque par une contractualisation de la quasi-totalement (100 %) des femmes engagées. Le privé faiblement structuré (constitué d’établissements) est la composante du secteur formel où les femmes sont le plus engagées sans contrat de travail à la base (92,5 %). Une variation de la contractualisation des femmes embauchées est donc observée entre les différentes composantes du secteur formel (Figure 1). Dans l’ensemble, 100 % et 36,5 % de femmes exerçant respectivement dans les secteurs informel et formel travaillent sans un contrat de travail légal.

Source : Enquête de terrain, septembre-novembre 2019
Figure 1 : Évaluation de l’engagement des femmes sur la base d’un contrat de travail légal

Trois types de contrat de travail ont été identifiés sur le plan qualitatif. Le premier type explicite clairement les devoirs et obligations socioprofessionnels des employées, puis leurs droits et avantages autant généraux que spécifiques à la féminité, en toute conformité théorique avec code du travail camerounais. Ce type de contrat théorique est quasiment observé dans les organisations des secteurs public et parapublic. Il est également observé dans certaines organisations des secteurs privés fortement structurés et moyennement structurés. Le second type explicite aussi clairement les devoirs et obligations socioprofessionnels des employées, ainsi que leurs droits et avantages ; il offre cependant de meilleurs avantages théoriques aux femmes par rapport au premier type de contrat. Le second type de contrat est observé dans le secteur privé fortement structuré et dans le secteur parapublic exclusivement. Le troisième type explicite davantage les devoirs et obligations par rapport aux droits et avantage des employées autant générales que spécifiques à la féminité. Il est généralement observé dans les secteurs privés moyennement et faiblement structurés. Si avoir un contrat de travail en théorie est déjà une grande victoire, il faut cependant reconnaître que son contenu qualitatif ne garantit toujours pas l’épanouissement socioprofessionnel de l’employée. Il est également important de souligner que cette pratique d’engagement non contractuelle n’est pas discriminatoire aux femmes. Même les hommes en sont similairement victimes.

La non-contractualisation formelle des employées est une pratique entretenue par des employeurs pour quatre motifs majeurs. Le maintien de l’incertitude socioprofessionnelle est le premier motif. Il est considéré par 75 % de femmes chefs d’entreprise enquêtées comme un facteur de soumission et d’annihilation de toute tentative de revendication socioprofessionnelle excessive. La facilité du débauchage constitue le second motif majeur évoqué par 95 % de femmes chefs d’entreprise enquêtée. Il est justifié par la forte régularité des mésententes entre l’employeur et l’employée basées généralement sur le refus de certaines conditions de travail et/ou abus par l’employée. Il est également considéré comme un levier de flexibilité face au déficit de professionnalisme induisant des fautes lourdes et des pertes à l’entreprise conformément au Témoignage N°2 suivant d’une chef d’entreprise enquêtée :

« …Les jeunes filles qui viennent demander le travail ici son généralement non qualifiées. Mêmes celles qui viennent de l’université manquent d’aptitudes pratiques. Et là, il faut se réserver de les contractualiser sans s’être rassurer de leur apport réel et durable dans la boîte. Elles sont souvent arrogantes et prétendent tout connaitre. En plus, elles commettent souvent des erreurs graves… ; … il y a une qui m’a causé de lourdes pertes ici et moi, je ne pouvais plus la garder. Je l’ai licencié et recruté une autre fille… »[v] .

Autrement dit, le déficit de compétence et de professionnalisé chez les femmes amène les employeurs à opter pour une certaine prudence en matière de contractualisation ; et ce, même s’il faut violer le code du travail. Le troisième motif évoqué par 80 % de chefs d’entreprise enquêtées est relatif au coût de l’engagement contractuel formel. Les employeurs estiment que leurs entreprises ne produisent pas suffisamment de marges bénéficiaires permettant une prise en charge complète des employées, et surtout, de leurs droits sociaux. Le quatrième motif reconnu par 35 % chefs d’entreprise enquêtées seulement, et en s’y dédouanant d’ailleurs, est relatif à l’intention d’une exploitation abusive des employées, sans une quelconque garantie de protection socioprofessionnelle de ces dernières. Les employeurs se réservent ainsi de produire eux-mêmes des documents qui peuvent leur être juridiquement préjudiciables. Le Témoignage N°3 ci-après renseigne à suffisance sur les pratiques abusives autour du contrat du travail dont les femmes sont victimes :

« J’ai été débauchée de mon travail il y a deux mois sans un quelconque préavis. Semble-t-il, c’est une pratique régulière de mon ex-employeur qui n’a pas voulu me signer un contrat de travail l’an surpassé à mon recrutement. J’ai demandé ce contrat à plusieurs reprises et j’ai même été menacé de licenciement il y a de cela six mois, parce que j’ai osé parler de contrat de travail. Des collègues de la chaîne de conditionnement, aujourd’hui également licenciées, m’ont fait comprendre qu’elles aussi n’en avaient pas, et que la non-signature des contrats de travail aux manœuvres et tâcherons est une tradition dans la structure. Ceux-ci ne franchissent pas deux ans de travail. Ils sont licenciés et d’autres personnes sont recrutées dans les mêmes conditions de clandestinité… ; …je n’ai pas eu l’idée de me plaindre parce que je ne savais pas par où commencé. Celles que j’ai trouvées là-bas ne l’avaient jamais fait. Tout le monde voulait sauvegarder son travail quel que soit la situation. Et même, avec la corruption qu’il y a ici à Douala, je n’étais pas sûr que ma plainte allait aboutir. Mieux vaut ne même pas dépenser le moindre sou à cet effet. Il est vrai que lorsqu’on cherche le travail, vous ne savez peut-être pas, on est parfois obligé d’acception certaine chose pourvu qu’on puisse sortir chaque matin. J’ai deux enfants que j’élève seule ici à Douala où je loue un studio. Vous pouvez imaginer… ; … je n’ai non plus entrepris de poursuite après mon licenciement à cause des mêmes raisons, je préfère me retirer et chercher ailleurs, que de perdre mon temps à poursuivre un malhonnête, d’autant plus qu’il va corrompre les autorités à mes dépends… »[vi].

La forte prévalence des cessations de travail précoces chez les femmes entre démission et licenciement abusif

La cessation de travail précoce constitue l’une des manifestations majeures du vécu socioprofessionnel des femmes au Cameroun. Cette réalité déjà constatée par Kengne Fodouop (2015), s’opère suivant deux principaux modes. Dans l’ensemble, la démission constitue le principal mode d’arrêt du travail chez les femmes (73 %), suivi du licenciement (27 %). Ce recul du licenciement résulte de l’amélioration non négligeable du niveau d’instruction des femmes, d’une connaissance non négligeable du code du travail et des droits des femmes. Néanmoins, la prédominance des démissions met en exergue la persistance de l’exposition et l’insécurité socioprofessionnelle généralisée des femmes. Une variation de la prévalence des modes d’arrêts de travail est observée entre les secteurs d’activités (Figure 2). Les démissions sont plus enregistrées dans les secteurs où les engagements se font le plus sur la base d’un contrat de travail. Il s’agit par exemple des secteurs public (95 %), parapublic (90 %), privé très structuré (85 %) et même privé peu structuré (65 %). Les employeurs sont donc tenus par leurs engagements contractuels et se réservent de licencier les femmes autant que possible, pour éviter de faire face à la liquidation formelle des droits de licenciement. Une pression est ainsi exercée sur les femmes (surtout dans le privé) sous diverses formes afin qu’elles démissionnent le plus tôt possible, en abandonnant les droits de débauchage. A l’inverse, les licenciements sont plus enregistrés dans le secteur formel peu structuré (70 %), et surtout, dans le secteur informel où les femmes sont pratiquement engagées sans des contrats de travail formels.

Source : Enquête de terrain, septembre-novembre 2019
Figure 2 : Évaluation de l’engagement des femmes sur la base d’un contrat de travail légal

Chaque mode de cessation du travail est sous tendu par plusieurs aléas ou motifs. La cessation par démission, par exemple, se fonde sur un profil de dix principaux motifs. Les récits de vie socioprofessionnelle des femmes révèlent globalement que le faible salaire constitue le premier motif (24,65 %). Elles sont donc à la recherche d’un nouveau travail permanemment. La trouvaille d’un nouveau travail offrant un meilleur traitement socioprofessionnel est le second mobile (20,54 %) ; justement que, ce meilleur traitement est souvent éphémère. La pression conjugale demeure une contrainte à importance avérée de l’épanouissement socioprofessionnelle des femmes. Elle est le troisième motif dénoncé par ces dernières (12,32 %). Les mauvaises conditions sociales de travail constituent le quatrième mobile de démission (10,95 %). Le harcèlement sexuel s’est révélé comme étant le cinquième motif (8,21 %), suivi en sixième position d’un cliché de mobiles confidentiels que les enquêtées ont refusé d’exposer (6,84 %). Ce refus amène à ranger lesdits mobiles dans l’ordre des pratiques et abus induisant un traumatisme aigu que les femmes ne veulent pas se souvenir et en parler. Ils peuvent aussi être en rapport avec certaines pratiques abusives dont la dénonciation, même sous anonymat pourrait être répréhensibles ; d’où la crainte de leur évocation pendant les investigations de terrain. Les affectations non souhaitées ont été évoqués comme septième motif (4,47 %) de démission des femmes. Plusieurs aléas en sont précurseurs à l’exemple de l’insécurité physique de la personne, l’impossibilité de vivre décemment au lieu d’affectation au cas où le salaire ne le permet pas, la démobilisation conjugale, la distanciation par rapport à des activités génératrices de meilleurs revenus par rapport au travail formel qui est la source d’affectation…   Les enquêtées signalent la montée en puissance du phénomène du harcèlement sectaire en milieu professionnel. Il constitue le huitième principal motif (4,10 %) de démission des femmes en milieu de travail, consécutivement avec les problèmes de santé (4,10 %) et les arriérées de salaire (2,73 %) qui sont les neuvième et dixième motifs.

Une variation de ces motifs est observée par secteur d’activités (Tableau 1). De manière spécifique à chaque secteur, le faible salaire est le principal motif dans les secteurs public (52,63 %) et parapublic (27,77) à l’exemple des mairies. La trouvaille d’un travail offrant un meilleur traitement socioprofessionnel est le principal motif dans le secteur privé très structuré (64,70 %). Le harcèlement sexuel (23,07 %), les mauvaises conditions sociales de travail (23,07 %) et la pression conjugale (23,07 %) sont simultanément les trois principaux motifs dans le secteur privé moyennement structuré; l’état des variations des dits motifs de démission des femmes par secteur d’activité enquêté. Le faible salaire (33,33 %) et les mauvaises conditions sociales de travail (33,33 %) sont simultanément les deux principaux motifs de démission dans le secteur privé peu structuré.

Source : Enquête de terrain, septembre-novembre 2019
Tableau 1 : Variation des motifs de cessation du travail des femmes par démission

La cessation de travail des femmes par licenciement est entretenue par un profil de huit principaux motifs. Les fautes professionnelles lourdes (33,33 %) constituent le premier mobile de licenciement, bien que les enquêtées dénoncent la qualification abusive des fautes commises. Et parfois, les employeurs cherchent tout simplement un alibi pour agir, le véritable problème étant ailleurs comme le certifie ce Témoignage N°4 d’une ex-cadre d’entreprise licenciée depuis trois mois à la suite d’un harcèlement sectaire non fructueux :

« … j’ai été licenciée après avoir commise une faute professionnelle. Je reconnais que j’étais en erreur, mais cela ne devrait pas induire mon licenciement. Plusieurs employés comme moi commettaient souvent la même faute sans pour autant être licenciés. Il y en a qui commettaient même des fautes bien plus grave et très préjudiciables à l’entreprise sans être licenciés… En vérité, je peux vous le dire, puisque je ne suis plus là-bas, j’ai refusé d’entrer dans la messe de minuit de la boîte à plusieurs reprises. J’ai décliné à plusieurs reprises de grands avantages vraiment flatteurs, les propositions de promotion… Deux semaines avant mon renvoi, mon chef direct m’a dit clairement que ma place n’est plus là comme je ne comprends toujours pas la nécessité de rejoindre le cercle des cadres ; et qu’à force d’être là, je représentais déjà un danger pour eux… Pour moi, c’est clair, la véritable raison de mon licenciement est le refus d’entrer dans leur secte. Je n’ai pas eu, au préalable, de lettre d’observation, de demande d’explication… »[vii] .

Ce témoignage met en exergue la non-observation des procédures formelles conduisant à un licenciement. La surexploitation et la surqualification des fautes professionnelles s’érigent ainsi en un pertinent stratagème de débauchage des femmes, quand bien même, les causes réelles sont parfois ailleurs. Le second motif de licenciement des femmes est la revendication de droits socioprofessionnels (25,92 %). Ces revendications restent jusqu’ici mal perçues dans un contexte où les droits généraux de la femme peinent toujours à être culturellement intégrés. Le troisième motif de licenciement est le harcèlement sectaire (14,8 %). Le témoignage ci-dessus édifie à suffisance sur les réalités empiriques vécues par les femmes à cet effet. Il est bien vrai que, même les hommes en sont victimes. Le quatrième motif est le harcèlement sexuel (7,40 %) qui est autre un phénomène contraignant l’épanouissement socioprofessionnel des femmes. Il ne s’agit ici que de celles qui ont finalement été débauchée à cet effet, mais dans la réalité, plusieurs en sont victimes sont pour autant être licenciées. Les problèmes de santé (7,40 %) et le simple sursaut d’humeur de l’employeur suite à une simple discussion (7,40 %) qui sont les cinquième et sixième motifs, ont la même fréquence d’apparition que le harcèlement sexuel. Les difficultés des entreprises obligées de rétrécir les effectifs constituent le septième motif de débauchage des femmes (3,70 %). Des discriminations liées au genre ont été signalées dans ce cas de figure où les hommes sont le plus souvent moins débauchés.  Le huitième principal motif de licenciement est la détection des faux diplômes. Si aucune enquêtée n’a reconnu avoir été débauchée pour cette raison spécifique, 81,48 % d’entre elles ont tout au moins évoqué ce mobile comme étant le précurseur de plusieurs licenciements de femmes, tout comme les hommes…

Ces tendances générales connaissent des variations internes dans chaque secteur d’activité (Tableau 2). Dans le secteur public où les licenciements sont rares, les fautes lourdes en sont le principal motif (100 %). Les fautes lourdes (50 %) et le harcèlement sectaire (50 %) constituent les deux motifs dominants dans le secteur parapublic.  Les fautes lourdes (66,66 %) sont également le motif dominant dans le secteur rivé très structuré. Les revendications de droits socioprofessionnels prédominent dans les motifs de débauchage dans les secteurs privés moyennement (42,85 %) et peu (28,57 %) structuré.

Source : Enquête de terrain, septembre-novembre 2019
Tableau 2 : Variation des motifs de cessation du travail des femmes par licenciement

Le débauchage des femmes est prédominé par la violation des droits de licenciement. Ces droits sont globalement violés chez 62,09 % de femmes licenciées. Cette pratique varie d’un secteur d’activité à un autre, puis d’un motif de licenciement à un autre. Aucune violation de droits de licenciement n’a été enregistrée dans les secteurs public, parapublic et privé très structuré où les débauchages sont globalement rares, quel que soit le motif de débauchage. Les privés moyennement et faiblement structurés sont donc les composantes du secteur formel où la violation des droits des femmes est le plus pratiquée. Le secteur informel quant à lui, est le siège par excellence desdites violations.

Le déficit de couverture social en milieu de travail

La couverture sociale des travailleurs est une obligation du code du travail camerounais. Cette obligation concerne plusieurs aspects parmi lesquels l’affiliation des travailleurs à la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale (CNPS) et la souscription des polices d’assurance pour ces derniers, qui ont été analysés dans cette étude. D’une manière générale 35,5 % de femmes exerçant dans le secteur formel en moyenne ne sont pas affiliées à la CNPS. Une variation desdites affiliations est observée entre les composantes du secteur formel (Figure 3). Les secteurs public et privé très structuré se particularisent par une affiliation systématique de la totalité des travailleurs par les employeurs sans discrimination de sexe. Par contre, une forte dynamique de non-affiliation des travailleurs par les employeurs est observée dans les secteurs privés moyennement (25 %) et faiblement (2,5 %) structurés. Ce comportement de certains employeurs prospère grâce à la persistance de l’ignorance de ce droit par les femmes. La non-dénonciation, par peur de licenciement, encourage également ces abus. Un phénomène de duperie des employées a été signalé à ce sujet. Plusieurs femmes licenciées (82,5 %) signalent que leurs ex-employeurs avaient confirmé verbalement leur affiliation à la CNPS pour justifier des retenues dans les salaires. Aucun document le certifiant ne leur a été remis jusqu’à leur débauchage. 75 % de femmes licenciées se sont rapprochées des services de la CNPS pour vérifier l’effectivité de ces affiliations. 66,66 % de ces dernières ont constaté finalement qu’aucune affiliation n’avait été faite. Parmi les femmes licenciées et réellement affiliées, 90 % ont constaté le non-versement d’une quelconque cotisation mensuelle par les employeurs. Dans ce cas de figure, les affiliations sont tout simplement exploitées par les employeurs sous diverses formes. Cette duperie s’est globalement révélée comme un déterminant de la régularité des débauchages des femmes qui, au finale, s’inscrit dans une stratégie bien pensée et planifiée par les employeurs.

Source : Enquête de terrain, septembre-novembre 2019
Figure 3 : Évaluation de couverture sociale des employées dans le secteur formel : le cas de l’affiliation à la CNPS

Une dynamique d’affiliation individuelle de femmes du secteur informel a été signalée. Il s’agit des initiatives des femmes elles-mêmes sans une quelconque implication des employeurs informels. Déjà, ces derniers ne peuvent d’ailleurs s’impliquer au regard de leur statut d’opérateur informel d’une part, et l’absence d’un contrat de travail légal, une pièce à fournir pour le dossier d’affiliation à la CNPS de tout citoyen déclarant être employé d’autre part. En principe, la législation camerounaise en matière de sécurité sociale dispose d’un mécanisme spécifique permettant à tout citoyen non employé formellement de s’affilier à la CNPS à titre individuel. Cette flexibilité de la législation a ainsi permis à plusieurs femmes en proie à l’insécurité sociale, bien qu’exerçant dans le secteur formel, à s’affilier elles-mêmes à titre individuel, et ainsi, contourner l’irresponsabilité de certains employeurs.

Par ailleurs, l’insécurité socioprofessionnelle des femmes est également perceptible à travers la crise d’assurances des employées. Les femmes travaillent généralement sans la souscription d’une quelconque police d’assurance par l’employeur. Il a été constaté que seules les grandes entreprises des secteurs parapublics et du privé très structuré souscrivent des polices d’assurance maladie exclusivement pour leurs employées en générale. Certaines polices couvrent également les membres de la famille nucléaire. Les organisations des secteurs formels du public, des privés moyennement et faiblement structurés, puis surtout, les organisations du secteur informel souscrivent de moins en moins de polices d’assurance à leurs employés, femmes comme hommes. Les employées s’assurent elles-mêmes, et rarement d’ailleurs. Le principal justificatif évoqué la l’insuffisance des revenus qui peinent à couvrir les charges fixes des ménages. La Figure 4 illustre les variations des souscriptions des polices d’assurances entre les secteurs d’activité.

Source : Enquête de terrain, septembre-novembre 2019
Figure 4 : Évaluation de couverture sociale des employées dans le secteur formel : affiliation à la CNPS et souscription des polices d’assurance

La prégnance du phénomène de harcèlement sexuel et sectaire en milieu professionnel

Le harcèlement constitue un trait caractéristique majeur du vécu socioprofessionnel des femmes au Cameroun. 32 % de femmes en sont globalement victimes suivant deux principales formes. Le harcèlement sexuel est la forme la plus pratiquée en milieu de travail. 17,5 % en moyenne des employées en sont victimes. Le harcèlement sectaire est la seconde forme qui est moins pratiquée par rapport à la première forme. Il est cependant en plein essor conformément au Témoignage N°4 ci-dessus. 9 % de femmes investiguées en sont victimes en moyenne. Enfin, 4,5 % de femmes en moyenne sont victimes des deux formes de harcèlement simultanément. Plusieurs femmes se trouvent licenciées pour n’avoir pas cédé à ces harcèlements. Des mobiles de routines sont généralement trouvés pour justifier les débauchages. Le témoignage N°4 rend compte de cette manœuvre à suffisance.

Ce phénomène varie d’un secteur d’activité formel à un autre (Tableau 3). Il sévit le moins dans le secteur public (15 %). Le privé moyennement structuré est cependant le secteur où les femmes sont globalement le plus victime (45 %) du harcèlement avec une prédominance du harcèlement sexuel en exclusivité. Par ailleurs, le harcèlement sexuel est le moins pratiqué dans le secteur public (7,5 %). Il sévit le plus dans le secteur moyennement structuré (22,5 %). Les femmes sont le moins victime du harcèlement sectaire dans les secteurs public (5 %) et privé faiblement structuré (5 %). Elles sont le plus victime dans le secteur privé très structuré. Les femmes victimes des deux formes de harcèlement sont plus rencontrées dans le secteur privé très structuré (7,5 %). Elles en sont le moins victimes dans les secteurs publics (2,5 %) et privé faiblement structuré (2,5 %).

Source : Enquête de terrain, septembre-novembre 2019
Tableau 3 : Évaluation de couverture sociale des employées dans le secteur formel : affiliation à la CNPS et souscription des polices d’assurance

Cette pratique a également été signalée par 15 % de femmes chercheuses d’emploi comme le souligne cette chercheuse d’emploi qui n’a pas été recrutée pour avoir refoulé les avances lors de son entretien d’embauche :

« J’avais déposé mon dossier dans une entreprise là-bas à la zone industrielle de Douala-Bassa. On m’a appelé deux semaines après pour un entretien. Lorsque je suis arrivée, j’ai été orienté chez le directeur des ressources humaines qui m’a très bien accueilli. Après que je me sois présentée, il m’a félicité d’avoir pu obtenir un Master en comptabilité et finance. Il m’a dit que j’avis le profil qu’il cherchait surtout que j’avais une expérience professionnelle cumulée à partir de deux stages pré-emplois effectués en cabinet d’expertise comptable. Ensuite, il a changé et a plutôt commencé à apprécier mon physique. Il a achevé en me suggérant d’être très gentil si vraiment je veux être recrutée comme cadre.  Son point de chute était que je le retrouve à l’hôtel en soirée, et auquel cas, il allait me réaccompagner le matin avec mon contrat signé et je deviendrais sa plus proche collaboratrice. Il m’a même montré une pile de dossiers de demande d’emploi en essayant de m’en persuader. J’en ai été dégoûtée et je lui tout simplement souhaité une bonne journée… »[viii] .

Une forte violation des droits sociaux des femmes en milieu de travail

Le vécu socioprofessionnel des femmes est marqué par une violation continue de leurs droits sociaux telle qu’attestée par la totalité des employées investiguées d’une manière générale. Cette violation concerne donc tous les secteurs public, parapublic et privé. Le non-respect de la durée du travail marqué par la non indemnisation des heures supplémentaires, le non versement des primes de risque, etc. sont autant pratiques traduisant la banalisation, au mieux, la violation des droits sociaux des femmes en milieu de travail. Les droits relatifs à la maternité sont particulièrement bafoués, hormis le congé de maternité qui est scrupuleusement observé dans le secteur public (100 %), parapublic (100 %) et privé très structuré (100 %). Son observation devient relative dans le secteur privé moyennement (80 %) et faiblement structuré (72,5 %).

Cette relativité est liée à plusieurs facteurs à l’exemple du non-respect de la durée normale dudit congé. D’après l’article 85 du code du travail camerounais, une femme enceinte bénéficie d’un congé de maternité qui commence obligatoirement quatre semaines avant la date présumée de l’accouchement et se termine dix semaines après la date de celui-ci. La durée légale est donc de quatorze semaines, soit trois mois et demi. Dans les pratiques, les employées font état d’une durée moyenne des congés de maternité d’un mois et demi dans les secteurs privés moyennement et faiblement structurés en générale ; soit, deux semaines avant l’accouchement et quatre semaines (un mois) après. Cette violation de la durée du congé de maternité est également observée dans les secteurs public, parapublic et privé très structuré où la durée moyenne enregistrée est de trois mois ; soit, un mois avant l’accouchement et deux mois après. Autrement dit, la durée légale de trois mois et demi n’est globalement pas respectée dans tout le secteur formel.

Les autres droits associés à la maternité font également l’objet d’une violation régulière dans tous les secteurs d’activité. Il s’agit par exemple, d’après le même article 85 du code du travail, du repos d’une heure par jour pour l’allaitement pendant une période de 15 mois à compter de la date de reprise du travail. Ce repos dont bénéficient en moyenne 17 % de femmes est différent de la pause journalière légale dont bénéficient tous les travailleurs. Les secteurs public, parapublic et privé très structuré sont les composantes du secteur formel où ce repos est relativement observé à 45 %, 27,5 % et 12,5 % respectivement. Il est important de signaler que, d’après les récits de vie, cette observation n’est généralement pas structurée. Les femmes ne disposent généralement pas de moyens de transport pour rentrer chez soi en mi-journée pour allaiter l’enfant et revenir continuer la journée de travail. Un mécanisme de conversion de ce repos en heures de retard ou des départs précoces du service a été signalé. Entre autre, l’article 90 alinéa 2 dispose que la mère salariée bénéficie d’un congé annuel supplémentaire de deux jours ouvrables par enfant âgé de 0 – 6 ans et à cela s’ajoutent des allocations de maternité qu’aucune employée n’a attestée connaitre, et encore moins, avoir bénéficié (Tableau 4).

Tableau 4 : Illustration de la faible observation des droits socioprofessionnels des femmes employées en situation de maternité

Ces violations sont aigües dans le secteur informel où, d’après les récits de vie, les femmes bénéficient parfois des congés de maternité deux semaines. Les revendications des droits de maternités donnent parfois lieu à des licenciements. Dans l’ensemble, 42,58 % de licenciements d’ex-employées investiguées suite à des revendications socioprofessionnelles sont associés à la violation des droits périnataux, et plus précisément, le congé de maternité. Si, d’après Öun et Trujilla (2005), le nombre d’heures de repos au bénéfice de la femme en maternité croisé aux dépenses liées aux allocations prénatales de maternités représenterait une perte énorme pour une entreprise du Tiers monde soucieuse de sa production, la violation de ces droits constituent cependant un danger autant pour la mère-employée que pour le nouveau-né. En définitive, la maternité se décline en un facteur d’hostilité au recrutement des femmes ainsi que leur responsabilisation une fois embauchée.

Un important capital de confiance à l’endroit du genre féminin en milieu de travail

Le vécu des femmes en milieu de travail est prédominé par une marque de confiance symbolique en général. Des responsabilités stratégiques à l’exemple de la gestion de la trésorerie…, leur sont régulièrement confiées. Une considération de leur opinion a été attesté par 63 % employées investiguées. En dépit des mauvaises conditions de travail tant dénoncées, 96 % d’employées ont le sentiment d’être respectées en tant que personne ; 86 % ont le sentiment que les collègues et la hiérarchie ont non seulement de la considération, mais aussi, de la confiance en elles, sans une quelconque discrimination liée au genre. Ces sentiments sont éprouvés de manière transversale à tous les composantes du secteur formel, puis dans le secteur informel.

Cet important capital de considération, d’importance et de confiance en l’endroit de la femme en milieu professionnel est un construit à partir des traditions locales. La société traditionnelle camerounaise confère à la femme un statut et un ensemble d’attributions et de responsabilité à la base de cette construction, d’autant plus qu’elle avait toujours satisfait les attentes. Elle s’est même parfois retrouvée en train d’assumer le leadership sociétal sans faille pendant les périodes de guerres tribales. La colonisation du Cameroun a été marquée par des périodes de grands travaux forcés qui dépouillaient les villages de leurs populations masculines actives. Les femmes ont une fois de plus été à la hauteur des enjeux en matière de leadership des villages. Elles ont joué un rôle stratégique lors de la guerre de l’indépendance du Cameroun (Sah, 2008 ; Terra, 2007). Elles ont été dignes de confiance et ont fait preuve de sens de loyauté patriotique[ix] . Elles ont parfois fait preuve d’un courage de preux et ont posé des actes suscitant davantage d’admiration et de respect communautaire[x] . La reconnaissance sociétale construite depuis l’époque précoloniale se trouve davantage renforcée et cristallisée dans un contexte de modernité, puis, transférée dans le secteur professionnel.

Une rareté de cas de discrimination en matière de traitement salarial liée au genre

L’une des caractéristiques positives du vécu socioprofessionnel des femmes est relative à l’extrême rareté des cas de discrimination du traitement salariale par rapport aux hommes. Les secteurs public, parapublic et privé présentent la même tendance en la matière. D’une manière générale, aucune discrimination de traitement salarial n’a été enregistrée autant chez les femmes employées que licenciées. Le secteur informel ne se distingue pas globalement en matière d’intégration de l’égalité de prise en charge salariale des employés en fonction du genre. Il s’agit donc d’une avancée significative dans la promotion des droits de la femme et de la culture de l’égalité de sexe. Cette avancée se fonde, en principe, sur l’important capital de considération, de respect et de confiance à l’endroit de la femme habilement sus évoqué, construit depuis l’époque précoloniale et davantage consolidé dans le temps. Plusieurs efforts restent néanmoins à faire en matière d’égalité des droits socioprofessionnels entre les sexes.

La forte prévalence du sentiment d’insécurité socioprofessionnelle chez les femmes

Les perceptions et les représentations que les femmes se font elles-mêmes de leur vécu en milieu de travail sont prédominées par un profond sentiment d’insécurité socioprofessionnelle généralisée. Ce sentiment éprouvé par 75 % d’employées varie en fonction des secteurs d’activité (figure 5). Les privés faiblement et moyennement structurés sont les secteurs où le sentiment d’insécurité socioprofessionnel est le plus éprouvé par 97,5 % et 92,5 % d’employées respectivement. A l’inverse, le public est le secteur où le sentiment d’insécurité est le moins éprouvé 30 %. Cette réalité est liée à la forte stabilité professionnelle qu’offre ce secteur au regard de la rareté des licenciements. Le secteur informel offre enfin une insécurité socioprofessionnelle totale aux femmes. En définitive, l’insécurité des femmes en milieu de travail se décline en une signature identitaire de l’environnement du travail au Cameroun. Cette situation est davantage préoccupante dans un contexte où le secteur informel représente plus de 90 % de l’économie nationale (Kengne Foduop, 2013).

Source : Enquête de terrain, septembre-novembre 2019
Figure 5 : Évaluation du sentiment d’insécurité socioprofessionnelle chez les femmes employées

Par ailleurs, les considérations socioculturelles faisant de la femme un acteur social mineur au sens de Mouich (2007b) et de Nkolo Asse Sosso (2015) dans un contexte que Sindjoun, Owona Nguini (2000) qualifie de forme ultime de domination masculine institutionnalisée. Cette considération s’est enracinée dans la société camerounaise au point où les femmes elles-mêmes se considèrent parfois comme une catégorie inférieure[xi].  Plusieurs femmes de poigne ont pourtant marqué la scène nationale sur les plans économique, politique et social[xii]  et continuent à le faire. Elles ont cependant créé une très faible émulsion d’émancipation généralisée de la gente féminine.  L’un des faits marquants ici est que, les femmes elles-mêmes n’œuvrent pas assez dans la promotion de leur propre genre et sont peu solidaires entre elles (Efoua Zengue, 2003) ; d’où l’impact très relatif des femmes, certes peu nombreuses, qui ont émergé jusqu’aux instances de délibération et de prise de décision[xiii] .

Un continuum de discrimination et d’insécurité socioprofessionnelle des femmes s’intensifiant de la ville en campagne

Les villes camerounaises sont des espaces de foisonnement des opportunités d’emplois, et constituent donc une destination privilégiée pour les femmes chercheuses d’emploi. Elles sont également des espaces de promotion de l’émancipation des femmes, de concentration des attentions sur les dynamiques socioprofessionnelles et le siège des institutions. Il est donc plus facile pour la femme urbaine davantage émancipée que la femme rurale, de trouver du travail, de dénoncer les abus socioprofessionnels et de saisir les institutions compétentes à cet effet en ville. L’espace rural n’offre toujours pas ces opportunités et facilités. Ces opportunités et atouts urbains varient des mégapoles comme Douala et Yaoundé, aux pôles secondaires à fort ancrage de ruralité. Autrement dit, les petites villes promeuvent de moins en moins l’épanouissement socioprofessionnel des femmes par rapport aux grandes villes. Les discriminations et violations des droits des femmes en milieu de travail sont moins dénoncées et moins réprimées dans les petites villes, bien qu’elles offrent tout de même de meilleures conditions de travail par rapport aux campagnes. L’évaluation du vécu socioprofessionnel des femmes réalisées à partir des investigations empiriques menées à Douala fait donc état des tendances minimalistes de la situation réelle qui croit dans les petites villes et surtout dans les campagnes.

Les campagnes se caractérisent par une rareté des emplois formels et une écrasante prédominance du secteur informel. Cette prédominance est d’ailleurs à l’origine de la très forte représentativité du secteur informel dans l’économie nationale, soit 90 % Kengne Fodouop (2013). Elle fait ainsi des campagnes les espace de discrimination et d’insécurité socioprofessionnelle par excellence des catégories de population active sensibles et vulnérables comme les femmes. Si certaines agro-industries se démarquent en offrant des contrats de travail (Meva’a Abomo, 2012), leur contenu souffre généralement de pertinence en matière d’avantages et de protection des employées. Lesdits contrats peinent à être respectés par les employeurs qui s’inscrivent dans une véritable exploitation de l’homme par l’homme.

L’espace rural camerounais est marqué par un dénouement en institutions, des difficultés majeures en matière de dénonciation des abus socioprofessionnels et de saisine des institutions compétentes à cet effet. Le déficit de moyens de transport pour aller se plaindre en ville, le temps des procédures, les coûts des procédures…, sont autant d’aléas contraignant la simple intension et l’efficacité des revendications socioprofessionnelles en milieu rural camerounais. La forte prégnance des barrières culturelles à l’émancipation féminine, le complexe de résignation face à la non rassurance de l’issue positive des dénonciations dans un contexte sociétal où la corruption prédomine… sont d’autres vecteurs des de la violation du code du travail camerounais. La campagne camerounaise se décline en une espèce « No socio-professional rights land » et prédispose structurellement la femme rurale à tout genre d’abus socioprofessionnels. En somme, il se dégage un continuum des phénomènes de discrimination et d’insécurité socioprofessionnelle des femmes entre l’urbain et le rural. Ce continuum est marqué par une intensification de ces phénomènes en milieu rural qu’en milieu urbain. La modélisation du continuum urbain/rural de l’insécurité socioprofessionnelle féminine fait état de trois niveaux d’échelle géographique à différents seuils d’insécurité croissants des espaces urbains aux espaces ruraux. Ces trois niveaux sont : les mégapoles, les pôles secondaires et les campagnes.

Conclusion

Les femmes constituent un puissant capital humain qui malheureusement reste sous et mal valorisé. Elles sont victimes de diverses discriminations et abus sur le plan professionnel. Cette sous/mal-capitalisation d’une catégorie sociodémographique pourtant majoritaire altère l’efficacité de toute action de lutte contre la pauvreté et le sous-développement. La population féminine constitue dès lors un véritable enjeu socioéconomique et un enjeu de développement par génération. Ces enjeux sont pourtant intégrés dans la politique nationale de développement et dans diverses stratégies sectorielles de développement national. Sur le plan législatif et juridique, l’État camerounais a signé et ratifié près d’une vingtaine de conventions internationales relatives aux droits de l’homme parmi lesquelles plusieurs concernent les femmes[xiv] [xv]. L’égalité de droits de tous les citoyens est prescrite par dans la constitution depuis 1972. En plus de la Loi fondamentale, le nouveau Code Pénal[xvi] renforce substantiellement le cadre légal de protection de la femme contre les atteintes à sa dignité et à son intégrité physique. Il prône l’égalité de droits généraux entre les sexes et concède des droits spécifiques aux femmes liés à la féminité. Sur le plan institutionnel, un ministère en charge de la femme et des questions de genre a été créé depuis 1984. La question de genre a été intégrée[xvii]  dans le Document de Stratégie pour la Croissance et l’Emploi (2010-2020), et dans le Document de Vision 2035 du Cameroun[xviii] . Le Cameroun s’est doté d’une « National Gender Policy » et d’un Plan d’Action Multisectoriel de mise en œuvre court de 2016 à 2020, d’une stratégie nationale de lutte contre les violences faites aux femmes élaborée en 2011 a été révisée en 2016 (Ministère de la Promotion de la Femme et de la Famille, 2019). La même source précise que la part du budget national qui est investie dans la promotion globale de l’égalité des sexes et de l’autonomisation des femmes est d’environ 2 %, soit 47.540.000 de francs CFA. (p.115).

Des résultats non négligeables de ces actions publiques sont déjà palpables. Comme le souligne Ministère de la Promotion de la Femme et de la Famille (2019 : 16), le pays compte « 31.11% de femmes à l’Assemblée Nationale et 26% au Sénat, présence de plus en plus visible des femmes dans le commandement territorial (02 préfets, 15 sous-préfets, 02 Inspecteurs Généraux, …) 03 Ambassadeurs…». La même source (p.7) signale, que : « …à l’Université de Bamenda on note une tendance inverse avec 51,87% de filles contre 48,13% de garçons ». Les pouvoirs publics et ses partenaires renforcent régulièrement les capacités des femmes dans divers domaines à l’exemple du programme de renforcement des capacités des femmes Chefs d’Entreprise du GICAM[xix] qui a formé 327 femmes entrepreneures en 2017 (Ministère de la Promotion de la Femme et de la Famille, 2019). Une avancée considérable est observée en matière de promotion de l’égalité de sexe, bien que beaucoup reste à faire. L’idée de quota de 30 % femmes dans les institutions étatiques a été évoquée pour la première fois en 1996, lors du deuxième congrès ordinaire du parti au pouvoir[xx] . Son application est déjà effective dans certains secteurs. Un quota minimal de 30% de femmes est officiellement instauré dans plusieurs programmes gouvernementaux et tous les jeunes, sans distinction de sexe, bénéficient des financements des projets ; l’Observatoire National de la Jeunesse(ONJ) est constitué à 39% de filles ; 33 % et de 35 % de financements du Fond National d’Insertion des Jeunes(FONIJ) et du Programme d’Appui à la Jeunesse Rurale et Urbaine (PAJER U) respectivement (Ministère de la Promotion de la Femme et de la Famille, 2019).

Malgré ces initiatives encourageantes et dont les résultats sont non négligeables, la situation socioprofessionnelle des femmes reste et demeurent un épineux problème au Cameroun. Ce contraste a été l’élément précurseur de la présente étude sur le vécu des femmes en milieu de travail camerounais ; un vaste champ de recherche malheureusement peu exploré. Cette étude est globalement révélatrice de la persistance d’une préoccupante situation d’insécurité socioprofessionnelle de cette catégorie de la population active. Les femmes de l’espace rural qui constitue un véritable « No socio-professional rights land » sont davantage exposées et victimes de cette insécurité, bien que la situation soit aussi prégnante en milieu rural qu’urbain. L’étude dresse spécifiquement un profil de dix caractéristiques majeures du vécu socioprofessionnel des femmes au Cameroun : (1)- L’ambivalence du phénomène de discriminations (en faveur, puis, en défaveur) du genre féminin lors des recrutements et des promotions socioprofessionnelles ; (2)- Une persistance significative des recrutements des femmes sans un contrat de travail en toute légalité ; (3)- Une forte violation des droits sociaux des femmes en milieu de travail ; (4)- Le déficit de couverture social en milieu de travail ; (5)- La prégnance du phénomène de harcèlement sexuel et sectaire en milieu professionnel ; (6)- La forte prévalence des cessations de travail précoces chez les femmes entre démission et licenciement abusif ; (7)- Un important capital de confiance à l’endroit du genre féminin en milieu de travail ; (8)- Une rareté de cas de discrimination en matière de traitement salarial liée au genre ; (9)-La forte prévalence du sentiment d’insécurité socioprofessionnelle chez les femmes ; (10)- Un continuum urbain/rural d’insécurité socioprofessionnelle des femmes s’intensifiant de la ville vers la campagne.

Le vécu socioprofessionnel des femmes présente bien des conséquences. La situation d’insécurité qui caractérise ce vécu génère et entretient des tensions, des distanciations et des inégalités sociales. Le grand banditisme féminin en plein essor dans les mégapoles comme Douala et Yaoundé se présente aussi comme une réaction à ces persécutions discriminatoires tout comme le développement de la prostitution malgré tous les risques sanitaires encourus. En effet, coincées entre les besoins quotidiens et l’absence d’une source de revenue loyale, les femmes sans emploi et même les filles mineures se livrent à des pratiques peu sociables comme la prostitution (Meva’a Abomo, 2019 ; Kengne Fodouop, Défo, Fogué, 2015) dont les conséquences sont parfois fatales. Par ailleurs, le vécu socioprofessionnel des femmes est vecteur de la fragilisation du tissu social. Il limite substantiellement la contribution des femmes à leur propre épanouissement social et économique, ainsi qu’à l’épanouissement de leur famille. La marginalisation, l’instrumentation ou la mal valorisation du capital féminin ou de la main d’œuvre féminine qui est d’ailleurs la plus importante du pays, soit 51 % de la population nationale (BUCREP, 2010), devient une véritable contrainte à la croissance socioéconomique et au développement national. La question du genre est donc porteuse d’enjeux de développement.

Face à ces enjeux, la présente étude prescrit l’élaboration et la mise en œuvre d’une stratégie nationale de lutte contre l’insécurité socioprofessionnelle féminine suivant une approche participative qui s’avère mieux appropriée. Elle appelle à la mobilisation de tous les acteurs pour résoudre un problème de société à responsabilité autant partagé entre ces derniers. L’état, par exemple, doit œuvrer au renforcement des cadres juridico-législatifs en vue d’une meilleure protection socioprofessionnelle des femmes. Ce renforcement doit accompagner d’une véritable répression du patronat contrevenant. L’adoption des stratégies incitatives à la dénonciation faciliterait l’atteinte des objectifs de l’action étatique. L’élaboration et la mise en œuvre d’un système d’Information, Éducation et Communication (IEC) contre l’insécurité socioprofessionnelle des femmes, le développement et le soutien multiforme des organisations de la société civile spécialisées dans la promotion de l’IEC contre l’insécurité socioprofessionnelle des femmes, la promotion de la syndicalisation des femmes professionnelles…, se présentent comme de pertinentes options de régulation durable de cette insécurité à expérimenter. En définitive, cette étude relance un débat politique, économique, social, culturel et scientifique sur la question du genre en rapport avec l’équité et l’égalité de droits sociaux au Cameroun.

[i] Loi n°92-007 du 14 août 1992 portant Cameroun Code du Travail, 31p.
[ii] Il s’agit ici de l’échelle de la Communauté Économique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC).
[iii] La structuration du privé dans cette étude est fonction des trois régimes fiscaux des entreprises du secteur formel camerounais. Le régime de l’impôt libératoire qui correspond aux Établissements. Le régime de la TVA (Taxe sur la Valeur Ajoutée) qui correspond au Société Anonymes à Responsabilité Limitée (SARL). Le régime du réel qui correspond aux Société Anonymes.
[iv] Témoignage N°1 recueilli le 23 octobre 2019 à Douala auprès d’une chef d’entreprise du secteur privé moyennement structuré (une SARL) exerçant dans la distribution des produits alimentaires.
[v] Témoignage N°2 recueilli le 23 octobre 2019 auprès d’une chef d’entreprise du secteur privé moyennement structuré (une SARL) et sous-traitant auprès d’une multinational de transit installée dans la ville de Douala.
[vi] Témoignage N°3 recueilli le 19 octobre 2019 auprès d’une ex-employée licenciée par une société d’importation des produits manufacturés de la ville de Douala.
[vii] Témoignage N°4 recueilli le 19 octobre 2019 auprès d’une ex-cadre licenciée par une société brassicole de la ville de Douala.
[viii] Témoignage N°5 recueilli le 25 novembre 2019 auprès d’une jeune diplômée du supérieur et chercheuse d’emploi dans la ville de Douala.
[ix] Nkolo Asse Sosso G.P. (2015 : 79-80) souligne à cet effet que : « En 1952, les femmes ont créé un parti dénommé Union démocratique des femmes camerounaises (UDEFEC) certes autonome, mais affilié à l’Union des populations du Cameroun (UPC). Il avait pour objectif principal, la défense de la famille camerounaise et des droits de la femme dans tous les domaines. Lors de son premier congrès en 1954, ce parti s’est inscrit dans une logique nationaliste, faisant des femmes camerounaises des combattantes de la liberté. Le militantisme des femmes de ce parti les a amenées à lutter aux côtés des hommes de l’UPC pour l’indépendance du Cameroun. Dans la clandestinité, les femmes camerounaises ont œuvré soit comme des agents de liaison, soit comme des groupes de pression constitués en vue de la libération nationale. ».
[x] Terreta (2007) cité par Nkolo Asse Sosso G.P. (2015 : 80) présente un cliché de l’activisme des femmes nationalistes et note à cet effet que : « Défiant les arrestations, les femmes, telle que Elisabeth Mapondjou à Nkongsamba offrirent des cachettes dans leurs maisons aux combattants de l’UPC, alors qu’ils se déplaçaient d’un lieu à un autre. Une jeune mariée, Thérèse Mewa, transportait clandestinement des documents et des pétitions adressées aux Nations Unies, cousus sous sa robe, à travers la frontière anglo-française [du fleuve Moungo], afin qu’ils soient postés à partir du territoire britannique [southern Cameroon]. Des Bayam-sellam [commerçantes de vivres, ndlr] cachaient des renseignements… ».
[xi] Nkolo Asse Sosso (2015 : 86) rapporte cette déclaration de la ministre des affaires sociales au sortir d’une réunion du gouvernement en 2007 : « Les hommes sont les hommes, les femmes sont les femmes, il n’y a aucun problème si chacun sait où est sa place. ». L’auteure fait également état de témoignages très édifiants de femmes allant dans le même sens : « ça toujours été les hommes, ici on ne peut pas. Allons supplier qu’ils nous donnent quelques places… (p.87)» ; « Les femmes ne veulent pas émergées d’elles-mêmes. Elles veulent émerger sous le couvert de quelqu’un. Les femmes camerounaises ont beaucoup de potentialités. Mais, du fait de toujours vouloir être avalisées par un homme, elles finissent par tomber dans l’eau et là, il n’y a aucune pour tirer l’autre. (p.87)» ; « Ah non non non, mama, tu vas te casser la gueule. C’est les hommes, ils ne vont pas te laisser ici, ça toujours été les hommes, ici on ne peut pas. p.88».
[xii] Idem
[xiii] Bilan de la représentativité féminine au parlement camerounais de l’indépendance à nos jours : législation de 1960-1965 : 0,8% (Assemblées des États fédérés) et 4% (Assemblé Fédérale), législation de 1965-1970 : 1,4% (Assemblées des États fédérés) et 4% (Assemblé Fédérale), législation de 1970-1973 : 3,6% (Assemblées des États fédérés) et 4% (Assemblé Fédérale), législation de 1973-1978 : 5,28 % (Assemblée de l’État unifié), législation de 1978-1983 : 10 %, législation de 1983-1988 : 14,2 %, législation de 1988-1992 : 14,4 %, législation de 1992-1997 : 12,6 %, législation de 1997-2002 : 5,6 %, législation de 2002-2007 : 10,6 %, législation de 2007-2012 : 13,9 %, législation de 2012-2017 : 31,11 %.
[xiv] Listing des Conventions Internationales sur les Droits Humains ratifiées par le Cameroun et les dates de ratification : Protocole de Maputo (2009), Optional Protocol to the Convention on the Elimination of All Forms of Discrimination Against Women (205), Protocole contre le trafic illicite des migrants par terre, mer et air (2005), Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale  organisée (2004), Declaration and Plan of Action for the Promotion and Protection of Human Rights (1999), African Platform on the Right to Education (1999), Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant (1997), Convention on the Elimination of All Forms  of Discrimination Against Women (1994), Convention on the Rights of the Child (1993), Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (1989), Convention against Torture and Other Cruel, Inhuman or Degrading Treatment or Punishment (1986), Convention de l’OUA régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique (1985), International Covenant on Economic, Social and Cultural Rights (1984), Optional Protocol  to the International Covenant on Civil and Political Rights (1984), International Covenant on Civil and Political Rights (1984), International Convention on the Elimination of All Forms of Racial Discrimination (1971), Universal Declaration of Human Rights (1948)…
[xv] En collaboration avec ONU Femmes Cameroun, le Ministère de la Promotion de la Femme et de la Famille (MINPROFF) a initié des programmes de formation des magistrats en matière d’application de la Convention pour l’Élimination de toutes les formes de Discrimination à l’Égard des Femmes (CEDEF) dans les tribunaux nationaux et les cours de justice coutumière.
[xvi] La Loi n° 2016/007 du 12 juillet 2016 portant Code Pénal.
[xvii] Cette intégration a été faite sous l’impulsion de l’ONU à travers les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD).
[xviii] Cette initiative a été impulsée par ONU Femmes en partenariat avec le FNUAP.
[xix] GICAM : Groupe Inter-patronal du Cameroun.
[xx] Le deuxième congrès ordinaire du Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC) des 17, 18 et 19 décembre 1996.

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Pour citer cet article


Référence électronique

MEVA’A ABOMO Dominique (2021). « Profil du vécu socioprofessionnel des femmes au Cameroun ». Revue canadienne de géographie tropicale/Canadian journal of tropical geography [En ligne], Vol. (8) 2. En ligne 25 décembre 2021, pp. 01-11. URL: https://revuecangeotrop.ca/

 

Auteur


MEVA’A ABOMO Dominique
Maître de Conférences en géographie
Société Savante Cheikh Anta Diop (SS-CAD)
F.L.S.H.-Université de Douala, Douala, Cameroun
Email : mevaa_abomo@ss-cad.org