Compte rendu

BAGAOUI Rachid; SOUMAHORO Moustapha, (2014). Développement local en Afrique subsaharienne : une compréhension à travers des études de cas. Édition lHarmattan, Paris, France, 263 p. (ISBN 978-2-336-30305-5)

 

GNAO Thierry
Ingénieur Hydraulique
Québec, Québec, Canada.


Format PDF

couverture

 

Dans  cet ouvrage collectif de 10 articles, les quinze auteurs font, à travers des études de cas, une analyse de la question de développement local en Afrique subsaharienne. Les articles mettent en exergue un ensemble d’initiative tant en milieu rural qu’urbain qui sont d’actualité et qui viennent enrichir le débat sur le développement et surtout le débat sur le ou les modèles de développement.

L’ouvrage se divise en quatre grandes parties. La première partie porte sur la remise en cause de la notion de développement. La deuxième partie met l’accent sur la nécessité de faire face au modèle centralisateur et exogène de développement. Quant à la troisième partie, elle s’articule autour de l’importance de la revalorisation des savoirs traditionnels et nouveaux dans toute pratique de développement. Enfin, la quatrième partie de l’ouvrage porte un regard inquiet sur les initiatives de développement qui ont cours et qui ne sont pas toutes porteuses de succès.

Dans la première partie de l’ouvrage, l’article de Kanga s’interroge sur le concept même de développement en questionnant sa pertinence et sa viabilité et ce au regard de la complexité conceptuelle qui brouille les pistes d’une réflexion plus pointues sur les attentes en matière de développement.

La deuxième partie de l’ouvrage contient trois articles. Dans l’article écrit par Kamagaté et Kambiré, le développement du Nord-Est de la Côte d’Ivoire est analysé dans une perspective politique mise en lumière par un contexte centralisateur et exogène. Cette approche constitue en soi un échec. Les auteurs préconisent, pour atteindre  le développent désiré, une animation rurale. Celle-ci comprend la formation, l’encadrement et la vulgarisation qui permettront aux paysans de s’approprier et de se responsabiliser vis-à-vis de ce développement local. Cet échec de modèle exogène apparaît aussi dans les écrits de Nkankeu et Koffo sur la caféiculture au Cameroun qui est un type de développement axé sur l’approche productiviste des années 1960 à 1990. Elle a permis le développement agro-économique de l’ouest du Cameroun autour de ce qu’ils nomment le triumvirat du développement local composé d’ONG, d’OP (organisations paysannes) et d’Élites en quête de positionnement sociopolitique. Les chutes des prix de café ont remis profondément en question ce modèle. La dimension économique de ce type de développement est illustrée par l’écrit de Gogbé portant sur la ville de Taabo en Côte d’Ivoire. Il s’agit d’une phase du développement économique des années 1980 axé sur le volet énergétique. Le développement des sites hydroélectriques pour produire de l’électricité pour les besoins domestiques des différentes localités visait aussi à corriger des disparités régionales. Toutefois, ces disparités demeurent et le développement local tant souhaité tarde à se matérialiser.

Le développement local en Afrique s’accompagne souvent d’un processus de destruction des savoirs traditionnels et des terroirs villageois. Cet aspect ressort dans la troisième partie de l’ouvrage. La perception environnementale du développement local est traitée par Fall dans un article sur les aires protégées dans lequel elle met la gestion participative des espaces et des ressources, comme alternative, au cœur du développement local. C’est l’optique de la conservation des ressources naturelles qui prévaut  pour le développement soucieux d’une gestion raisonnée de ces ressources. Dans la même perspective, Njombisie explique la fragilisation de la conservation des savoir-faire locaux par l’exode massif des jeunes des villages Bangou, dans l’ouest du Cameroun, vers les centres urbains. Cependant, il s’agit d’une perception politique de ce développement. L’auteur met l’accent sur la nécessité de se réapproprier, à travers la réorganisation et la sensibilisation, la maîtrise du développement. L’inquiétude par rapport à la destruction des savoirs des anciens ressort dans les écrits de Soumahoro, Ouahou et Bagaoui. Il s’agit à travers leur écrit d’une mise en garde car tout savoir ancien n’est pas anti-progrès ou anti-développement et que par conséquent il y a une nécessité de faire un métissage des savoirs anciens et nouveaux. Le succès du développement en milieu rural en dépend.

La dernière partie de l’ouvrage porte sur un ensemble d’initiative locale dont les résultats sont en deçà des attentes. Le cas de la microfinance est un bon exemple de développement local qui ne profite pas nécessairement aux populations locales comme le souligne Tchekoté dans son article. Cet outil qui aurait pu être une source de financement de la petite paysannerie se retrouve être un outil de son contrôle et d’appropriation de l’espace rural par les élites. Cet aspect obstacle ressort dans les écrits de Traoré à travers le capital social des femmes d’une commune de la ville de Conakry en Guinée. La mobilisation autour du développement local doit favoriser l’action des femmes. Cette mobilisation doit se faire à travers le processus de « empowerment ». Finalement, l’article de Kpatchavi porte sur le transfert des compétences dans le cadre de la décentralisation au Bénin. Ce transfert des compétences se fait dans un environnement politique conflictuel qui gomme, malheureusement, les efforts de développement entrepris et met à nu les difficultés dans l’exercice de la gouvernance locale.

En résumé, l’ouvrage est fort agréable et se lit facilement. Il constitue une source précieuse d’analyse et de comparaison sur des cas d’initiative de développement à l’échelle locale. Même si le livre aborde des aspects qui ne sont pas nouveaux par rapport aux analyses classiques et observations se rapportant à ces questions, la perspective et l’angle sous lequel les auteurs font leurs analyses constituent une nouvelle source de questionnement sur le développement local.

L’ouvrage est fort bien structuré. Le modèle de présentation permet de suivre les auteurs dans leurs démarches d’analyse et d’avoir une idée précise des différents thèmes abordés. La diversité des thèmes abordés dans l’ouvrage constitue un atout qui ne dilue pas pour autant le contenu ainsi que la problématique du développement local. Par la richesse et la diversité de son contenu, cet ouvrage constitue une très bonne source d’information sur la pratique du développement local.